27 avril
2009

 

"Nous sommes dans la politique de la frime, du fric et du show biz"

 

Nicolas Dupont-Aignan, Président de Debout la République, député de l'Essonne et candidat aux élections européennes dans la circonscription Ile-de-France a répondu aux questions des metronautes de Metro.

 

Pomme75 : C'est quoi les grandes lignes de votre programme ?

Réorienter l'Europe pour sortir les européens et notamment les Français de la crise. Réorienter l'Europe en la rendant d'abord et avant tout plus démocratique. Est-il acceptable qu'après les référendums de 2005 en France et aux Pays Bas, que les dirigeants européens aient fait adopter par les Parlements un traité de Lisbonne identique à la Constitution européenne rejetée par les peuples. De même on demande maintenant aux Irlandais qui ont rejeté Lisbonne de revoter. Je propose une refonte complète des institutions européennes supprimant la Commission, revalorisant les parlements nationaux, le Parlement européen et créant des agences de coopérations à la carte, projet par projet. L'autre ambition de mon projet est de changer radicalement de politique économique pour protéger enfin les européens d'une mondialisation inhumaine.

Aligot : C'est quoi votre vision de l'Europe ?

Pour moi, l'Europe doit servir à faire ensemble ce qu'aucune nation ne peut faire seule. Je suis donc comme gaulliste favorable à une Europe des nations qui organise des coopérations projet par projet. Cela veut dire concrètement mettre fin à une supranationalité boulimique qui veut que l'Union européenne uniformise la vie des habitants des 27. Plutôt que de frustrer les nations et les peuples laissons les vivre chacun à leur façon et privilégions une Europe qui relève les défis de la mondialisation. L'enjeu du 21ème siècle est scientifique, industriel, environnemental. Depuis 20 ans obsédée par cette volonté d'uniformiser la Commission a délaissé la compétition économique mondiale. Pourquoi ne pas avoir mis en œuvre des agences de coopérations sur le modèle de l'Agence spatiale européenne pour inventer la voiture propre, progresser dans la lutte contre le cancer, développer les énergies renouvelables, etc... Je veux tout simplement une Europe qui marche et si l'on regarde les 30 dernières années ce sont les coopérations intergouvernementales type Airbus ou Ariane qui ont produit des résultats.

Rudolf : Comment avez-vous constitué votre liste ?

Notre mouvement Debout la République a tout d'abord désigné 7 têtes de liste pour les 7 grandes régions métropolitaines. Ensuite, le mouvement a choisi les différents membres en tentant de concilier l'engagement militant, la répartition géographique, la connaissance des problèmes européens. Nos listes rassemblent des républicains de droite comme de gauche qui sont attachés à cette Europe des Nations et des projets. Beaucoup de chevènementistes aussi figurent sur nos listes.

Roxane : Vous êtes bien gentil, mais ce n'est pas un peu contradictoire de soutenir la souveraineté de la France et de se présenter aux européennes ?

Pas du tout car si on laisse au Parlement européen de Strasbourg que des européistes qui veulent la fin des nations, comment réussirons-nous à réorienter l'Europe ? Nous sommes candidats car nous en avons assez de ce jeu de rôle à chaque élection européenne entre les eurobéats (PS, UMP, Verts, Modem) qui ont signé tous les traités depuis 20 ans et les euroronchons qui critiquent l'Europe mais ne proposent rien. Si vous allez sur notre site Internet européennes 2009.fr vous verrez nos propositions concrètes. J'aime profondément la France, je veux défendre son modèle républicain, social et culturel mais je sais aussi qu'il faut l'articuler avec une Europe capable de peser dans le monde. Notre ambition est d'ouvrir enfin le débat en France, car si l'on continue comme cela, c'est l'idée que nous nous faisons de la France et de l'Europe qui sera totalement détruite par une bureaucratie bruxelloise sous l'emprise d'intérêts financiers.

Gatt : Vous prônez le protectionnisme à outrance, franchement en temps de crise ca vous parait la bonne solution ?

Lisez nos propositions et vous verrez que je prône tout au contraire un protectionnisme, légitime, graduel et raisonnable. Si l'on continue à accepter un libre échange déloyal de pays qui exploitent leurs salariés et polluent très fortement la planète, il n'y aura plus une industrie en Europe et nous ne rendrons pas service aux peuples exploités dans les pays émergeants. Ce nivellement général par le bas est le vrai responsable de la crise financière et économique d'aujourd'hui car à force de ne pas vouloir payer les salariés et de toujours délocaliser davantage, il n'y a plus de consommation suffisante pour acheter les productions. Si l'on veut inverser les choses et favoriser enfin le bien être social et environnemental mondial, il faut oser mettre en œuvre un protectionnisme par grandes zones régionales. Ainsi, il faut rétablir la préférence communautaire qui était je vous le rappelle la raison d'être du traité de Rome. Croyez-vous sincèrement qu'en dévaluant leur monnaie de 80%, les Chinois ne font pas du protectionnisme ? Il est temps que l'Europe défende les intérêts des européens, réduise l'extravagant déficit commercial avec la Chine et incite cette dernière à développer son marché intérieur.

Gazprom : L'entrée de la Turquie dans l'Europe ? Oui, non, peut-être ?

Non, trois fois non. Pour la simple raison que ce serait la mort de l'Union européenne, la dilution et la dépendance dans une zone sous influence américaine allant de San Francisco à Kaboul. Ce refus clair n'interdit pas en revanche de bâtir avec la Turquie mais aussi avec la Russie et le Maghreb un partenariat comme les Etats Unis font intelligemment avec le Mexique ou le Canada.

Nous sommes candidats car nous en avons assez de ce jeu de rôle à chaque élection européenne entre les eurobéats (PS, UMP, Verts, Modem) qui ont signé tous les traités depuis 20 ans et les euroronchons qui critiquent l'Europe mais ne proposent rien.

Rebelle du XVIe : Vous avez dit vouloir supprimer la Commission européenne... Mais vous voulez la remplacer par quoi alors ?

La Commission européenne a conquis au fur et à mesure du temps des pouvoirs considérables sans que les gouvernements et le parlement européen n'arrivent à la contrôler. Comment fonder une Europe démocratique alors que trois organismes non élus dominent les institutions (Commission, BCE, Cour de Justice). Nous proposons à Debout la République de remplacer la Commission d'une part par un secrétariat intergouvernemental auprès du Conseil des chefs d'Etats et de gouvernement, d'autre part par les agences de coopérations à la carte dont je vous ai déjà parlé. Nous publierons début mai notre projet de traité alternatif confédéral et vous trouverez tous les détails de cette nouvelle organisation à la fois plus démocratique et plus efficace.

Lajoie : Vous vous considérez toujours dans la majorité ?

Non mais je ne me considère pas pour autant dans l'opposition socialiste. Comment pourrais-je accepter un pouvoir qui aujourd'hui trahit la confiance des Français accordée en 2007 ? Le mini traité européen s'est transformé en constitution bis, l'entrée de la Turquie est favorisée en douce, le retour dans l'OTAN n'avait même pas été annoncé pendant la campagne présidentielle. Sur le plan économique la politique du gouvernement est suicidaire: par exemple l'Etat aide les banques mais ne prend aucun pouvoir au sein des conseils d'administration, les PME sont étranglées, l'injustice sociale est à son comble tout étant toujours pour les mêmes. Un gaulliste social comme moi ne peut qu'être écœuré et inquiet de cette dérive. Nous sommes dans la politique de la frime, du fric et du show biz. Pour autant, la gauche n'apporte aucune solution car elle n'a toujours pas compris comme d'ailleurs l'UMP qu'il faudrait s'attaquer aux causes profondes des problèmes français. C'est le sens de la création de Debout la République comme rassemblement gaulliste indépendant. Par exemple si l'on veut éviter du moins freiner les délocalisations, il faut un protectionnisme raisonnable au niveau européen et investir massivement dans la recherche, les universités. Si l'on veut sauver notre système social, il faut savoir le réformer mais conserver l'égalité républicaine, si l'on veut rétablir la cohésion sociale, il faut relancer la participation dans l'entreprise pour que les salariés retirent une part de leur effort, etc...

Léonor : Monsieur le Député, je n'arrive pas à comprendre votre silence face aux agissements de Monsieur de Villiers et son alliance avec Libertas ! Personne ne semble d'ailleurs le dénoncer... et je ne comprends pas non plus votre côté trop "gentil". Je pense que les personnes élisent des représentants en qui elles ont confiance parce qu'ils sont un peu virulents et défendront leurs intérêts : n'est-ce pas là le rôle d'un représentant du peuple ?

Ne comptez pas sur moi pour m'abaisser à la polémique politicienne avec Mr de Villiers. Son alliance avec Libertas est une aberration politique. De même, Mr de Villiers est le complice du Président de la République. Vous me reprochez d'être trop gentil mais n'en avez-vous pas assez de ce monde politique ? Je suis comme je suis. Je crois faire preuve de courage et de détermination, je n'ai pas l'habitude d'abandonner et toutes celles et tous ceux qui nous rejoignent me confortent dans cette attitude. Je crois que les Français ont besoin d'hommes politiques crédibles, sereins, calmes et respectueux des Français. En 2012 ils en auront sûrement assez des "méchants" et des "agités" !

Boy : A votre avis le retour en force du tout sécuritaire de Sarkozy, c'est une façon d'amorcer la campagne ?

Le Président de la République agite toujours des contrefeux avec le soutien de puissances d'argent qui contrôlent certains médias. Mais, les Français commencent à comprendre que tout cela, c'est du vent. Ils n'ont pas besoin d'un ventilateur mais d'un homme d'Etat.

Allons : Combien gagne un député européen ? La place est bonne non ?

Je ne sais même pas combien gagne un Député européen. La place est sans doute bonne pour ceux qui ne font rien là bas mais ne croyez pas que tous les hommes politiques sont pourris ou fainéants, ce n'est pas le cas. Ce qui est beaucoup plus grave encore, ce sont les votes de certains qui se représentent aux élections européennes en vous faisant de grands discours sur la nécessité de changer l'Europe. Ils ont tout voté, les pires directives notamment sur la dérégulation des services publics et ils vous disent aujourd'hui qu'il faut les sauver ! Nous serons les seuls à n'avoir jamais siégé là bas et c'est pourquoi nous nous engageons sur un programme précis.

Brixton : Toujours en faveur de la licence globale sur le piratage ?

Oui bien sûr. D'ailleurs ne parlons pas de piratage car le téléchargement ne vole personne si ce n'est les profits exorbitants de multinationales du disque qui n'ont pas compris la révolution numérique. Je propose depuis des années de légaliser le téléchargement car c'est exactement la même chose qu'une bibliothèque ou une médiathèque municipale sauf qu'elle est accessible de chez soi ! Faudrait-il interdire le prêt de livres ? En revanche il est vrai que pour garantir aux créateurs un revenu, il faut veiller à organiser un financement, c'est pourquoi je crois possible de mettre en œuvre une licence globale qui serait incluse dans le forfait mensuel du fournisseur d'accès. Pour une somme modique chaque internaute pourrait avoir ainsi la possibilité d'accéder à la culture du monde entier. Ce serait une opportunité historique. La myopie du gouvernement et l'activisme du Président pour défendre quelques copains chanteurs est indécente. Ils me font penser aux moines copistes qui recopiaient la Bible à la main et qui ont jeté en prison l'inventeur de l'imprimerie Mr Gutenberg !

Rebelle du XVIe : Votre parti EUDemocrats a-t-il exactement la même vision que vous au niveau français ?

Le lien de Debout la République avec EUDemocrats ne nous impose pas de partager le même sentiment sur tout. Regardez les partis socialistes européens sont très divisés sur Mr Barosso, certains le soutiennent, d'autres non. De même l'UMP est devenue fédéraliste alors que les conservateurs britanniques refusent la supranationalité.

Volo : Quels sont vos autres mandats ?

Je suis Député et Maire de la commune d'Yerres dans l'Essonne.

Ludi : Bonjour. On a l'impression que ce scrutin n'intéresse personne, à quoi l'attribuez-vous ?

Ce scrutin intéresse beaucoup de Français, je peux en apporter la preuve grâce à nos 7 caravanes qui depuis deux mois parcourent la France. Mais la campagne nationale est totalement bloquée par les deux grands partis PS et UMP qui ne veulent surtout pas participer à un vrai débat démocratique, traumatisés par le référendum de 2005. De plus, beaucoup de grands éditorialistes parisiens ont décrété que cela n'intéressait pas les Français et refusent de laisser parler ceux qui ont une autre vision de l'Europe. Là aussi il y a la peur de l'effet 2005. Après avoir volé aux Français le résultat du référendum ils sont en train de voler aux Français l'élection elle-même. Le 8 juin au matin vous les entendrez se lamenter sur la crise de la démocratie, le désintérêt pour 'l'Europe, etc... Quand comprendront-ils qu'à force d'inviter dans les émissions politiques toujours les mêmes, de J Lang à Balladur, les Français risquent d'aller voter dans la rue. Jamais la situation n'a été aussi explosive.