Communiqué du 24 mai 2008

 

Un député gaulliste ne votera pas la réforme des institutions

 
  • L’intervention de Jean-Pierre Grand à l’Assemblée nationale
    Intervention du député UMP lors du débat sur le projet de loi constitutionnelle - 21 mai

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Madame le Garde des Sceaux,

Mes chers Collègues,

 

Le préambule et l’ensemble des articles de la Constitution forment philosophiquement, juridiquement et politiquement un tout cohérent. Aussi, vous comprendrez que l’on puisse s’interroger sur les motivations du Gouvernement de dissocier l’examen du préambule de la Constitution du texte aujourd’hui soumis au vote du Parlement, alors qu’une nouvelle rédaction a été confiée par le Président de la République à une commission présidée par Simone Veil.

 

Ce projet de loi réécrit plusieurs dizaines d’articles de notre Constitution. Il s’agit là d’une modification en profondeur de notre loi fondamentale.

Je n’ai pas d’opposition particulière à l’article 2, limitant désormais à deux le nombre de mandats consécutifs pour un Président de la République. Cette disposition ne remet pas en cause les fondements de nos Institutions, mais c’est probablement la seule.

L’article 4, permettant au Parlement de valider la nomination de personnalités appelées à exercer de hautes fonctions, est dangereux pour de multiples raisons.

- On peut imaginer que les partis politiques vont immanquablement reprendre la main sur les nominations.

- On peut craindre que des personnalités pressenties fassent un travail de lobbying auprès des élus.

- On peut prévoir de fatales opérations de déstabilisation des candidats.

En ce qui concerne la nomination des membres du Conseil constitutionnel, appelés à se prononcer sur la constitutionnalité de l’activité parlementaire, mais également à trancher les contentieux électoraux des députés et des sénateurs, cette disposition remet en cause leur indépendance. Je rappelle que le parlement est déjà largement associé à la composition du Conseil constitutionnel au travers du pouvoir personnel de nomination du président de chaque assemblée, ce qui évite les inconvénients que je viens de soulever.

L’article 7 du projet de loi prévoyait que le Président de la République puisse prendre la parole dans cet hémicycle.

Je note avec satisfaction que la commission des lois en a rejeté l’idée. Cette disposition ne pouvait être acceptable dans la mesure où notre Constitution fixe clairement la responsabilité politique du Premier ministre et de lui seul devant le Parlement qui peut le censurer.

Je n’imagine pas un seul instant le Président de la République, qui dispose du droit de dissolution de l’Assemblée nationale, venir devant nous, défendre sa politique mise en œuvre par le gouvernement (en dehors des périodes de cohabitation) et ne laisser aux députés d’autre choix que de déposer une motion de censure contre le Premier ministre.

La solution de repli à Versailles, en configuration de Congrès du Parlement, ne présente pas d’inconvénient institutionnel majeur, l’usage nous en dira plus.

L’article 10, permettant aux ministres de retrouver automatiquement leur siège de député ou de sénateur dès lors que cesse leur fonction gouvernementale, laisse augurer de multiples changements dans la composition des gouvernements ce qui apparaitra très vite comme un retour à l’instabilité gouvernementale.

Le vote de résolutions, tel qu’il est prévu à l’article 12, est de nature, dans le pire des cas à gêner l’action gouvernementale et dans le meilleur des cas à être sans influence.

L’article 16, modifiant l’article 42 de la Constitution, prévoyant que les projets de loi examinés en séance publique sont ceux de la commission et non plus ceux du Gouvernement, est une disposition en contradiction avec l’esprit des institutions de la Ve République.

Au-delà de cette affirmation qui ne s’applique naturellement pas aux propositions de loi, il convient d’appeler l’attention de chacun sur des aspects qui me paraissent incontournables pour rejeter cet article. Le Ministre ne sera plus dans la situation de présenter et de défendre, en séance publique, le texte du Gouvernement.

Il sera dans une position défensive. Il devra coûte-que-coûte trouver sur tous les bancs de l’hémicycle une majorité pour rejeter des dispositions qu’il estimera contraire à sa politique.

L’importance de cette modification laisse supposer que le débat, devenu alors essentiel en commission, se déroulera dans des conditions équivalentes à celles de l’hémicycle, en particulier avec l’incontournable présence du Gouvernement.

On peut redouter que cette importante modification conduise à une confusion préjudiciable au Gouvernement et au Parlement.

L’article 22 renoue avec ce que les constitutions antérieures ont connu, un ordre du jour partiellement partagé.

C’est, soit une hypocrisie, soit un danger.

- Une hypocrisie, si, comme cela est prévisible, le Gouvernement fournit au groupe majoritaire, qui ne dispose pas des services de l’Etat pour expertiser les propositions de loi les plus techniques, un texte clés en main. Ce texte sera simplement rebaptisé proposition de loi.

- Un danger d’affaiblissement du Gouvernement, si le Parlement présente des textes mettant en péril la cohérence de l’action gouvernementale.

L’article 23, limitant l’application du 49-3, est une grave erreur. Cet article a pour vocation dans l’esprit des Institutions de la Ve République, en cas de conflit entre le Gouvernement et sa majorité, de donner le dernier mot au Gouvernement, le Parlement ayant toujours la possibilité de censurer le Gouvernement.

Ce texte démontre que l’on est en train de perdre de vu que ce n’est pas le Parlement qui gouverne mais le Gouvernement.

La vraie liberté du Parlement, c’est la liberté de sa majorité.

Pour cela, il n’y a pas besoin d’une révision constitutionnelle dont l’ampleur modifie en profondeur la philosophie politique et les grands équilibres de la Ve République.

Cette Constitution, voulue par le général de Gaulle, méticuleusement conçue par Michel Debré, est une mécanique d’horlogerie de précision dont les rédacteurs avaient su tirer toutes les conséquences des faiblesses des constitutions antérieures.

Pour paraphraser Churchill sur la démocratie, je dirai que notre Constitution est la pire à l’exception de toutes les autres.

Ce projet de loi n’a pas vocation à changer la Constitution, mais à changer de Constitution.

Aujourd’hui, cette loi constitutionnelle est présentée, par le Président de la République lui-même, comme « la plus grande réforme de la Ve République depuis 1958 ».

Aussi, on peut se poser la question, mais seul le Président de la République à la réponse et la responsabilité de la décision, fallait-il que cette réforme soit soumise à l’approbation du Parlement ou à l’approbation du peuple souverain ?

Pour obtenir les voix nécessaires à son adoption à Versailles, nous assistons à tous les marchandages et les contorsions les plus politiciens, la presse s’en faisant jour après jour l’écho.

L’exemple le plus savoureux étant la disposition que l’on appelle la « règle d’or ».

A vous mes chers Collègues, sur tous les bancs de cet hémicycle, qui au fond de vous-même ou publiquement rêvez d’une VIe République, je le vous dis : « Vous rêvez de la VIe République, vous aurez la IVe République. »

 

Chacun comprendra que, député gaulliste, en mon âme et conscience,

je ne pourrai voter ce projet de loi constitutionnelle.

 

Jean-Pierre Grand