|
L'éclatement de la Géorgie, la perte de 10 soldats français en
Afghanistan... Cette rentrée est un moment de vérité pour la
politique étrangère de Nicolas Sarkozy. De gauche comme de
droite, les critiques contre sa pente atlantiste se
réveillent...
A droite,
il y a par exemple le député Nicolas Dupont-Aignan en rupture de
ban avec l'UMP. Il se réclame de l'héritage gaulliste.
Ecoutez-le sur France 24 |
Monsieur le Président de la République,
Le
18 août, dix de nos courageux soldats trouvaient la mort en Afghanistan.
Au moment de leur rendre hommage, vous avez affirmé devant les troupes
françaises : « Quand il vous arrive quelque chose, je me sens
responsable ». Vous avez eu raison.
Passé le temps du deuil et du recueillement, j’ai voulu vous écrire car
vous seul pouvez encore changer de politique en Afghanistan.
Déjà en avril dernier, je vous avais fait part des trois raisons qui
m’avaient conduit à voter la motion de censure déposée contre la
politique étrangère de votre gouvernement :
Tout
d’abord, la situation dans le bourbier afghan me semblait si compromise
que l’envoi de soldats supplémentaires ne pouvait l’infléchir ;
Ensuite,
l’alignement sans précédent de la France sur les Etats-Unis (avec
l’annonce au sommet de Bucarest de l’envoi de soldats supplémentaires
comme gage d’allégeance) constituait pour moi le premier pas vers
l’inacceptable réintégration complète de la France dans le commandement
militaire intégré l’OTAN ;
Enfin,
l’extinction de la voix originale de la France accélérait la logique de
« choc des civilisation », pour le plus grand bénéfice des intégristes
musulmans.
Hélas, ce qui devait arrivé est arrivé, tragiquement : pour la première
fois depuis bien longtemps, des soldats français engagés comme
supplétifs dans une guerre qui n’est pas la leur et qui est de surcroît
conduite en dépit du bons sens, sont morts sans que la Nation sache
vraiment pourquoi.
Suite à ce drame, lors de votre discours de Kaboul, vous avez préféré la
fuite en avant, transformant la présence française en croisade contre le
terrorisme et pour la liberté, au lieu de prendre votre temps et de
procéder à l’examen prudent et attentif de la situation en Afghanistan.
Mais comment, quand on connaît cette situation, demander à nos soldats
en nombre si limité, mal équipés pour la guérilla et mal coordonnés, de
sauver le monde dit libre ?
Comment ne pas ouvrir les yeux sur le fait que cette fuite en avant
militaire, diplomatique et politique dont vous voulez vous faire le
héros est suicidaire ?
Et
où est la cohérence avec vos propos, tenus à la veille du second tour de
l’élection présidentielle, où vous considériez que la présence de notre
armée à cet endroit du monde n’était « pas décisive » ?
Experts, états-majors et observateurs militaires savent que le conflit
actuel n’a rien à voir avec celui de 2001. Preuve en est que loin de
lutter contre le terrorisme, la stratégie actuelle de l’OTAN renforce
chaque jour un peu plus les Talibans, en faisant basculer la population
de leur coté.
Il
est urgent Monsieur le Président de reconsidérer votre position. Car
seul un changement radical dans la conduite des opérations peut éviter
la catastrophe. Seule une perspective politique négociée entre les
alliés et les forces afghanes les plus modérées peut sauver ce pays des
griffes des plus extrémistes
En
avril dernier, la France pouvait être le levier de ce changement en
conditionnant l’envoi de ses soldats à la révision de la stratégie
américaine. Vous avez manqué l’occasion, préférant plaire à Georges
Bush.
Une
réaction est encore possible. Notre pays peut peser, d’une part en
refusant le redéploiement de ses hommes sur les zones à risque, d’autre
part en menaçant de retirer ses troupes si rien ne change.
Oserez-vous ce sursaut ?
En
son temps, le Général de Gaulle avait sagement décidé de retirer la
France du commandement intégré de l’OTAN car il ne voulait pas voir
notre pays entraîné dans une guerre qui ne serait pas la sienne, sous un
commandement étranger. Votre triste politique de ces derniers mois lui
donne raison puisque pour symboliser le retour complet de la France dans
l’OTAN, vous avez placé nos armées dans un guêpier sans issue, avec les
conséquences que nous connaissons…
Il
savait aussi par-dessus tout que lorsque le sort de ses soldats est en
jeu, le Président de la République ne doit obéir qu’à l’intérêt
supérieur de son pays, intérêt qui ne coïncide pas toujours avec celui
de ses alliés.
Aujourd’hui Monsieur le Président, il vous faut choisir : allez-vous
être fidèle à la France ou à l’Amérique ?
Nos
compatriotes ne vous pardonneraient pas de préférer trop longtemps la
seconde à la première !
Nicolas Dupont-Aignan
Député de l’Essonne
Président de Debout la République
Cette tribune sur le site du journal Le Monde |
Hier, j’ai
participé à la réunion des Commissions de la Défense Nationale et des
Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale.
Hervé MORIN et Bernard KOUCHNER sont venus s’expliquer devant les
députés dans une séance ouverte à la presse. Cette réunion a été
instructive. Elle a révélé, sous l’embarras à peine masqué des
intéressés, l’absence totale de stratégie du gouvernement sur le conflit
en Afghanistan. En vérité, les deux ministres, subissant des événements
sur lesquels ils n’ont aucune prise, naviguent à vue.
Tous les membres de la Commission, quel que soit leur point de vue, ont
pu noter l’incroyable contradiction des ministres entre leur propos
introductif, lénifiant, et leurs réponses, inquiètes, aux questions
posées par les députés.
Dans leur exposé préliminaire, Hervé MORIN
et Bernard KOUCHNER, nous ont récité le catéchisme habituel : les
troupes alliées progressent chaque jour davantage, notre mission est
civilisatrice, bientôt nous pourrons nous retirer en transmettant à
l’armée afghane la maîtrise du terrain, etc. Mais dans leurs réponses
aux questions des députés, le ton et les propos ont été progressivement
différents. Ils se sont contredits l’un l’autre (et parfois eux-mêmes)
sur le fait de savoir si oui ou non la France était en guerre en
Afghanistan. Triste spectacle, alors que les Français n’ont aucun doute
là-dessus…
Le Ministre de la Défense a reconnu que nous manquions là-bas de moyens
aéroportés, le Ministre des Affaires étrangères a avoué que la seule
solution était politique. Enfin, quand Jacques MYARD a rétorqué qu’avec
50 000 hommes, il était impossible de « tenir » un pays comme
l’Afghanistan et qu’il en faudrait 10 fois plus, les deux ministres
l’ont approuvé, reconnaissant qu’il fallait transférer le flambeau le
plus vite possible à l’armée afghane. Lorsque j’ai demandé pourquoi
alors nous avions envoyé plus de 1000 soldats supplémentaires, aucun
ministre n’a souhaité répondre. Pire, ils ont reconnu que les Talibans
étaient de mieux en mieux armés et que le Pakistan devenait une base
arrière de plus en plus active.
Conclusion de tout ceci ? Alors même que le gouvernement afghan, n’en
finissant plus de compter ses morts dus aux « bavures » américaines,
réclame une redéfinition de l’engagement occidental, nos ministres ont
estimé qu’il faut continuer et intensifier la politique actuelle…
En sortant de la Commission, bon nombre de mes collègues, de droite
comme de gauche, étaient atterrés. L’un d’eux, dans l’ascenseur, me
disait : « J’ai entendu mot pour mot le même discours qu’au moment de la
guerre d’Algérie ». Un autre me confiait : « Nous ne sommes maître de
rien puisque ce sont les Américains qui décident des opérations, avec
notamment les fameux bombardements à l’aveugle, qui font chaque jour
basculer un peu plus de civils dans le camp adverse ».
En vérité, la France est prise au piège de l’atlantisme du président de
la République, lequel donne tête baissée dans une « guerre au terrorisme
» qualifiée aujourd’hui même de « vide de sens » par Dominique de
VILLEPIN. La légèreté avec laquelle il a pris la décision d’envoyer des
troupes supplémentaires, pour des motifs purement politiques quelles
qu’en soient les conséquences, l’absence totale de stratégie de ses
ministres, augurent très mal de la suite.
Plus que jamais, j’invite tous les responsables de Debout la République
à faire entendre notre voix pour dénoncer cette aventure et réclamer,
comme je l’ai indiqué dans
ma tribune du Monde
:
Il ne s’agit pas bien évidemment d’abandonner l’Afghanistan à son sort.
Le principe d’une intervention internationale pour reconstruire le pays
et empêcher le retour des talibans, telle qu’elle a été définie en 2001,
reste valable. Mais, bien entendu, si et seulement si l’action de la
communauté internationale mène bel et bien à la pacification, non pas au
triomphe des intégristes !
La France doit conditionner sa contribution à une action efficace sur le
terrain. C’est quand même la moindre des choses quand on engage la vie
de nos soldats.
Ps : j’ai appris comme vous tous par le Canard Enchaîné de ce matin que
la version officielle des événements qu’a relaté le gouvernement et
encore hier deux de ses ministres devant les députés, serait en réalité
fausse ! Quatre de nos soldats, faits prisonniers au début de
l’engagement auraient été exécutés, des imprudences graves auraient été
commises, nos moyens aéroportés auraient été distraits de la
sécurisation de la colonne pour assurer la protection du président
afghan et le défaut d’équipement, comme de préparation, de nos soldats
serait bien plus graves que ce qu’en a dit le ministre de la Défense. Si
tout cela est vrai, comme le laisseraient penser les atermoiements du
porte-parole du gouvernement qui a refusé de commenter ces informations,
la décence commanderait au minimum que le ministre de la Défense
démissionne sur le champ ! |