Éditorial

 

 

Est-il venu le temps de la trahison ?

 

12 juin  2005

n°26 du 23/03/2005


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  • Alain KERHERVE
    Militant gaulliste .
    adhérent UMP.
     

Quinze jours après le double NON Français et Néerlandais, les réactions de tous ceux qui souhaitaient approuver ce texte constitutionnel, médias et politiques, Français ou étrangers, frôlent l’indécence.

Les déclarations empreintes de haine se poursuivent comme pendant la campagne qui a précédé le scrutin. Mais aujourd’hui nous ne sommes plus les victimes de l’acharnement institutionnalisé : les Français se sont exprimés et ont, massivement comme nous le demandions, rejeté la politique européenne menée depuis 20 ans par tous les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche.

Dans la foulée, Tony Blair a saisi l’occasion de ne pas se frotter à son opinion publique. Il a décidé de geler le processus de ratification britannique. Il a donné le coup de grâce à ce projet supranational. Tout s’écroule ; le Premier ministre tchèque Jiri Paroubek admet que la suspension par la Grande-Bretagne de son référendum sur la constitution européenne, venant après les rejets par la France et les Pays-Bas, rendait le vote dans son pays impossible pour le moment.

Il appartient en conséquence au Président Jacques Chirac, légalement à sa place malgré une légitimité largement entamée, et au nouveau gouvernement d’en tirer toutes les conséquences :

  • planifier une pause favorisant un débat apaisé avec l’ensemble des Etats-membres ;

  • prendre en compte toutes les oppositions qui se sont manifestées pendant cette longue et profonde campagne référendaire que beaucoup d’Européens nous envient, oppositions bien plus convergentes que le clament certains afin de faire l’économie de leur propre mise en cause ;

  • bloquer immédiatement le processus d’adhésion de la Turquie en envisageant un partenariat privilégié et proposer une démarche analogue à d’autres nations, notamment celles du bassin méditerranéen ;

  • relancer les coopérations entre Etats européens et organiser la préférence communautaire comme le propose Dominique de Villepin dans sa déclaration de politique générale ;

  • mettre fin à l’indépendance de la banque centrale européenne, afin de favoriser une véritable politique de l’emploi.
     

Mais avant tout, il leur appartient de faire respecter le vote des Français. Il convient de rejeter toute initiative, nationale ou européenne, tendant à contourner le suffrage universel, et en particulier :

  • la mise en place d’une présidence du Conseil européen comme prévue dans le projet de constitution, à savoir une présidence de deux ans et demi pour un président sans aucun mandat national, sans droit de vote au sein de l’instance qu’il serait amené à présider, et dont les prérogatives s’apparentent à celle d’un secrétaire général.

  • la nomination d’un ministre européen des Affaires étrangères, avec les moyens appropriés et, à terme, la suppression des sièges français et anglais au Conseil de Sécurité de l’ONU comme le réclame ouvertement Michel Rocard et l’acceptent, en sous main, les députés européens UMP, PS, Verts et UDF.
     

Mais parmi toutes ces initiatives, il en est une qui frise la forfaiture. Monsieur Hervé de Charrette, ancien ministre des Affaires étrangères, Giscardien de la première heure, réclame, au nom de l’UMP, la ratification parlementaire de la première partie du projet constitutionnel. A défaut d’application globale, Hervé de Charrette se propose d’initialiser la « politique du puzzle constitutionnel », pièce par pièce, jour après jour, en contradiction avec la plus élémentaire règle démocratique. Il propose un détournement du suffrage universel.

Après la décision de Jacques Chirac de rester aux commandes de la Nation malgré le revers du 29 mai, après la constitution d’un gouvernement manifestement orienté vers les défenseurs de cette Europe que les français ont rejetée, voici maintenant le temps de la trahison.

L’UMP, parti majoritaire dont le Président est aussi le numéro un bis du gouvernement, propose une démarche qui ressemble de près au plan B : refuser le verdict populaire et appliquer un texte rejeté par une très large majorité de nos concitoyens. Il appartient donc à Nicolas Sarkozy, tout puissant Président de l’UMP de dire clairement les choses. Hervé de Charrette est-il en service commandé ? Si c’est le cas, il devient indispensable que le ministre de l’intérieur s’explique devant les militants UMP et devant les Français. Dans le cas contraire, la démission d’Hervé de Charrette devient inéluctable.