Communiqué du 29 décembre 2007

 

 La belle Europe "sociale" qui nous attend...

 

Deux jugements récents rendus par la Cour de Justice européenne révèlent une nouvelle fois la nature profondément anti-sociale de l'Europe telle qu'elle existe aujourd'hui.

Un premier jugement (affaire Viking) a ainsi reconnu le droit à une entreprise de déménager son siège dans un autre pays, à la seule fin de remplacer entièrement du personnel bien payé (finlandais) par un autre (estonien). Un second (affaire Laval) a permit à une entreprise de Lettonie d’envoyer ses ouvriers sur un chantier à Stockholm, là encore en piétinant la convention collective, qui a force de loi en Suède.

La cour de Strasbourg légalise ainsi le dumping social le plus sauvage à l’intérieur de l’Union européenne, malgré les belles promesses hypocrites des eurocrates de lutter contre (cf. affaire Bolkestein).

Voilà donc cette belle Europe que l'UMP et le PS prétendent en cœur honnir mais qu'ils favorisent pourtant en soutenant main dans la main la ratification du Traité de Lisbonne, texte qui conforte et pérennise sa voie libérale et anti-sociale.

Raison de plus pour les français et les européens d'exiger un référendum !

L’ACTION REPUBLICAINE

 

 


L’Europe légitime le dumping social

 Pierre Avril, correspondant du Figaro à Bruxelles

Les magistrats de la Cour européenne ont donné raison à une entreprise lettone qui versait, en Suède, des salaires inférieurs aux conventions locales. Le spectre du plombier polonais qui, en 2005, avait tant contribué au rejet de la Constitution européenne, a spectaculairement refait surface hier dans l’enceinte de la Cour européenne de justice. Les magistrats de Luxembourg ont donné raison à une entreprise lettone implantée en Suède, qui reprochait aux syndicats scandinaves de vouloir lui imposer l’application des normes salariales en vigueur à Stockholm.

L’arrêt ébranle l’ensemble du modèle de négociation collective qui fait la fierté de la Suède et du mouvement syndical européen, où les partenaires sociaux ont la responsabilité exclusive de la fixation des salaires.

L’affaire remonte à mai 2004, lorsque Laval, société lettone de BTP basée à Riga, détache ses travailleurs sur un chantier suédois. Il s’agit de rénover un établissement scolaire situé à Vaxholm, petite ville insulaire située au nord-est de Stockholm. Le plus consciencieusement du monde, son patron tente de négocier les salaires de ses collaborateurs avec le syndicat suédois du bâtiment, Byggnad. C’est l’échec. Il se tourne alors vers le syndicat letton du bâtiment avec qui il conclue finalement un accord, mais à des conditions salariales moins avantageuses.

Les représentants suédois des salariés hurlent au dumping social et déclenchent une grève sur le chantier dans le but de faire plier Laval. Résultat, la filiale du groupe letton fait faillite. Les travailleurs détachés plient bagage. La direction réclame réparation du préjudice devant la Cour de Justice et conteste la légalité des «actions collectives» suédoises. À bon droit.

En organisant un blocus autour de Laval pour forcer l’entreprise à respecter leurs propres normes, les syndicats scandinaves se sont montrés trop gourmands, a tranché la Cour. Les conditions que ces derniers ont voulu imposer sont susceptibles de «rendre moins attrayant, voire plus difficile, l’exécution de travaux de construction sur le territoire suédois et constituent une restriction à la libre prestation des services». Les magistrats reprochent à la « réglementation nationale» suédoise d’ignorer la convention collective que, faute de mieux, Laval a dû conclure avec les syndicats lettons.

Obliger en plus l’entreprise à passer sous les fourches caudines du contrat social suédois constitue une «discrimination». Seule baume au cœur pour les représentants des salariés, le fait «de mener une action collective doit être reconnu en tant que droit fondamental».

Cette position juridique est «nuancée», a aussitôt réagi la Commission européenne, plutôt acquise aux thèses libérales. «Le droit à engager des actions collectives et la liberté de prestations de services sont des droits fondamentaux qui doivent être réconciliés», a commenté le porte-parole de José Manuel Barroso, Johannes Laitenberger. En revanche, la Confédération européenne des syndicats (CES) s’est déclarée «déçue». L’arrêt aura des «conséquences sur la capacité des syndicats à encourager l’égalité de traitement des travailleurs», estime la CES, et constitue un «défi» au regard des «modèles de “flexicurité”» encouragés en Suède.

À Stockholm, le ministre du Travail a «déploré le verdict». Quant au président du Parti socialiste européen, Nyrup Rasmussen, il a jugé que l’Europe s’était «tiré une balle dans le pied». «Ce n’est pas un bon jour pour une Europe sociale, c’est un jour de brume derrière laquelle pourront s’abriter les mauvais employeurs et ceux rognant les salaires», a-t-il commenté.