Éditorial


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Sourds, mais pas muets…

3 juin 2006
 

n°26 du 23/03/2005

  • Alain KERHERVÉ
    Militant gaulliste .
     

© gaullisme.fr

 

 

Un an après le "NON" français, suivi dans la foulée de celui des Néerlandais, le débat sur l'Europe s'amplifie. Il s'invitera, inéluctablement, dans la campagne présidentielle.

 

Les combattants victorieux du NON, au sein desquels les gaullistes de conviction ont tenu fièrement leur place, rappellent avec détermination certaines évidences :

  • Le "NON" au projet constitutionnel n'est pas un NON à l'Europe; il exprime un refus clair et net à cette Europe supranationale mise en œuvre par les gouvernements, toutes tendances confondues, qui se sont succédés depuis plus de 20 ans;

  • Ni le chef de l'État, ni le Premier ministre, ni les membres du gouvernement institutionnellement co-responsables de la politique déterminée par l'exécutif, ni le club UMP-PS-Verts-UDF, n'ont tiré les leçons de l'expression démocratique de la majorité des Françaises et des Français;

  • L'adhésion de la Turquie, qui n'a toujours pas reconnu la réalité du génocide arménien et qui s'obstine à ne pas accepter un autre membre de l'UE (Chypre), thème particulièrement présent lors du débat référendaire, est entrée dans une phase déterminante, contre l'avis encore plus largement majoritaire de nos concitoyens;

  • L'élargissement se poursuit inexorablement, avec le risque de plus en plus évident, de mettre en place un "machin européen" de moins en moins gouvernable, de plus en plus supranational, et dans lequel les Nations perdent leur souveraineté et leur âme.

  • La banque centrale européenne joue en solo, au détriment des Nations qui composent l'Euroland, pénalisant ainsi nos productions face aux pays émergeants et à l'Amérique qui protège ses industries.

A contrario, les barons du "OUI" au projet de constitution européenne plongés dans une hibernation de plusieurs mois, épouvantablement sonnés qu'ils étaient par les 55% de Français qui se sont rebiffés, sortent de leur léthargie pour, une nouvelle fois, diaboliser ce "comportement irresponsable" débouchant sur une crise épouvantable faisant de la France ce "mouton noir" désormais esseulé face aux autres pays-membres.

Mais, nous le constatons tous les jours, l'Europe vit. "Tout ne va pas si mal" admet même Michel Barnier, ex ministre des affaires étrangères, ex commissaire européen, aujourd'hui conseiller politique du président de l'UMP, dans une rubrique publiée dans Le Monde du 30 mai dernier. "L'UE vient d'adopter son budget pour 2007-2013, un compromis entre l'ambition d'une politique européenne et la nécessité de remettre de l'ordre dans les finances de l'Union…" précise-t-il. Ça transpire le bonheur !

Mais les "ouiouistes" ne désarment pas et suggèrent deux possibilités pour sortir de "leur crise" :

  • Refaire revoter les Français sur le même texte, considérant ainsi que les électeurs se sont égarés, ou ont été trompés;

  • Épurer le texte constitutionnel, sans en changer l'orientation fédéraliste et ultralibérale, et le faire valider par le parlement après les élections présidentielle et législatives, sans que le peuple s'en mêle, comme le proposent, en cœur, les deux candidats-vedettes des magazines people, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.

Ils sont sourds aux verdicts populaires, mais pas muets ! Et la réalité se fait de plus en plus criante.

Le journal Libération, peu suspect d'euroscepticisme puisqu'il était ouvertement favorable au Oui au référendum, a publié dernièrement un sondage d'où il ressort que :

  • 98% de ceux qui ont voté "non" au référendum européen ne le regrettent pas, tandis que 1% le regrettent,

  • 89% de ceux qui ont voté "oui" au référendum européen ne le regrettent pas, tandis que 10% le regrettent.

Si les Français votaient aujourd'hui, le "NON" l'emporterait encore plus largement.

 

Alors, il ne faut pas baisser les bras. Si le plan B n'existe pas stricto sensu, il subsiste bien, depuis le retour aux affaires du général de Gaulle en 1958, deux approches différentes de la construction européenne :

  • L'une supranationale, que nous connaissons aujourd'hui et qui a été balayée il y a un an, et

  • l'autre, à structure confédérale, prenant en compte les spécificités des Nations, dans laquelle la souveraineté n'est pas transférée, mais précisément déléguée dans le cadre de projets communs auxquels les États-membres peuvent librement souscrire.

C'est à ce choix que les Français devraient être conviés, et à nul autre.