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Par
Roland Hureaux.
Les dernières municipales ont été
l'occasion de vider encore ces élections de toute substance
locale et de réduire les candidats à leur étiquette et à des
logiques de partis.
Tandis
que Nicolas Sarkozy règne sans partage sur l' «Etat UMP», la
France des collectivités locales, elle, vire à gauche.
Certes, ce partage informel du pouvoir n'est pas nouveau : sous
De Gaulle, Pompidou et Giscard, la gauche, PC en tête, écartée
du pouvoir national, avait largement investi les collectivités
locales, ruminant tout au long des années soixante-dix le projet
de décentralisation.
La loi Deferre, qui en fut l'aboutissement
une fois Mitterrand élu, devait pourtant profiter à la droite,
de retour au plan local sous un président de gauche. En 2001,
Chirac régnait mais Jospin gouvernait : les élections furent
favorables à la droite. En 2003, sous Raffarin, ardent
décentralisateur lui aussi, la gauche rafla toutes les régions
sauf une.
Des médias attachés aux classifications
simplistes
Rien de nouveau sous le soleil,
donc? Pas tout à fait : jadis quelques citadelles aux couleurs
indéterminées résistaient aux mouvements nationaux. On ne savait
pas si Louis Pradel, maire de Lyon, était de droite ou de
gauche. Maurice Faure, maire de Cahors, à peine davantage. On
savait seulement qu'ils étaient indéracinables. Quel qu'ait été
le vent, Marseille n'aurait su passer à droite, ni Rodez à
gauche.
La nouveauté des élections
municipales de 2008, c'est la radicalité du mouvement qui tend à
polariser les scrutins locaux – dans les grandes et moyennes
villes, et même dans beaucoup de petites – en fonction des
enjeux nationaux.
En annonçant de manière bravache
- et fort imprudemment - que ces élections seraient un test
national, le président a certes amplifié le mouvement. Le Parti
socialiste l'a pris au mot et, profitant de l'effondrement de la
popularité du président, a joué le même jeu et emporté la mise.
Mais dans ce mouvement de
bipolarisation, le rôle des grands médias a été aussi essentiel
: rarement ils ont autant couvert les élections locales.
Naturellement simplificateurs, les médias ne connaissent que les
étiquettes. Comme aux dernières présidentielles, ils ne surent
qu'égrener les UMP et les PS, comme d'autres les Pater et les
Ave.
Une élection locale sans enjeu local et...
sans intérêt
Les électeurs sont entrés eux
aussi dans le jeu : dans la plupart des villes, seules les
étiquettes ont compté. Et la bonne était cette fois celle du PS.
Non pas que l'électeur ignore l'état lamentable où se trouve
aujourd'hui ce parti. Mais il voulait sanctionner Sarkozy, un
point c'est tout. Contraint par l'ambiance d'employer un langage
binaire, il comprit que "Non à Sarko" se disait PS. Un point
c'est tout.
Le laminage du facteur personnel,
l'impossibilité pour les hommes de troisième force ou issus de
la société civile d'exister dans le débat ont été les
corollaires de cette infernale mécanique. L'échec emblématique
de François Bayrou à Pau (tout comme l'effondrement du
radicalisme dans le Lot) ne furent que la pointe émergée d'un
immense processus de simplification de l'expression
démocratique.
Inconsciemment, l'électeur ne s'y
est pas trompé : si le taux d'abstention a été plus fort qu'il
ne l'est d'habitude dans les scrutins municipaux c'est que,
l'enjeu local gommé, l'élection perdait de son intérêt propre.
Le maire demeure, dit-on, l'homme politique le plus populaire.
Cela est peu apparu. Préférant l'écran de télévision aux
réunions de quartier, les électeurs se sont en fait peu
intéressés à ce scrutin. S'abstenir n'était-il pas d'ailleurs
une autre manière de faire un bras d'honneur au pouvoir en
place?
Certes, à cette règle il y eut
quelques exceptions : d'excellents maires UMP comme Antoine
Ruffenacht, au Havre, pourtant ville de gauche, ont été épargnés
par la vague socialiste. Sans doute aussi, pour la même raison,
Alain Juppé à Bordeaux. Alors que le grand Sud-Ouest presque
dans son entier allait vers la gauche (qui gagne Toulouse,
Brives, Périgueux, Rodez , Dax et même, qui l'eut cru, les
conseils généraux de l'Aveyron et des Pyrénées-Atlantiques !),
Agen vire à droite. La raison? La gestion calamiteuse de la
ville par une équipe de gauche inexpérimentée élue en 2001. Pour
les même raisons, le maire sortant UMP de Cahors n'atteint pas,
fait inouï, les 20 % au premier tour. A Agen comme à Cahors, les
impôts avaient augmenté de plus de 50 %, ce que l'électeur ne
pardonne pas en pleine stagnation du pouvoir d'achat.
La fin de la régénération politique?
De façon générale, il fallait
être très bon pour résister au courant, ou très mauvais pour
être battu à contre-courant. Cela n'est arrivé que rarement.
La bipolarisation, que Bayrou
avait failli mettre en échec aux présidentielles, confirme ainsi
son emprise. C'est dommage. Les élections locales y perdent de
leur intérêt. Or les nouveaux maires sont le vivier où se
renouvelle en France le personnel politique: s'il suffit, pour
gagner, d'une étiquette délivrée par un parti au bon moment, il
y a peu de chances que la classe politique se régénère par là.
Tant pis pour les électeurs qui, d'une certaine manière, l'ont
bien cherché en restant, malgré la proximité de l'enjeu,
attachés à des stéréotypes.
Dernier constat : on savait que
les élections régionales et européennes, plus encore que les
municipales, sont conditionnées par l'état d'esprit national. Au
moment où tout le monde prophétise le recul de l'Etat national,
n'est-il pas paradoxal de le voir s'affirmer comme le seul enjeu
électoral autonome et celui qui impose son rythme à tous les
autres, la seule scène encore vivante du jeu démocratique ?
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