Le
29 mai 2005, près de 16 millions de Français (54,7 % des exprimés) ont
refusé par référendum une "constitution européenne" préparée par une
Convention sous présidence de M. Giscard d'Estaing.
Environ 50 nouvelles
compétences vont être soit directement transférées par les Etats, soit
passer de l'unanimité à la majorité qualifiée (62 nouveaux articles
introduisent la MQ*). En échange, les Parlements nationaux gagnent une
curieuse procédure dite d' 'alerte précoce' qui se résume à un droit de
protestation.
Les Parlements perdent un
peu plus de pouvoir de légiférer.
Ce sont au total plus
d'une centaine de compétences législatives et non législatives qui
seront exercées par Bruxelles, c'est à dire dans les conditions
suivantes: monopole d'initiative de la Commission, vote à la MQ en
Conseil, codécision du Parlement européen, monopole d'exécution de la
Commission et sanction par la CJCE**.
Il s'agit, surtout avec
le caractère contraignant donnée à la Charte des droits fondamentaux qui
constitue un transfert massif vers la Cour de Luxembourg, du plus
important abandon de souveraineté jamais observé dans l'histoire de la
construction européenne.
Ce nouveau transfert
s'accompagne d'ailleurs de la consécration de la jurisprudence
communautaire affirmant la primauté absolue du droit européen même
dérivé sur le droit national même constitutionnel, d'une part ; de
l'octroi de la personnalité juridique à l'Union qui lui donne priorité
absolue pour négocier dans ses domaines de compétences exclusive
(lesquels sont nombreux), d'autre part.
Magnanime, le traité leur
donne un droit de... protester
Le traité (Protocole
n°1) prévoit, en 'contrepartie', si l'on peut dire, des dispositions sur
la bonne information des parlements nationaux (c'est la moindre des
choses), que celle-ci soit mieux détaillée, et transmise un peu plus
tôt.
La coopération
interparlementaire (COSAC***) est par ailleurs élargie, mais toujours
avec le Parlement européen. Une coopération des Parlements nationaux
seuls risquerait en effet, aux yeux des fédéralistes qui ont rédigé le
texte, de remettre en cause le monopole des institutions supranationales
sur la décision européenne. Il n'y a en tout état de cause pas de quoi
s'emballer : le rôle de la COSAC est de 'soumettre des contributions' et
d'organiser des conférences interparlementaires.
La plus grande
supercherie réside probablement dans ce que les partisans du traité
appellent pompeusement 'le retour des parlements nationaux dans le
processus législatif', reconnaissant implicitement que le fait que 85%
de notre législation soit 'fabriquée' loin des enceintes démocratiques
pose un sérieux problème...à la démocratie.
Il s'agit d'un mécanisme
nouveau dit de l''alerte précoce', par lequel les parlements auront en
réalité seulement le droit de transmettre aux institutions leur avis
préalable sur le respect, par un texte en préparation au niveau
européen, du principe de subsidiarité (c'est à dire de ce qui leur reste
de compétence).
Toutefois, il s'agit
seulement d'un 'avis' dont les institutions de l'UE 'tiennent compte' et
elle ne sont tenues qu'à un 'réexamen' du projet, pas du tout à son
retrait. Pour éventuellement bloquer un texte, l'article reprend la
solution qui existe déjà : le recours à la Cour de Luxembourg (CJCE) par
un Etat.
Enfin, l'alerte précoce
ne s'applique qu'aux questions de subsidiarité (partage de compétences
entre UE et Etats membres) non aux questions de proportionnalité
('l'action des institutions doit se limiter à ce qui est nécessaire pour
atteindre les objectifs des traités').
En clair, la Cour de Luxembourg reste le seul véritable maître de
l'interprétation des traités (dont elle use avec zèle pour pousser sans
cesse à la fédéralisation de l'Union), le seul véritable arbitre des
compétences européennes.
Nos parlements nationaux,
eux, qui faute de peuple européen, demeurent les seuls sièges de la
légitimité démocratique justifiant l'obéissance à la loi, deviennent des
coquilles vides.
Pire, avec leur
consentement.
* Majorité
qualifiée - ** Cour de justice des communautés européennes -
***Conférence des Organes Spécialisés dans les Affaires Communautaires |