Réaction d'Objectif-France
H. Gaymard a raison de clamer haut et fort que
le gaullisme n'est pas mort avec la disparition
du Général en 1970.
Doit-on faire parler de Gaulle aujourd'hui pour
commenter l'actualité nationale et
internationale ?
Ceux qui ont accompagné un moment l'aventure
gaullienne, celle de la guerre 39-45 ou celle,
plus politique, des débuts de la Vème
république, ceux qui s'en réclament bien souvent
honteusement pour des raisons purement
électorales usent et abusent du même stratagème
: personne ne peut dire ce que le Général dirait
aujourd'hui !
Bien entendu ! Mais que cette litanie sonne
faux. Le propos est fort simpliste et trop
facile. Il est fait pour les fragiles et les
dociles.
Ne faisons pas parler de Gaulle ! Mais nous
savons (il suffit pour cela d'une peu de
mémoire) ce que le Général n'accepterait pas
aujourd'hui :
Ø une
Europe supranationale privant la France de la
maîtrise de son destin,
Ø une
démarche politicienne de nos élites
s'apparentant de plus en plus "aux délices" de
la 4ème république,
Ø une
déliquescence de l'Etat, donc un affaiblissement
notoire de la Nation,
Ø l'abandon
de la politique d'indépendance et l'alignement
systématique sur les thèses anglo-saxonnes
(réintégration dans toutes les structures de
l'Otan),
Ø l'absence
d'une réelle politique économique, industrielle
et sociale œuvrant pour l'établissement d'une
société participative de tous les acteurs,
La position d'Edouard Balladur est évidemment
une fuite en avant face aux exigences du
gaullisme authentique.
Que les Gaymard, de Villepin, Dupont-Aignan,
Lefranc … trouvent le chemin de l'union et de
l'entente. C'est à ce prix que le gaullisme
permettra à la France de recouvrer son
indépendance et sa grandeur.
Alain KERHERVE |
Admirateur du
Général dès l'âge de 10 ans, le député UMP voit
dans sa pratique un exemple à suivre. En 2008,
de Gaulle est-il encore d'actualité?
A
l'inverse d'Edouard Balladur, je ne
dirais pas «Laissons de Gaulle en paix!», car
c'est lui qui ne nous laisse pas en paix! Par
son allure, son attitude politique, sa lecture
des institutions et ses valeurs, il nous
interpelle en permanence. Le Général incarne
cette «liberté grande», au sens de Julien Gracq,
qui s'épanouit autour de quatre lignes de force.
1. La liberté de l'esprit, contre les
conformismes et les conservatismes. 2. La
liberté intérieure. De Gaulle a toujours opéré
une distinction nette entre les sphères publique
et privée. La politique doit s'arrêter là où
commence la deuxième. La confusion actuelle
entre les deux ordres me paraît dangereuse pour
la démocratie, singulièrement dans notre
société, où la révolution technologique permet
de tracer les individus. De même, il opérait une
séparation claire entre le chef de l'Etat et,
comme il disait, «l'armée de ceux qui le
soutiennent». Que des bureaux politiques de
l'UMP se tiennent aujourd'hui au palais de
l'Elysée me paraît incroyable. 3. La
conciliation indispensable entre la liberté
économique et la solidarité. 4. Une France et
une Europe libres, qui ont des choses à dire au
monde
Le président Sarkozy, c'est l'anti-de
Gaulle?
Sachons gré à Nicolas Sarkozy de ne
s'être jamais défini par rapport au gaullisme, y
compris du temps du RPR. Il a toujours eu cette
franchise, et il considère que c'est un moment
glorieux de notre histoire, qui appartient au
passé. Je pense, au contraire, qu'il faut
construire un gaullisme des temps nouveaux, et
peu importe comment on le nommera. Car les
intuitions et les valeurs qu'il porte demeurent
une grille d'analyse valide pour l'action, tant
pour ce qui concerne la société française que
pour la marche du monde.
Que penserait le Général de la volonté
de la France de réintégrer la structure
militaire intégrée de l'Otan, qu'il a quittée en
1966?
Faire parler de Gaulle est un exercice
vain. Nous devons nous interroger sur les buts
de l'Otan. Pendant la guerre froide, c'était
clair; depuis la chute du mur de Berlin,
beaucoup moins. Si la vision néoconservatrice
américaine est d'imposer une conception du monde
«occidentaliste», en espérant un choc des
civilisations, il ne faut surtout pas donner le
signal politique d'une réintégration totale dans
l'Otan. Si le lien peut être fait avec la
défense européenne, c'est une autre question.
Dans le débat politique, que reste-t-il
de lui?
La période a changé, la pratique
politique également. Aucun parti ne fait
référence au général de Gaulle, «embaumé» par
l'historiographie, dans une sorte de consensus,
alors qu'il a toujours été un homme de rupture.
Puisse son exemple nous donner la force d'élever
le niveau de l'horizon! Le «A demain de Gaulle»
de Régis Debray viendra peut-être plus vite
qu'on ne le pense.
Un tel personnage pourrait-il éclore
aujourd'hui?
Les circonstances historiques et la
posture qui ont construit le personnage sont
uniques. Toutefois, je pense que le 18 juin 1940
a donné chair à une sorte de synthèse -
traduction de ce que Marc Bloch exprima dans
L'Etrange Défaite - entre la monarchie et
la France révolutionnaire. On ne peut pas
réduire le débat démocratique au clivage
gauche-droite. C'est pour cela que le gaullisme
a toujours été dérangeant. Et qu'il continuera à
déranger, quel que soit son nom. Liberté grande,
j'écris ton nom!
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