Attention, danger !

24/11/2002

 

La composition hétéroclite de l’UMP favorise l’expression multiple, mais aussi incontrôlée, des différentes sensibilités dites "de droite". Mais il faut bien admettre que, sauf à imaginer avec beaucoup d’espoir une destinée particulière à l’initiative de Nicolas Dupont-Aigan, la composante "Juppé - Gaudin - Douste Blazy" est la seule à peser réellement sur l’orientation du pôle Chiraquien.

Aujourd’hui, cette force est mise à contribution pour faire passer deux mesures présentées comme anodines par leurs auteurs, mais qui préfigurent un changement profond de nos institutions.

La direction de l’UMP défend le principe d’élections européennes par grandes régions électorales au nom de l’éternelle rengaine du rapprochement des élus et des électeurs. Malgré les précisions relatives au respect des étages constitutionnels Régions-Nation-Europe maintes fois réitérées par le Premier ministre, il est pourtant évident que cette proposition d’Alain Juppé sera lourde de conséquences :

-      la France ne sera plus représentée au parlement européen en tant que Nation, les élus ne disposant plus que d'une légitimité partielle, mais en tant qu'ensemble d'intérêts qui risquent d'être souvent contradictoires, et surtout qui ne seront jamais à l'échelle nationale, ce qui ne peut que nuire, à la France, mais aussi à l'Europe, rapidement dépassée par une kyrielle de pressions divergentes.

-      la mise en forme d’une Europe fédérale, structure en complète contradiction avec ce que l'on serait en droit d'attendre de la part d'un leader politique qui se revendique – de plus en plus loin il est vrai – du gaullisme. L'Europe fédérale, à l'heure actuelle, signifie la dissolution des institutions nationales, soumises à un énorme pouvoir supranational, dont on ne peut encore absolument pas discerner avec précision les prérogatives et le mode de composition.

Celui-ci est en effet destiné à être plus ou moins refondu, en vue de l'élargissement prochain de l'Union

Dans cette affaire, c’est la France que l’on brûle à petit feu, sacrifiant une égalité républicaine déjà mise à mal, au nom de grands intérêts locaux, et dont la logique risque rapidement d'échapper à l'État.

 

        la séparation des pouvoirs exécutif et législatif.

La volonté du Premier ministre de garantir à un ministre sortant (ou sorti) un retour automatique et direct à l’Assemblée[1] sur le siège gardé au chaud par le suppléant de service nous replonge dans un univers que l’on croyait à tout jamais révolu : celui de la IVe République avec ses crises gouvernementales à répétition et son instabilité chronique interdisant d'envisager le moindre projet à long terme.

Qu’adviendra-t-il de la solidarité gouvernementale si les députés-ministres peuvent, sans aucun risque, faire l’aller-retour ? Cette proposition redonne aux partis politiques la mainmise sur le pouvoir exécutif.

Il est de notre devoir de s’insurger contre ces deux projets. Les gaullistes de conviction ne peuvent rester sans réagir.

 

Alain  KERHERVE