Communiqué du 18 septembre 2007

 

Kouchner et la "guerre" en Iran: attention, danger !

 

Si Bernard Kouchner avait été ministre des Affaires étrangères en 2003, la France aurait sans doute des troupes en Irak en ce moment, tout aussi embourbées que celles des Etats-Unis. Bernard Kouchner est le chef de la diplomatie française depuis trois mois, et voilà qu'il nous parle déjà de "guerre", cette fois avec l'Iran.

Etrangement, c'est la France qui parle le plus de guerre avec l'Iran ces temps-ci. Nicolas Sarkozy avait déjà employé un ton martial sur le nucléaire iranien, dans son discours aux ambassadeurs de France fin août, qui avait fait sursauter jusqu'au New York Times. Bernard Kouchner est allé un pas plus loin, hier sur LCI: "il faut se préparer au pire", c'est-à-dire, a-t-il précisé, "la guerre".

Les bruits de botte contre l'Iran faisaient également la "une" des journaux britanniques ce weekend. Mais, aux Etats-Unis, pas de propos similaires ces jours-ci. Comme si les Américains, qui viennent de passer la semaine à se demander, sans trouver de réponse, comment ils allaient sortir d'Irak, laissaient monter au front leurs alliés européens, soudainement devenus alarmistes et guerriers. Ou pire, comme si Washington avait suscité une telle campagne de préparation psychologique.

La difficulté des responsables politiques, en Europe ou aux Etats-Unis, est qu'il est impossible d'entendre ces appels à la guerre contre l'Iran sans avoir une petite musique intérieure qui nous rappelle les énormes mensonges proférés pour justifier l'invasion calamiteuse de l'Irak. Un proche de Tony Blair révélait la semaine dernière que l'ex-premier ministre britannique n'avait pas été favorable à la guerre en Irak lors de ses premiers entretiens avec George Bush. Mais il s'est quand même retrouvé embarqué dans cette aventure, couvrant les pires mensonges et envoyant ses troupes en mission impossible. Il faudra faire preuve d'une formidable persuasion pour convaincre les opinions publiques de la justesse d'une guerre en Iran, et, désolé Bernard Kouchner, le ton adopté dimanche sur LCI n'y suffira pas.

Il ne s'agit pas ici de minimiser le risque iranien. Le régime de Téhéran, sous sa composante religieuse ou son visage civil incarné par Mahmoud Ahmadinejab, défie ouvertement les Nations Unies, à la fois sur son programme nucléaire ou sur ses appels à la destruction d'Israël, Etat-membre de l'ONU. Son système interne ne le rend pas particulièrement sympathique non plus. Mais la complexité de la situation interne en Iran rend toutefois difficile de répondre à ce défi en disant "la guerre", comme si cela allait de soit, comme si c'était la seule approche possible. Le précédent irakien est là pour montrer que même en s'en tenant à l'objectif du renversement d'une dictature que soutenait M. Kouchner en 2003, on voit bien que l'intervention d'armées étrangères n'est pas la panacée et peut déboucher sur un désastre humanitaire, politique et stratégique sans équivalent dans l'histoire récente.

Le durcissement de la position française sur l'Iran est d'autant plus suspect qu'il s'inscrit dans une démarche de séduction vis à vis de Washington. Cela ne poserait pas de problème si cela ne signifiait servir de béquille à une administration Bush largement discréditée, et qui amorce, au plus bas dans les sondages, la dernière ligne droite de son mandat. Les gestes se multiplient, dont les vacances américaines du Président ne sont pas le moindre; Mais il y a aussi le ballon d'essai lancé la semaine dernière par le ministre de la défense Hervé Morin pour un retour de la France au sein de la structure militaire intégrée de l'OTAN, la visite de Kouchner à Bagdad, ou cette dernière sortie sur l'Iran.

Comme toujours en France, la politique étrangère se fait et se change sans débat national, pas même de discussion parlementaire. S'il existe encore une opposition dans ce pays, peut-être pourrait-elle demander des éclaircissement avant le départ du premier avion français pour aller bombarder Téhéran?