Communiqué du 13 mai 2008

 

«Il ne nous laisse pas en paix»                                                                                                                            par Hervé Gaymard, ancien ministre

 

Réaction d'Objectif-France

 

H. Gaymard a raison de clamer haut et fort que le gaullisme n'est pas mort avec la disparition du Général en 1970.

Doit-on faire parler de Gaulle aujourd'hui pour commenter l'actualité nationale et internationale ?

Ceux qui ont accompagné un moment l'aventure gaullienne, celle de la guerre 39-45 ou celle, plus politique, des débuts de la Vème république, ceux qui s'en réclament bien souvent honteusement pour des raisons purement électorales usent et abusent du même stratagème : personne ne peut dire ce que le Général dirait aujourd'hui !

Bien entendu ! Mais que cette litanie sonne faux. Le propos est fort simpliste et trop facile. Il est fait pour les fragiles et les dociles.

Ne faisons pas parler de Gaulle ! Mais nous savons (il suffit pour cela d'une peu de mémoire) ce que le Général n'accepterait pas aujourd'hui :

Ø  une Europe supranationale privant la France de la maîtrise de son destin,

Ø  une démarche politicienne de nos élites s'apparentant de plus en plus "aux délices" de la 4ème république,

Ø  une déliquescence de l'Etat, donc un affaiblissement notoire de la Nation,

Ø  l'abandon de la politique d'indépendance et l'alignement systématique sur les thèses anglo-saxonnes (réintégration dans toutes les structures de l'Otan),

Ø  l'absence d'une réelle politique économique, industrielle et sociale œuvrant pour l'établissement d'une société participative de tous les acteurs,

 

La position d'Edouard Balladur est évidemment une fuite en avant face aux exigences du gaullisme authentique.

Que les Gaymard, de Villepin, Dupont-Aignan, Lefranc … trouvent le chemin de l'union et de l'entente. C'est à ce prix que le gaullisme permettra à la France de recouvrer son indépendance et sa grandeur.

Alain KERHERVE

  • Propos recueillis par Romain Rosso

    LEXPRESS.fr du 06/05/2008

Admirateur du Général dès l'âge de 10 ans, le député UMP voit dans sa pratique un exemple à suivre. En 2008, de Gaulle est-il encore d'actualité?

 

 

A l'inverse d'Edouard Balladur, je ne dirais pas «Laissons de Gaulle en paix!», car c'est lui qui ne nous laisse pas en paix! Par son allure, son attitude politique, sa lecture des institutions et ses valeurs, il nous interpelle en permanence. Le Général incarne cette «liberté grande», au sens de Julien Gracq, qui s'épanouit autour de quatre lignes de force. 1. La liberté de l'esprit, contre les conformismes et les conservatismes. 2. La liberté intérieure. De Gaulle a toujours opéré une distinction nette entre les sphères publique et privée. La politique doit s'arrêter là où commence la deuxième. La confusion actuelle entre les deux ordres me paraît dangereuse pour la démocratie, singulièrement dans notre société, où la révolution technologique permet de tracer les individus. De même, il opérait une séparation claire entre le chef de l'Etat et, comme il disait, «l'armée de ceux qui le soutiennent». Que des bureaux politiques de l'UMP se tiennent aujourd'hui au palais de l'Elysée me paraît incroyable. 3. La conciliation indispensable entre la liberté économique et la solidarité. 4. Une France et une Europe libres, qui ont des choses à dire au monde

 

Le président Sarkozy, c'est l'anti-de Gaulle?

Sachons gré à Nicolas Sarkozy de ne s'être jamais défini par rapport au gaullisme, y compris du temps du RPR. Il a toujours eu cette franchise, et il considère que c'est un moment glorieux de notre histoire, qui appartient au passé. Je pense, au contraire, qu'il faut construire un gaullisme des temps nouveaux, et peu importe comment on le nommera. Car les intuitions et les valeurs qu'il porte demeurent une grille d'analyse valide pour l'action, tant pour ce qui concerne la société française que pour la marche du monde.

 

Que penserait le Général de la volonté de la France de réintégrer la structure militaire intégrée de l'Otan, qu'il a quittée en 1966?

Faire parler de Gaulle est un exercice vain. Nous devons nous interroger sur les buts de l'Otan. Pendant la guerre froide, c'était clair; depuis la chute du mur de Berlin, beaucoup moins. Si la vision néoconservatrice américaine est d'imposer une conception du monde «occidentaliste», en espérant un choc des civilisations, il ne faut surtout pas donner le signal politique d'une réintégration totale dans l'Otan. Si le lien peut être fait avec la défense européenne, c'est une autre question.

 

Dans le débat politique, que reste-t-il de lui?

La période a changé, la pratique politique également. Aucun parti ne fait référence au général de Gaulle, «embaumé» par l'historiographie, dans une sorte de consensus, alors qu'il a toujours été un homme de rupture. Puisse son exemple nous donner la force d'élever le niveau de l'horizon! Le «A demain de Gaulle» de Régis Debray viendra peut-être plus vite qu'on ne le pense.

 

Un tel personnage pourrait-il éclore aujourd'hui?

Les circonstances historiques et la posture qui ont construit le personnage sont uniques. Toutefois, je pense que le 18 juin 1940 a donné chair à une sorte de synthèse - traduction de ce que Marc Bloch exprima dans L'Etrange Défaite - entre la monarchie et la France révolutionnaire. On ne peut pas réduire le débat démocratique au clivage gauche-droite. C'est pour cela que le gaullisme a toujours été dérangeant. Et qu'il continuera à déranger, quel que soit son nom. Liberté grande, j'écris ton nom!