Communiqué du 30 août 2008

 

Lettre ouverte au Président de la République                                                                                                                                                par Nicolas Dupont-Aignan

 

L'éclatement de la Géorgie, la perte de 10 soldats français en Afghanistan... Cette rentrée est un moment de vérité pour la politique étrangère de Nicolas Sarkozy. De gauche comme de droite, les critiques contre sa pente atlantiste se réveillent...

A droite, il y a par exemple le député Nicolas Dupont-Aignan en rupture de ban avec l'UMP. Il se réclame de l'héritage gaulliste.

Ecoutez-le sur France 24

  • Lettre ouverte au Président de la République

Monsieur le Président de la République,

Le 18 août, dix de nos courageux soldats trouvaient la mort en Afghanistan. Au moment de leur rendre hommage, vous avez affirmé devant les troupes françaises : « Quand il vous arrive quelque chose, je me sens responsable ». Vous avez eu raison.

Passé le temps du deuil et du recueillement, j’ai voulu vous écrire car vous seul pouvez encore changer de politique en Afghanistan.

Déjà en avril dernier, je vous avais fait part des trois raisons qui m’avaient conduit à voter la motion de censure déposée contre la politique étrangère de votre gouvernement :

- Tout d’abord, la situation dans le bourbier afghan me semblait si compromise que l’envoi de soldats supplémentaires ne pouvait l’infléchir ;

- Ensuite, l’alignement sans précédent de la France sur les Etats-Unis (avec l’annonce au sommet de Bucarest de l’envoi de soldats supplémentaires comme gage d’allégeance) constituait pour moi le premier pas vers l’inacceptable réintégration complète de la France dans le commandement militaire intégré l’OTAN ;

- Enfin, l’extinction de la voix originale de la France accélérait la logique de « choc des civilisation », pour le plus grand bénéfice des intégristes musulmans.

Hélas, ce qui devait arrivé est arrivé, tragiquement : pour la première fois depuis bien longtemps, des soldats français engagés comme supplétifs dans une guerre qui n’est pas la leur et qui est de surcroît conduite en dépit du bons sens, sont morts sans que la Nation sache vraiment pourquoi.

Suite à ce drame, lors de votre discours de Kaboul, vous avez préféré la fuite en avant, transformant la présence française en croisade contre le terrorisme et pour la liberté, au lieu de prendre votre temps et de procéder à l’examen prudent et attentif de la situation en Afghanistan.

Mais comment, quand on connaît cette situation, demander à nos soldats en nombre si limité, mal équipés pour la guérilla et mal coordonnés, de sauver le monde dit libre ?

Comment ne pas ouvrir les yeux sur le fait que cette fuite en avant militaire, diplomatique et politique dont vous voulez vous faire le héros est suicidaire ?

Et où est la cohérence avec vos propos, tenus à la veille du second tour de l’élection présidentielle, où vous considériez que la présence de notre armée à cet endroit du monde n’était « pas décisive » ?

Experts, états-majors et observateurs militaires savent que le conflit actuel n’a rien à voir avec celui de 2001. Preuve en est que loin de lutter contre le terrorisme, la stratégie actuelle de l’OTAN renforce chaque jour un peu plus les Talibans, en faisant basculer la population de leur coté.

Il est urgent Monsieur le Président de reconsidérer votre position. Car seul un changement radical dans la conduite des opérations peut éviter la catastrophe. Seule une perspective politique négociée entre les alliés et les forces afghanes les plus modérées peut sauver ce pays des griffes des plus extrémistes

En avril dernier, la France pouvait être le levier de ce changement en conditionnant l’envoi de ses soldats à la révision de la stratégie américaine. Vous avez manqué l’occasion, préférant plaire à Georges Bush.

Une réaction est encore possible. Notre pays peut peser, d’une part en refusant le redéploiement de ses hommes sur les zones à risque, d’autre part en menaçant de retirer ses troupes si rien ne change.

Oserez-vous ce sursaut ?

En son temps, le Général de Gaulle avait sagement décidé de retirer la France du commandement intégré de l’OTAN car il ne voulait pas voir notre pays entraîné dans une guerre qui ne serait pas la sienne, sous un commandement étranger. Votre triste politique de ces derniers mois lui donne raison puisque pour symboliser le retour complet de la France dans l’OTAN, vous avez placé nos armées dans un guêpier sans issue, avec les conséquences que nous connaissons…

Il savait aussi par-dessus tout que lorsque le sort de ses soldats est en jeu, le Président de la République ne doit obéir qu’à l’intérêt supérieur de son pays, intérêt qui ne coïncide pas toujours avec celui de ses alliés.

Aujourd’hui Monsieur le Président, il vous faut choisir : allez-vous être fidèle à la France ou à l’Amérique ?

Nos compatriotes ne vous pardonneraient pas de préférer trop longtemps la seconde à la première !

Nicolas Dupont-Aignan
Député de l’Essonne
Président de Debout la République

Cette tribune sur le site du journal Le Monde

  • Afghanistan : l’audition des ministres prouve que la France navigue à vue…

Hier, j’ai participé à la réunion des Commissions de la Défense Nationale et des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale.

Hervé MORIN et Bernard KOUCHNER sont venus s’expliquer devant les députés dans une séance ouverte à la presse. Cette réunion a été instructive. Elle a révélé, sous l’embarras à peine masqué des intéressés, l’absence totale de stratégie du gouvernement sur le conflit en Afghanistan. En vérité, les deux ministres, subissant des événements sur lesquels ils n’ont aucune prise, naviguent à vue.

Tous les membres de la Commission, quel que soit leur point de vue, ont pu noter l’incroyable contradiction des ministres entre leur propos introductif, lénifiant, et leurs réponses, inquiètes, aux questions posées par les députés.

Dans leur exposé préliminaire, Hervé MORIN et Bernard KOUCHNER, nous ont récité le catéchisme habituel : les troupes alliées progressent chaque jour davantage, notre mission est civilisatrice, bientôt nous pourrons nous retirer en transmettant à l’armée afghane la maîtrise du terrain, etc. Mais dans leurs réponses aux questions des députés, le ton et les propos ont été progressivement différents. Ils se sont contredits l’un l’autre (et parfois eux-mêmes) sur le fait de savoir si oui ou non la France était en guerre en Afghanistan. Triste spectacle, alors que les Français n’ont aucun doute là-dessus…

Le Ministre de la Défense a reconnu que nous manquions là-bas de moyens aéroportés, le Ministre des Affaires étrangères a avoué que la seule solution était politique. Enfin, quand Jacques MYARD a rétorqué qu’avec 50 000 hommes, il était impossible de « tenir » un pays comme l’Afghanistan et qu’il en faudrait 10 fois plus, les deux ministres l’ont approuvé, reconnaissant qu’il fallait transférer le flambeau le plus vite possible à l’armée afghane. Lorsque j’ai demandé pourquoi alors nous avions envoyé plus de 1000 soldats supplémentaires, aucun ministre n’a souhaité répondre. Pire, ils ont reconnu que les Talibans étaient de mieux en mieux armés et que le Pakistan devenait une base arrière de plus en plus active.

Conclusion de tout ceci ? Alors même que le gouvernement afghan, n’en finissant plus de compter ses morts dus aux « bavures » américaines, réclame une redéfinition de l’engagement occidental, nos ministres ont estimé qu’il faut continuer et intensifier la politique actuelle…

En sortant de la Commission, bon nombre de mes collègues, de droite comme de gauche, étaient atterrés. L’un d’eux, dans l’ascenseur, me disait : « J’ai entendu mot pour mot le même discours qu’au moment de la guerre d’Algérie ». Un autre me confiait : « Nous ne sommes maître de rien puisque ce sont les Américains qui décident des opérations, avec notamment les fameux bombardements à l’aveugle, qui font chaque jour basculer un peu plus de civils dans le camp adverse ».

En vérité, la France est prise au piège de l’atlantisme du président de la République, lequel donne tête baissée dans une « guerre au terrorisme » qualifiée aujourd’hui même de « vide de sens » par Dominique de VILLEPIN. La légèreté avec laquelle il a pris la décision d’envoyer des troupes supplémentaires, pour des motifs purement politiques quelles qu’en soient les conséquences, l’absence totale de stratégie de ses ministres, augurent très mal de la suite.

Plus que jamais, j’invite tous les responsables de Debout la République à faire entendre notre voix pour dénoncer cette aventure et réclamer, comme je l’ai indiqué dans
ma tribune du Monde :

  • 1) soit une révision totale de la stratégie alliée

  • 2) soit un retrait progressif de nos troupes.


Il ne s’agit pas bien évidemment d’abandonner l’Afghanistan à son sort. Le principe d’une intervention internationale pour reconstruire le pays et empêcher le retour des talibans, telle qu’elle a été définie en 2001, reste valable. Mais, bien entendu, si et seulement si l’action de la communauté internationale mène bel et bien à la pacification, non pas au triomphe des intégristes !

La France doit conditionner sa contribution à une action efficace sur le terrain. C’est quand même la moindre des choses quand on engage la vie de nos soldats.

Ps : j’ai appris comme vous tous par le Canard Enchaîné de ce matin que la version officielle des événements qu’a relaté le gouvernement et encore hier deux de ses ministres devant les députés, serait en réalité fausse ! Quatre de nos soldats, faits prisonniers au début de l’engagement auraient été exécutés, des imprudences graves auraient été commises, nos moyens aéroportés auraient été distraits de la sécurisation de la colonne pour assurer la protection du président afghan et le défaut d’équipement, comme de préparation, de nos soldats serait bien plus graves que ce qu’en a dit le ministre de la Défense. Si tout cela est vrai, comme le laisseraient penser les atermoiements du porte-parole du gouvernement qui a refusé de commenter ces informations, la décence commanderait au minimum que le ministre de la Défense démissionne sur le champ !