04/12/2002


SE DONNER LES OUTILS D’UNE POLITIQUE ENERGETIQUE AMBITIEUSE
 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sachons tirer de l’histoire récente quelques enseignements pour l’avenir.

 

Conforter EDF dans son statut d’entreprise publique

 

Les arguments avancés par les tenants de la privatisation ne tiennent pas.

 

Le maintien du statut public s’impose

 

Muscler les pôles de recherche

Le point de vue de « Debout la République », mouvement Gaulliste présidée par Nicolas Dupont-Aignan, député UMP de l’Essonne, que nous publions ci-après est particulièrement important, notamment dans le contexte actuel.

 

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Produire une énergie propre, c’est concilier pour la France et ses habitants une ambition sociale (vivre mieux), environnementale, humaniste (en donnant l’accès à l’énergie aux 2 milliards d’êtres humains qui en sont aujourd’hui privés) et économique (en ouvrant des débouchés à ses entreprises).

 

Bien entendu, le défi énergétique et environnemental dépasse largement les frontières nationales. Mais c’est aujourd’hui dans le cadre des Etats que la discussion doit s’engager. La France a un rôle moteur, conforme à sa vocation historique, à jouer. A l’échelle de la planète, le défi est primordial pour ouvrir la voie du développement à ceux qui n’ont ni eau ni électricité. C’est aux politiques de faire face à la demande et de faire en sorte qu’elle ne signe pas la mort de la planète.

 

Aussi, sachons tirer de l’histoire récente quelques enseignements pour l’avenir.

 

Le premier enseignement est à tirer du système américain. Un système libéral qui, dans le domaine de l’énergie, sensible plus que dans tout autre, n’est parvenu à réguler ni l’offre, comme en témoignent les coupures d’électricité en Californie ou le recours massif aux énergies fossiles les plus néfastes pour l’environnement, ni la demande comme l’attestent les statistiques qui pointent du doigt une consommation en énergie 2 à 3 fois supérieure à celle des autres économies développées. Pire : les pouvoirs publics, soumis aux pressions de lobbies industriels, n’ont aucune vision stratégique et se résignent à être accusés, à juste raison, par l’opinion publique mondiale de pollueurs de la planète, incapables de respecter les accords de Kyoto.

 

Le second enseignement est à tirer du système français et, par extension, de celui de certains pays européens. Notre pays est parvenu en très peu de temps à accompagner une demande de plus en plus forte tout en desserrant l’étau de la dépendance énergétique et en se montrant plus soucieux des préoccupations environnementales. Nous devons cette situation plutôt favorable à la volonté politique d’une réglementation forte de ce secteur et d’une concentration de ses acteurs. Comme la France, d’autres pays européens, notamment du nord, ont confié au pouvoir politique le rôle d’impulser et d’orienter les choix énergétiques. Ainsi le Danemark est-il en passe d’atteindre l’objectif d’une production électrique provenant à 30% de l’énergie éolienne.

 

Une taille suffisante pour agir, des objectifs fixés par le pouvoir politique : c’est pourquoi la France doit pouvoir continuer à s’appuyer sur les champions industriels publics ou privés constitués sous la houlette de l’Etat.

 

Conforter EDF dans son statut d’entreprise publique

Au moment où certains esprits fumeux à Bruxelles et à Bercy prônent l’ouverture du capital, voire la privatisation d’EDF, le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN a eu raison de surseoir à la réforme d’EDF pour donner le temps au dialogue et à la concertation. Dans le cadre de ce débat, nous voulons affirmer avec force et détermination notre volonté qu’EDF, comme bien d’autres services publics stratégiques, conserve son statut public.

 

En premier lieu, les arguments avancés par les tenants de la privatisation ne tiennent pas.

 

Le raisonnement selon lequel EDF a besoin d’être privatisée pour pouvoir développer des partenariats à l’extérieur est un leurre : il n’existe pas de marché mondial de l’électricité. Tout juste ce marché est-il homogène entre quelques pays - mais quelques pays seulement - de l’union européenne : l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et la France. Que des partenariats soient engagés entre des entreprises nationales sur des programmes de recherche liés à la production électrique (pour favoriser l’émergence par exemple d’une vraie industrie de l’éolien ou développer des réacteurs nucléaires de nouvelle génération…), soit, mais cela n’interdit en rien le statut public de l’entreprise. D’ailleurs, il n’existe aucune norme (règlement ou directive) européenne imposant la privatisation d’EDF, tout au plus quelques esprits zélés.

 

Le statut public n’interdit pas davantage la réforme de l’entreprise et du service public. Les services publics, parmi lesquels EDF, méritent sans nul doute d’être réformés, pour que leur fonctionnement, et leur efficacité s’en trouvent améliorés. Cela n’impose nullement leur démantèlement.

 

En fait, les tenants de la privatisation sont mus par des impératifs circonstanciels. Comme, voici quelques années, avec la privatisation partielle de France Telecom, l’ouverture du capital d’EDF peut se révéler être une opération juteuse pour l’Etat actionnaire. Du moins c’est ce qu’en pensent quelques technocrates à courte vue qui, à Bercy, cherchent des ressources nouvelles pour budget tendu. A bientôt 60 ans, EDF est une réussite industrielle qui doit beaucoup aux efforts des Français. Son avenir ne peut se décider à l’aune de préoccupations du moment. Décider d’éclater les entreprises entre des activités de production gazières (GDF) et électriques (EDF) et des activités de transport (RTE) relève d’une même logique technocratique qui ne tient nullement compte des aspects techniques et commerciaux.

 

Surtout, le maintien du statut public s’impose de part la nature de l’activité de l’entreprise et des objectifs économiques, sociaux, environnementaux que la nation est en droit de pouvoir continuer à lui imposer.

 

La nature de l’activité, les lourds investissements qu’imposent la production et le transport de l’énergie électrique (comme l’entretien des infrastructures) sont souvent incompatibles avec les délais de retour sur investissement imposés par les actionnaires aux entreprises privées. Les récents déboires des sociétés américaines, en Californie comme à New York et sur toute la côte Est des Etats-Unis, témoignent d’une vétusté du réseau lié à un défaut d’investissement, lui-même lié à une course au moindre coût. Ne doutons pas que les Américains eux-mêmes, comme les Britanniques s’agissant du réseau ferré, reviendront bientôt sur cette vision ultra-libérale de la gestion de secteurs stratégiques de leur économie.

 

Cette opposition entre le court et le long terme vaut aussi s’agissant des choix de l’entreprise entre les différents types d’énergie. Une entreprise privée ira toujours vers une production à moindre coût, quand bien même les conséquences environnementales de cette production seraient plus néfastes. Comme l’a indiqué très justement le Président d’EDF, M. Roussely, les actionnaires d’une société de production d’énergie comme de n’importe qu’elle autre société, attendent un retour sur investissement rapide, incompatible avec le développement d’énergies plus respectueuses de l’environnement. Seul un opérateur public, qui a le soutien et la garantie de l’Etat, peut assumer ces choix dans la durée.

 

En outre, le statut public garantit l’accès égal à l’énergie sur l’ensemble du territoire. Quel que soit le lieu où ils habitent, les Français ont un droit à l’approvisionnement en électricité, ce que ne garantirait pas une entreprise mue par des seules considérations économiques. C’est une question de solidarité, d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement.

 

Le statut public permet d’imposer des productions et achats électriques alternatifs. Qui peut croire qu’EDF achèterait des énergies renouvelables aujourd’hui plus chères que ses autres productions, si elle n’y était pas obligée par l’Etat actionnaire ? Ce n’est pas à l’énergéticien de décider seul des productions qu’il va privilégier, sans contrôle citoyen ni analyse des conséquences environnementales de ses choix.

 

Le statut public offre à l’Etat d’imaginer des partenariats porteurs d’avenir avec d’autres établissements publics ou sociétés privées. Ainsi, le développement de l’éolien pourrait être l’occasion d’un partenariat avec des constructeurs d’avions, celui du biomasse d’un accord avec l’ONF ou encore celui du photovoltaïque de recherches avec EADS.

 

Le statut public s’impose compte tenu du caractère stratégique de l’énergie, particulièrement de sa filière nucléaire. Imagine-t-on un instant la confier à une entreprise privée dont les capitaux seraient contrôlés par des intérêts étrangers ?
Au dogme d’un extrémisme libéral qui nie la dimension stratégique, environnementale, sociale, territoriale que constitue la production d’énergie, nous voulons opposer la réponse de citoyens responsables prêts à payer le prix d’une énergie plus sûre, plus propre, solidaires sur la question de l’accès à l’énergie. Et encore faudra-t-il que les experts en démantèlement de nos fleurons industriels expliquent aux Français en quoi le service public coûterait plus cher que le privé.

 

Gageons que, sur cette question essentielle, le gouvernement ne cédera pas aux sirènes bruxelloises et technocratiques.

 

Muscler les pôles de recherche que constituent le CNRS, l’INRA, le CEA, AREVA ou l’ADEME.

 

Pour ne prendre qu’un exemple, les dépenses du CEA consacrées aux énergies renouvelables s’élèvent aujourd’hui à 1% tout juste de ses dépenses totales (26 millions d’euros sur un total de 2,6 milliards d’euros).

 

La question de l’énergie, compte tenu de son poids dans l’économie, de ses perspectives de développement comme des risques que font peser sa production, justifie la définition d’une stratégie de recherche placée sous l’autorité d’un Etat libéré des lobbies en tous genres. Cette stratégie devra suggérer des rapprochements, constituer des pôles communs sur des programmes définis, mobiliser des moyens nouveaux.

 

Car le jeu en vaut la chandelle : avec l’informatique et la génétique, l’énergie constituera sans aucun doute l’un des piliers de la prochaine révolution technologique. Pour la France qui a déjà pris le train en marche des précédentes révolutions industrielles, la maîtrise de l’énergie constitue l’un des enjeux principaux qui détermineront sa place dans le monde.