Communiqué du 11 janvier 2009

 

L’Euro a 10 ANS - La crise en est à ses débuts

 
  • Par Jean-Pierre GÉRARD
    Ancien membre du Conseil de la Politique Monétaire - Président du club des N°1  mondiaux français à l'exportation - Chef d’entreprise

Les anciens disaient que la vérité était la première victime de la guerre. Je crois qu’on peut attribuer cette maxime à la monnaie tant celle-ci sert à masquer nos turpitudes, tant elle sert les intérêts des uns ou des autres selon qu’on défend la solidité (entendez la surappréciation de la monnaie) ou le laxisme monétaire. Depuis sa création l’euro n’en finit pas de défendre les faux semblants, de laisser croire que les affaires monétaires sont sous contrôle, que l’hydre de l’inflation est toujours menaçante alors que dans le même temps l’émission de titres (la titrisation) permet aux banques et à son personnel de faire des profits sans substance aucune, et qui plus grave a alimenté leur arrogance au-delà de ce à quoi celles-ci nous avaient habitué.

Ma nomination au Conseil de la Politique Monétaire intervint juste après le traité de Maastricht, celui-ci avait été voté d’extrême justesse et je n’avais voté oui qu’en toute dernière extrémité. Je voyais tous les défauts de ce qui à l’époque n’était que l’Ecu, des contraintes et des risques sous jacents à cette construction, mais j’en voyais aussi certains avantages comme en particulier celui de donner l’Europe une structure monétaire qui lui permettrait de disposer d’une monnaie de réserve. Je n’étais pas ce qu’il est convenu d’appeler un expert monétaire, mais j’avais une formation économique (outre celle d’ingénieur) et acquis une assez bonne expérience dans ces domaines.

Le Conseil de la Politique Monétaire fut créé par le gouvernement Balladur en 1993 et le premier conseil se réunit le 7 janvier 1994. Dans une certaine forme de naïveté, je pensais que les grands argentiers au nombre desquels j’allais appartenir, étaient conscients des problèmes que la création de la monnaie unique allaient engendrer, et que par touches successives, on arriverait à améliorer le système. Quelle erreur ! Chaque fois que j’émettais un avis sur des évolutions souhaitables,  il m’était répondu que la France avait voté par référendum et qu’il n’était pas possible de changer quoi que ce soit. L’histoire récente m’en apporte un démenti avec le déni du référendum de 2005, et je suis bien obligé d’admettre que les bénéficiaires de la construction européenne centralisée, et du libre échange débridé des biens et services utilisent tous les faux arguments même lorsque le peuple leur fait comprendre son désaccord. Pour paraphraser ce que disait Napoléon de la Banque de France au moment de sa création, et que Jean-Claude Trichet adore citer :

« Il faut que l’Europe soit démocratique mais pas trop.» Entendez par là « tant que l’Europe est gouvernée par nous, dormez bonnes gens et surtout ne dites pas que nous nous fourvoyons.»

Nous allons voir que si l’Euro a répondu aux attentes de ses plus ardents défenseurs, il n’en a pas moins été soit l’origine, soit l’accélérateur des problèmes politiques, financiers et économiques que nous connaissons aujourd’hui, largement prévisibles, et je le soutiens, parfaitement connu de tous ceux qui ont œuvrés à sa réalisation.

C’est en faveur de ses partisans que l’€ a le mieux rempli ses objectifs, mais même pour eux comme nous le verrons dans le II, la roche tarpéienne a été beaucoup plus proche qu’ils ne le pensaient du Capitole qu’ils visaient. Les succès ont été incontestablement la prouesse technique, la consécration des banques pour la création monétaire, en troisième lieu il n’est pas douteux que la première période de la gestion de la Banque Centrale Européenne a été bénéfique, et qu’enfin toutes les inquiétudes étaient balayées d’un revers de main par les ayatollahs du franc fort devenus les groupies de l’Euro.

L’euro a été incontestablement un succès technique. La mise en réseau de tout le système bancaire, faire la transformation technique qui consistait à émettre de l’ordre de plusieurs milliards de pièces et de billets, tout ceci a été réalisé même si certaines inquiétudes sont venus perturber le bon fonctionnement. Mais il faut relativiser ceci, car on ne fait pas une transformation de cette ampleur pour montrer qu’on est capable de la réaliser. Et c’est d’ailleurs la moindre des choses que d’y parvenir. Mais comme certains s’inquiétaient de ce changement et que somme toute les banques centrales y sont parvenues donnons leur acte de cette réussite, même si personnellement je n’ai pas eu d’inquiétude sur le sujet. Cette appréciation plutôt positive doit cependant être corrigée de 2 éléments plutôt négatifs et en tous cas qui ne correspondaient en aucune manière aux engagements affichés par les sceptiques.

Le coût des opérations transfrontalières n’a en aucune façon été réduit pour les particuliers. Seuls les détenteurs d’euros fiduciaires qui pouvaient payer avec des pièces et des billets dans la zone euro ont été avantagés par rapport à la période antérieure . En aucun cas les paiements par carte bleue, chèques ou autres moyens n’ont vu leu coût baisser. Et l’anecdote du touriste revenant avec 50% de son pécule initial, en ayant seulement procédé aux opérations de change reste malheureusement encore assez vraie.

Les banques ont mis à profit cette période de perte de repères pour augmenter considérablement leurs tarifs et ce en accord avec la banque centrale pour les remercier de « l’effort consenti ». D’où l’envolée des profits comme ceux de la BNP.

Les banques et les établissements financiers et surtout ceux qui ne collectaient pas l’épargne (les banques de dépôts) ont bénéficié d’un accès à leur matière première (les prêts de la Banque Centrale Européenne) à des taux nominaux (les seuls qui les intéressent)  plutôt bas. Il est clair que l’élargissement de l’assiette des opérations de la Banque Centrale Européenne a conduit à des taux d’intérêts nominaux (et non réels) relativement bas. Nombre de banques ne sont pas des banques de dépôts et leur seule matière première vient de la banque centrale. Quand le taux du marché monétaire est bas et que la liquidité est abondante, leur matière première est bon marché et elles peuvent prêter et faire des opérations de financement des activités sans pour cela avoir nécessairement un lien avec le réel. Elles pouvaient donc se lancer dans de multiples opérations de LBO, de refinancement de dettes etc. Ceci était vrai aux États-Unis comme en Europe et comme on pouvait tout avoir sans travailler pourquoi se gêner.

Dans la période qui a précédé la mise en œuvre de l’€, nous avions connu des périodes de sous évaluations ou de surévaluation du $. En fonction des variations on constatait un mouvement relatif des monnaies européennes assez significatif. Si la valeur du dollar baissait, des tensions apparaissaient au sein du SME, si le dollar s’appréciait toutes les monnaies européennes respectaient leurs parités au sein du SME. Cela signifiait en clair que les économies européennes :

Etaient plus ou moins dans la Zone $ et que toute modification relative entrainaient des tensions plus ou moins vives, d’où les dévaluations compétitives qui nous ont fait tant de mal dans le début des années 90, jusqu’en 1996.

Mais la contrepartie positive venait de ce qu’elles étaient différentes et vraisemblablement complémentaires. Cette complémentarité aurait du servir le projet européen au lieu de quoi on nous a obligé avant 96 puis après 2005 à ressembler économiquement à l’Allemagne et à développer des activités en dehors du champ des qualités intrinsèques des français des italiens et des espagnols

La première période qui a correspondu à la présidence de Wim Duisenberg a été plutôt favorable pour tous, tant le dollar s’était apprécié. Les tensions économiques de compétitivité qui avant l’€ se portait sur les parités, avaient disparues non pas à cause de l’€ mais par la simple appréciation du dollar. On ne dira jamais assez combien  la dépréciation de l’€ au début de sa carrière a été un fantastique facteur de réussite technique.
Pour autant, les problèmes avaient ils disparus ? Mais cela a conduit la Banque Centrale Européenne surtout dès lors que Jean-Claude Trichet, libéré de ses tracas judiciaires, n’a eu de cesse de mener une politique monétaire restrictive pour deux raisons :

Bien montrer son indépendance vis-à-vis des instances nationales surtout de la part d’un homme comme Jean-Claude Trichet d’avant la crise de 2008.

Peut-être également mais je n’en suis que modérément convaincu par l’inquiétude de voir l’endettement total mondial et les phénomènes de titrisation prendre l’ampleur que l’on connait aujourd’hui et que nos banquiers centraux ne pouvaient ignorer.

Pour autant pouvait-on mener une politique monétaire restrictive seuls dans le monde sans prendre les mesures d’isolation des économies européennes de la contagion qui menaçait ? Pouvions nous nous permettre d’être les seuls à limiter notre croissance tant par les taux, que par la pression du $, que par les dégâts d’une politique sociale irréfléchie ? Même si je ne pense pas que Jean-Claude Trichet ait lu l’empire des dettes de Bill Bonner, faisons lui crédit d’avoir pensé que l’Europe, pouvait donner l’exemple et avoir pensé que la politique reviendrait à de meilleurs sentiments en ce qui concernait la politique commerciale, des échanges de capitaux.  

Tant que j’étais au Conseil de la Politique Monétaire, je me suis efforcé d’attirer l’attention sur ces incohérences, qu’il était impossible de croire que l’€ rendrait soudain les gouvernements plus vertueux. Lors d’une conférence que j’avais faite à Strasbourg devant un groupe parlementaire européen, je leur avais fait part de ces réflexions malheureusement frappées à l’époque d’incomplétude. Celles-ci  n’étaient ni démontrables ni d’ailleurs réfutables. A ma grande stupéfaction, ils découvraient ces problèmes et pourtant je n’étais pas député européen en charge de l’avenir de l’Europe.

Il était particulièrement difficile de faire entendre sa voix tant les intérêts des banques, de l’inspection des finances, de la superstructure administrative bruxelloise était puissants. Que n’ai-je entendu lorsque timidement, dans le Monde, j’ai donné quelques éléments d’incohérence de la politique suivie et  je me suis vu à deux doigts d’être exclu du Conseil de la Politique Monétaire, non pour ce que j’avais dit, qui n’avait même pas été lu, mais parce que j’avais bousculé certains tabous et en particulier jusqu’en 1996 le rôle particulièrement néfaste de la Bundesbank dans la politique monétaire européenne, excessivement néfaste avant tout pour les pays comme la France en particulier, mais les pays du Sud en général, mais également pour l’Allemagne, même si ceux qui en souffraient en Allemagne n’osaient dire ouvertement combien elle menaçait les activités. (Il faudra l’instauration de la TVA sociale pour redonner un peu d’air aux entreprises allemandes asphyxiées par la Banque Centrale Européenne).

Il est quand même clair que la première partie de la vie de l’€ a permis aux pays d’Europe de faire apparaitre leur potentiel de complémentarité, mais que celle-ci n’est possible que si l’économie européenne sait organiser son autonomie, dommage que ce constat n’ait pas été suivi d’effet.

 

Malgré les quelques succès rencontrés par la construction du système monétaire européen, succès dont on vient de voir qu’ils étaient plus technique que réels, plus favorables au petit nombre qu’à l’ensemble des pays d’Europe,  force est de constater que tous les dangers soulignés par les économistes se sont réalisés et ont fortement obéré et pour de nombreuses années le développement de notre pays. Même s’il est difficile d’attribuer à l’euro toutes les responsabilités, il n’en a pas moins été un facteur aggravant et un accélérateur de crise, il ya d’ailleurs fort à parier qu’il sera un retardateur de sortie de crise.

L’intégration européenne est en panne et nombreux sont ceux qui comme moi ne voient plus dans les processus actuels un facteur d’intégration.

Les égoïsmes nationaux se sont renforcés voir la politique extérieure de l’Allemagne qui retourne à ses vieux démons. Tandis qu’en France gouvernement et population sont mobilisés par des « affaires » douteuses, voire délictueuses, outre-Rhin, Madame Angela Meckel conduisait avec succès la politique énergétique de son pays, la politique de défense, et même la politique monétaire. Elle mène ses alliances comme au bon vieux temps, signant avec la Russie, soutenant la Croatie dans ses visées à réduire la Serbie, déployant sa politique vis-à-vis de l’Iran, tout cela au nom de l’Europe. L’Allemagne se prépare t’elle  à conduire la politique extérieure de la future Union.

Il faut reconnaître que dès le début des années 90, au lendemain de la réunification, elle avait pris l’initiative de disloquer la Yougoslavie et de mettre les Balkans à feu et à sang, contribuant à y créer un nouveau Etat musulman, à en renforcer un autre, l’Albanie, et à mettre en pièces la Serbie, son vieil adversaire. Non seulement elle avait installé des services de renseignement en Albanie et, en dépit de l’embargo sur les armements, fourni véhicules, uniformes, munitions à ses alliés Croates et Musulmans mais, dès 1999, envoyé des millions de marks au Monténégro afin d’y créer une politique monétaire dépendante de l’Allemagne. Allant même jusqu’à pratiquer un double jeu vis-à-vis de ses alliés européens de l’UE. Le  ministre des Affaires étrangères du gouvernement Merkel, ancien chef de la chancellerie fédérale de l’équipe Schröder, n’a-t-il pas couvert les agissements d’un officier de renseignement allemand à Bagdad qui fournissait au commandement américain les résultats de ses enquêtes sur les objectifs irakiens d’intérêt politique et militaire et  dans le même temps que le Chancelier faisait mine – pour des raisons de politique intérieure – de s’opposer à l’intervention armée des Etats-Unis en Irak.

Quand à l’Angleterre il est inutile de faire une démonstration tant depuis M. Thatcher, il est devenue évident que l’UE est une alliance de circonstances, vouée au seul développement économique, et absolument orientée vers des solidarités. « I want my money back » est plus que jamais d’actualité.

Comment vouloir construire quelque chose de durable et de solide avec ces égoïsmes rassemblés par la volonté permanente de rabaisser la France, soit qu’on la considère comme peu sérieuse, soit que sa capacité à réagir lorsqu’elle est fondamentalement menacée, conduise anglais et allemands à la considérer comme dangereuse. N’oublions jamais que l’Allemagne a voulu nous détruire, n’oublions jamais que Churchill pourtant le  premier à accepter le Général de Gaulle, a voulu le détruire à la demande de Roosevelt tant le général voulait défendre nos intérêts.  La France de nouveau pour l’Angleterre et l’Allemagne doit être rabaissée comme ces deux pays l’ont toujours voulu pendant plusieurs siècles

 

La délocalisation s’est aggravée. L’euro depuis 2003-2004 s’est considérablement apprécié par rapport au $ pour arriver à valoir 1,6$ d’avril à juillet 2008. Autant l’Allemagne qui s’est spécialisée dans les biens d’équipements à forte spécialisation a réussi à maintenir (pour combien de temps), et parce que sa situation de départ a été plus favorable à l’industrie, un excédent commercial, autant la France moins industrielle, plus concurrencée par la zone $, a vu son déficit se creuser de manière dramatique.

Il faut reconnaitre cependant que l’Allemagne a fait par sa réforme de la TVA une certaine dévaluation qui a donné un coup de fouet aux exportations. Ils ont su par leur politique économique protéger leurs intérêts et ainsi être en mesure de mieux résister.

N’oublions pas non plus la fantastique délocalisation que les entreprises allemandes ont réalisée dans les pays de l’est

Il n’en reste pas moins que la France dans cette période s’est appauvrie tant elle a pris les mauvaises décisions, avec la diminution du temps de travail, l’explosion de la fiscalité et en particulier de la fiscalité locale qui se veut en permanence à l’abri des aléas conjoncturels. Qu’importe que  la population s’appauvrisse pourvu que les communes puissent continuer de s’embellir, de créer des transports dits en site propre que personne ne veut et ne peut utiliser tant les conditions de l’exploitation sont conçues pour le personnel et non pour les clients.

D’autres exemples de délocalisations nous sont donnés par le club des N°1  mondiaux français à l'exportation. Lorsque ce club a été créé en 1988, 70% de l’internationalisation de la France se faisait par les exportations, aujourd’hui la quasi-totalité des entreprises du club ont une ou plusieurs entités dans les pays à bas coûts, tant leur existence serait menacée si elles ne profitaient pour elle-même de capacités de production dans ces pays. Ainsi dans les entreprises du club  nous estimons que leur internationalisation se fait aujourd’hui à plus de 70 % par l’implantation à l’étranger. Les produits ainsi fabriqués reviennent souvent en France, diminuant la part de VA réalisée dans notre pays.

Les inégalités sociales à l’intérieur du pays se sont fantastiquement aggravées. Les riches sont devenus toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres. Ceci est vrai pour les pays développés, car il est incontestable que même si les conditions de travail en chine ressemble plus à celle de la fin du 19ème siècle, qu’ à celles de nos pays, il n’en reste pas moins que pour un grand nombre de Chinois ou d’indiens le progrès a été sensible. Mais pour quelles raison, en vertu de quels miracles, un ouvrier européen qui ferait le même travail qu’un ouvrier chinois aurait il une rémunération plus élevée. Si les ouvriers français valaient plus cher que leurs homologues chinois ça se saurait.
De même les patrons ont voulu obtenir une rémunération équivalente à celle de leurs homologues au niveau mondial. Sans avoir atteint les chiffres de l’ancien président de Disney, il faut reconnaitre qu’ils y sont assez bien parvenus et que  leurs salaires a été sur la période 2000 à 2005 multipliés par presque 5. Est ce l’euro qui est responsable, sans doute pas en direct mais il est incontestable qu’il a favorisé la comparaison avec les autres pays et en particulier avec les américains et les allemands.

L’endettement mondial a complètement dérapé et je renvoie les lecteurs à un autre de mes articles sur l’endettement mondial. Sans revenir sur tous les détails disons que la totalité des produits (sic) dits dérivés et autres CDS (Credit Default Swaps) représente la bagatelle de 500.000 milliards de $, alors que le PIB mondial est évalué à 50.000 milliards, et la richesse mondiale pourrait avoisiner les 200.000 milliards de $. La responsabilité de l’€ et des banques centrales est évidentes car elles ont laissé le système s’emballer à un point inimaginable. Avec l’€, qui pouvait freiner ce mouvement, ni les banques nationales, ni la Banque Centrale Européenne. Pourtant il s’agissait bien de la responsabilité des organes de contrôle, mais je me souviens des discours enflammés et l’air gourmand de Jean-Claude Trichet lorsqu’il parlait des bourses de Tokyo, Singapour Londres ou New York et autres places financières.
Non la responsabilité est bien plus prosaïque, les résultats mirobolants se sont appuyés sur un mécanisme très simple. On s’endette pour réaliser des opérations dont on attend  un résultat de 15 ou 20% ; si le résultat est bien conforme tout le profit de l’opération vous revient, et dans la période qui nous préoccupe toutes les activités boursières avaient comme conséquence la hausse des valeurs sur lesquelles on misait. Il y avait bien eu quelques alertes avec les amis de Mr Greenspan de LTCM, mais peut on laisser tomber 2 prix Nobel d’économie, prouvant par la même que la formule magique qui leur avait valu ce Nobel, n’était finalement pas si magique que cela.
Là ou l’€ a une responsabilité écrasante, c’est qu’un tel niveau global de l’endettement mondial, n’aurait pas été possible. L’€ a créé une zone de non risque pour les risqueurs de tout poil, car le casino s’étendait au monde entier et comment faire confiance à des multitudes de gens que vous ne connaissez pas, et qui leurs forfaits commis pourront s’éloigner sans que les industrieux de la planète n’ait d’autre solution que de se remettre au travail et de recommencer de rouler leur rocher de Sisyphe

La centralisation « démocratique » s’est poursuivie Moins que jamais on écoute ceux qui ne sont pas d’accord qui vous préviennent des dangers. Nous devons démontrer que nous avons raisons et les thuriféraires de la pensée unique peuvent se contenter de hausser les épaules pour nous faire passer au mieux pour des extraterrestres et au pire pour des simples d’esprit.

J’avoue avoir été moi-même victime de ces comportements. Le simple fait de dire que l’on ne comprenait pas était un crime de lèse euro. Aujourd’hui encore bien que plus éloigné j’entends les même parler du déficit démocratique de l’Europe et dans le même temps refuser les résultats du référendum, qu’il soit français, hollandais, ou irlandais et il y a fort à parier que les autre pays voteraient de même s’ils y étaient conviés.

Cette incohérence permanente entre les moyens les fins, les objectifs et les souhaits d’une partie de la population ne pourra jamais être perçue par positive par les populations tant la mutation  sous jacent à ces modifications  supposent de solidarités actives entre les pays d’Europe à un moment ou tous prouvent le contraire.

Enfin si l’on refuse le référendum pour des sujets aussi essentiels, quels seraient les projets les projets qui justifieraient l’usage du référendum. Que le résultat plaise ou non à nos élites fourvoyées dans leurs analyses à courte vue, il est indispensable de respecter le non de 2005 et de rechercher la nature de la construction européenne qui aurait l’aval du peuple.

A l’époque il n’y avait pas de plan B, et pour cause il ne peut pas être mis en œuvre par l’actuelle élite. N’est ce pas à A. Lamassoure que l’on demande de décrypter le non irlandais, mais Mr Lamassoure quelles que soit ses qualités son urbanité, son intelligence ne peut comprendre que le peuple puisse lui dire autre chose que ce qu’il pense puisqu’il a fait le tour du dossier. Mais voila la vérité ne se laisse pas enfermer dans les dossiers les mieux ficelés et comme je l’écrivais dans un petit poème écrit pour le gouverneur la vérité n’est plus que cet infime, incapable d’entrer dans de si beaux dossiers.

La dernière erreur commise avec l’avènement de l’euro était pourtant connue des économistes de tout poil. Je me souviens en particulier de la démonstration de Ch Wyplozs particulièrement probante.  Il ne peut pas y avoir de système avec deux monnaies de réserve dans un monde financier totalement ouvert. Cela a été maintes et maintes fois constaté avec le bimétallisme, cela a été le cas avec l’union monétaire latine. Or la seule raison d’exister de la mise en commun de notre monnaie revenait à dire qu’il fallait réduire l’ouverture du système financier mondial, et mettre en cas de besoin ces cloisons étanches qui nous font aujourd’hui tellement défaut.

On peut piloter un système instable encore faut il bien connaitre les lois qui régissent  cette instabilité et  maitriser le système, parmi celle-ci on connait parfaitement dans la marine à laquelle j’ai appartenu le phénomène des carènes liquides dont le déplacement du centre de gravité avec le roulis vient aggraver le phénomène d’instabilité, c’est aussi un phénomène connu des collecteurs de lait du haut Doubs dont les camions ont une fâcheuse tendance à se renverser. Pour tous, la seule et unique solution réside dans le fractionnement de la cargaison. Je choisis à dessein cet exemple des carènes liquides de mes études d’ingénieur du Génie maritime, car ne parle t’on pas de liquidités financières. Alors que ce déséquilibre est connu,  alors que l’informatique rend l’information plus fluide et les déplacements de capitaux plus liquides, on s’empresse de supprimer toutes ces cloisons étanches pour la simple raison que les freins entraineraient de moindres profits pour les banques et les intermédiaires financiers. Au diable les précautions quand les profits potentiels sont en jeu. Il en va même ainsi pour les banques centrales qui profitent de la « volatilité » et si je ne vais pas jusqu’à dire qu’elles l’organisent je ne suis pas loin de penser que leur intérêt ne les pousse pas à avoir dans ces domaines une action déterminante.

 

Je ne veux pas prolonger outre mesure cette réflexion, mais il y aurait tant à dire sur cette crise. Il est vrai qu’il est plus facile d’en parler et que nos messages sont mieux entendus qu’ils ne l’ont été. Mais l’Europe reste malade de sa construction. L’Euro est le point extrême de cette construction dont on dit qu’elle est faite pour les peuples et qui n’est faite que pour le groupe actuel des dirigeants bien pensants de l’Europe, du catholicisme social, à l’inspection des finances, et une  partie des entrepreneurs, parmi lesquels on retrouve les importateurs, la distribution, au total ceux qui avec 35 ans de libre échange musclé ont pu prendre le pouvoir dans les instances représentatives, au détriment des industriels et des gros pourvoyeurs d’emploi.  

C’est pour cela que  le peuple dit de plus en plus souvent non à ce « bonheur » qu’on lui prépare. Voir à la télévision, au pire de la crise, ministres et conseillers en charge de la crise et du RSA, se retrouver dans les meilleurs endroits, négocier entre opposition ( ?) et majorité comment sortir de cette sacrée pauvreté. C’est pour cela que l’euro ne sortira pas gagnant de cette crise.

Au fond l’euro s’est comporté et se comporte comme une charge explosive mal maîtrisée. La masse explosive est généralement stabilisée et présente peu de dangers, et alors  peut  être transportée et utilisée à bon escient. A la limite cette charge même dans le cas de la bombe atomique n’explosera jamais toute seule. En revanche, sous l’influence des imprudences, des escroqueries en tout genre, des gains inexistants déjà distribués,   l’euro sera sans doute le principal vecteur de la  déflagration mondiale. La question n’est plus technique aujourd’hui elle est redevenue éminemment politique (ce qu’elle n’aurait jamais du cesser d’être). Il faut donc songer à une restructuration profonde de l’Euro, en se rapprochant plus de la notion de monnaie commune. Il devient de la plus haute importance que les économies puissent s’adapter à un contexte fluctuant et admettre que les dévaluations font plus pour entrainer les peuples à la sagesse financière que les taux d’intérêts.

 

Cette aventure montre à l’évidence que si les spécialistes sont nécessaires pour mettre en œuvre les techniques dont on n’a besoin, il faut donner à la politique tout son rôle et éviter que le pouvoir ne soit confisqué par ceux qui « savent ». Soit leur intérêt s’habille des oripeaux du bien commun, minimise les dangers, donne une présentation avantageuse des aspects positifs, soit aveuglés par leur propre technique, celle-ci devient l’objectif final de toute leur action. L’euro n’a pas échappé à la règle, mais  la construction européenne n’est conçue que par des spécialistes, (de l’environnement, des transports, du libre échange etc.)  Mais plus personne ne se pose les questions des avantages et inconvénients globaux. C’est à cette politique des spécialités que le peuple français a dit non, c’est pour cela qu’il faut un plan B de la construction européenne, et ce plan il faut de toute urgence le construire, et lui donner les moyens politiques d’exister en élisant au Parlement européen des hommes et des femmes qui l’auront conçu et qui dès lors pourront le mettre en œuvre.

Jean-Pierre Gérard