Six
mois après l’élection présidentielle et l’espoir qui l’a accompagnée,
les Français, toutes les enquêtes le montrent, broient à nouveau du
noir. Pouvoir d’achat en berne, croissance désespérément « molle »,
déficit croissant du commerce extérieur, litanie des délocalisations, le
pays malgré l’activisme tous azimuts du nouveau Président dont la
popularité résiste pour le moment sur le front des sondages, s’engage
inexorablement dans une douloureuse impasse économique et sociale.
La méthode Coué, consistant à nier l’inquiétude montante, ne résoudra
rien. Pour trouver les voies et moyens de s’en sortir, il est important
de comprendre les causes du marasme économique et social.
Trois fautes, l’une diplomatique, l’autre macroéconomique et la
troisième psychologique, ont été commises par le Président grisé par sa
victoire.
La première faute est diplomatique. La hausse continue de l’euro est
l’une des causes importantes des difficultés économiques du pays. Il ne
s’agit pas seulement ici de taux de change, mais aussi de la cherté de
l’investissement, qui devient insupportable dans le contexte d’une
économie ouverte à tous les vents d’une concurrence extérieure souvent
déloyale. Nicolas Sarkozy l’avait d’ailleurs compris puisqu’il n’avait
cessé durant sa campagne de mettre en cause la Banque Centrale
européenne, de réclamer le rétablissement de la préférence communautaire
et d’appeler à une autre gouvernance de la monnaie unique.
Malheureusement alors qu’il avait au sommet de Bruxelles de juin toutes
les cartes en mains, il a capitulé, refusant de faire du changement des
statuts de la Banque Centrale européenne le préalable à tout accord
européen. Il a ainsi tout cédé à l’Allemagne sur le plan institutionnel,
sans rien obtenir sur le front de l’euro et du commerce international.
Le résultat est là, alors que l’Union européenne demeure passive. L’euro
flirte avec les 1,50 dollars (0,8 en 1999), condamnant nos industries
exportatrices à la mort lente et notre tissu productif anémié à la
stagnation.
La seconde faute est macroéconomique. Le Président et la majorité ont
cru qu’il suffisait de défiscaliser les heures supplémentaires pour
relancer l’activité. Ce qui pourrait être justifié dans une phase de
rebond n’a pas de sens au moment où les commandes n’arrivent plus. De
même, les mesures clientélistes votées à la va-vite en juillet
n’apportent rien à la croissance. 15 milliards de recettes fiscales
perdus (le coût des 35 heures), alors qu’il eût été si précieux
d’utiliser cet argent pour renforcer la compétitivité des entreprises,
notamment des PME !
La troisième faute est psychologique. En augmentant son salaire de 206%,
au moment où beaucoup de Français réduisent leurs dépenses
d’alimentation et ne savent plus comment finir le mois, le Président
s’est-il rendu compte de ce qu’il faisait ? Comment appeler à l’effort
collectif et s’en dispenser soi-même aussi ostensiblement ?
Que faire aujourd’hui ? La pire des choses serait d’ajouter à ces trois
erreurs majeures une quatrième. La faute politique consistant à chercher
un bouc émissaire, à dresser une majorité de Français contre une
minorité. Si la réforme des régimes spéciaux de retraites est
nécessaire, il est mensonger d’en faire l’alpha et l’oméga du
redressement de la Nation.. Il faut aller au-delà et tout faire pour
relancer la machine économique. La France a besoin de réformes. Mais ces
réformes ne pourront réussir qu’avec l’adhésion des Français. De même
elles n’auront d’effet que si l’on est capable de boucher les trous qui
s’élargissent chaque jour davantage dans la coque du navire, notamment
ceux du sous-investissement productif et du commerce extérieur !
Pour être constructif, je fais trois propositions simples :
1. la baisse des charges sur les heures supplémentaires n’étant pas
utilisée, en raison de la complexité et de l’inadaptation de la mesure,
serait transformée en une réduction des charges sociales notamment des
PME de moins de 10 salariés. Cette mesure aurait le mérite de la
simplicité. Pourrait s’ajouter une première expérimentation de la TVA
sociale qui, loin de casser la croissance, a renforcé la compétitivité
de l’Allemagne.
2. la France refuserait de soumettre à ratification le nouveau traité
européen tant que les pays de la zone euro ne se mettraient pas d’accord
sur une nouvelle politique monétaire (baisse des taux d’intérêt de la
Banque Centrale européenne) et une nouvelle politique commerciale à
l’OMC (mise en place de la taxe carbone)
3. enfin, pour réduire le fossé croissant entre l’augmentation des
profits et la stagnation des salaires, la « participation » serait
largement incitée fiscalement et les stocks option réellement encadrés
et taxés. Pourquoi aussi les élus de la République, les Ministres ne
montreraient-ils pas franchement l’exemple en réduisant de 10 ou 20%
leur indemnité de fonction ?
Ainsi le peuple français pourrait constater que c’est l’ensemble de la
Nation qui fournit un effort pour relever les défis collectifs. L’effort
partagé, un cap retrouvé, l’espoir d’un avenir meilleur pour tous en
vue, il serait alors davantage prêt à consentir sa part de sacrifice. |