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Irlande : une manipulation d'Etat
révélée par un courriel diplomatique
Dans son édition datée du 14 avril, le Daily Mail révèle
le contenu d'un courriel confidentiel qui aurait
été adressé par une diplomate britannique à Dublin, dans
lequel on constate, selon le journal, que "le
gouvernement irlandais a élaboré un plan destiné à
tromper les électeurs lors de la prochaine consultation
référendaire sur le Traité européen". Le message de la
diplomate indiquerait en particulier qu'il faut ménager
les craintes irlandaises sur la future Europe de la
Défense qui menace la neutralité du pays, en organisant
le référendum le plus tôt possible car, écrit-elle,
"Sarkozy est complètement imprévisible", faisant
allusion à la future présidence française de l'Union
européenne. Le memo diplomatique indiquerait également
que la Commission entendait bien "minimiser ou reporter
les messages qui pourraient être contreproductifs" pour
le "oui" irlandais. Il faut précipiter l'organisation du
référendum en pariant sur le fait que "la plupart des
gens n'auront pas le temps d'étudier le texte et
suivront alors les recommandations des politiciens en
qui ils ont confiance"... |
Le gouvernement a élaboré un plan destiné à tromper les
électeurs lors de la prochaine consultation référendaire sur le
Traité européen. C'est ce que révèle aujourd'hui le Daily Mail.
Un courriel vient en effet d'être rendu public, qui montre
comment les ministres préparent une campagne délibérée de
désinformation afin de faire gagner le "oui" au Traité de
Lisbonne lors du vote référendaire imposé par la Constitution.
Le Ministre des Affaires étrangères, Dermot Ahern, a même reçu
personnellement l'assurance que la Commission de Bruxelles
nuancerait ou reporterait toute annonce qui pourrait être "contreproductive"
pour le "oui"...
Plus grave, le courriel révèle que les ministres ont refusé que
le référendum ait lieu en octobre, ce qui aurait un choix plus
pertinent sur le plan de la procédure, parce qu'ils craignaient
des "développements
contreproductifs" au cours de la Présidence française de
l'Union, en particulier en ce qui concerne la défense
européenne. Voilà qui soulève de graves inquiétudes sur le fait
que la neutralité militaire inscrite dans la Constitution
irlandaise soit gravement affaiblie par le Traité - nouvelle
version de la défunte constitution européenne.
Ce mémo a été envoyé au gouvernement britannique par Elizabeth
Green, une diplomate britannique de haut rang à Dublin, à la
suite d'une réunion avec Dan Mulhall, haut responsable du
Ministère irlandais des affaires étrangères. L'objet de ce
courriel était d'informer Londres des efforts du gouvernement
irlandais afin d'assurer un vote "oui" au référendum.
L'Irlande est le seul Etat membre de l'Union européenne qui
autorise ses électeurs à donner leur avis sur le Traité et les
chefs d'Etats sont visiblement terrifiés à l'idée qu'ils
puissent le rejeter.
Ceux qui font campagne pour le "non" mettent en garde contre un
Traité qui pourrait mettre fin au pouvoir de l'Irlande de
décider de sa politique fiscale comme de sa politique sociale.
Toutefois, l'aspect le plus controversé est la possibilité
d'avancées dans le concept "d'armée européenne" qui violerait le
principe de neutralité qui est un des principes fondateurs de
l'Etat. La France a particulièrement à cœur de faire avancer
l'idée d'une force armée européenne, que ses opposants craignent
de voir passer à l'action malgré l'opposition de l'Irlande, en
raison du système de vote à la majorité qualifiée au Conseil
[clause passerelle de l'art 48, NDLR].
Des craintes ont déjà été exprimées sur le sort des soldats de
la paix irlandais envoyé au Tchad qui pourraient être impliqués
dans les objectifs politiques et militaires français dans la
région. Le courriel qui a fait l'objet de cette fuite admet que
c'est l'un des problèmes que l'on doit se garder de soumettre
aux électeurs, et que le risque de voir les Français d'exprimer
sur ce sujet rendait impossible la tenue du référendum à
l'automne. Il est ainsi rédigé : "Mulhall
estime que le choix d'une date en octobre aurait été plus facile
sur le plan procédural, mais le risque d'évènements
contreproductifs au cours de la Présidence française - en
particulier sur la défense européenne - est beaucoup trop élevé.
Nicolas Sarkozy est totalement imprévisible."
Le haut responsable irlandais est également préoccupé par les
récentes négociations à l'OMC, qui ont déjà suscité la colère
des agriculteurs et qui pourraient décider les électeurs à voter
contre le traité. Les agriculteurs et les acteurs de la filière
agricole préparent une journée de grève cette semaine pour
protester contre les positions prises par le Commissaire
européen au commerce international Peter Mandelson. Le courriel
indique aussi que Mulhall craint "un
accord de l'OMC fondé sur des concessions qui pourraient
conduire les puissantes organisations agricoles à retirer leur
soutien".
Toutefois, les ministres du gouvernement fondent leurs espoirs
sur le fait que le traité ne peut être lu ou compris par la
plupart des électeurs - et qu'en lançant un référendum à court
terme, on empêcherait qu'ils le fassent de toute façon : "la
plupart des gens n'auront pas le temps d'étudier le texte et
suivront alors les recommandations des politiciens en qui ils
ont confiance", ajoute-t-il.
Il souligne également que le gouvernement prévoit d'empêcher les
électeurs d'analyser les détails, déclarent que "l'objectif
est de se concentrer sur les avantages globaux de l'Union
européenne plutôt que sur le traité lui même".
Il poursuit en expliquant les détails de la loi référendaire,
qui a été adoptée "après
de longues consultations avec les juristes du gouvernements et
avec les partis politiques". Toutefois, il admet que la
loi est "en grande partie incompréhensible pour le lecteur
moyen".
Le message fait référence à des manœuvres destinées à tromper
l'électeur sur la véritable date et indique : "Les
irlandais ont choisi le 29 mai mais vont retarder l'annonce de
cette date afin de laisser le camp du non dans le flou".
"Le
Taoiseach (Premier ministre) et Dermot Ahern [Ministre des
affaires étrangères, NDLR) ont estimé qu'il y aurait un petit
avantage à laisser le camp du Non dans le doute".
La date du 12 juin a été avancée depuis lors, mais il n'est pas
clair que ce soit la date définitivement retenue ou si l'option
du 29 mai est toujours en réserve afin de déstabiliser la
campagne du "non".
Le courriel ajoute que la Commission européenne faisait de son
mieux pour éviter de diffuser de mauvaises nouvelles auprès des
électeurs irlandais et que M. Mulhall estimait que d'autres
institutions - y compris la Commission - jouaient le jeu et
jouent un profil bas.
Il ajoute que durant son voyage à Dublin, la Vice Présidente de
la Commission Margot Wallstrom a indiqué à Dermot Ahern que "la
Commission voulait minimiser ou reporter les messages qui
pourraient être contreproductifs".
Le message souligne que "Mulhall
a remarqué que les médias ont été relativement calmes jusqu'à
présent sur le processus de ratification".
Un porte parole du gouvernement a refusé de commenter cette
fuite lors d'une réunion, hier soir, en déclarant : "La
date a été fixée par le Taoiseach, il n'y a aucun changement".
DAILY MAIL, Ireland - Monday 14 April 2008 |