Législatives 1967

Retour                                                                                              Mis en ligne le 5 mars 2011

 

 

 

Français,

J'ai des choses graves à vous dire. De plusieurs régions de France, je sens se lever depuis quelques semaines, un vent mauvais. L'inquiétude gagne les esprits, le doute s'empare des âmes. L'autorité de mon gouvernement est discutée, les ordres sont souvent mal exécutés.
Dans une atmosphère de faux bruits et d'intrigues, les forces de redressement se découragent. D'autres tentent de se substituer à elles, qui n'ont ni leur noblesse, ni leur désintéressement. Mon patronage est invoqué trop souvent, même contre le gouvernement, pour justifier de prétendues entreprises de salut, qui ne sont, en fait, que des appels à l'indiscipline. Un véritable malaise atteint le peuple français. Les raisons de ce malaise sont faciles à comprendre. Aux heures cruelles succèdent toujours des temps difficiles.
Lorsque aux frontières d'une nation, que la défaite a mise hors de combat, mais que son Empire laisse vulnérable, la guerre continue ravageant chaque jour de nouveaux continents, chacun s'interroge avec angoisse sur l'avenir du pays.
Les uns se sentent trahis; d'autres se croient abandonnés. Certains se demandent où est leur devoir; d'autres cherchent d'abord leur intérêt.

La radio de Londres et certains journaux français ajoutent à ce désarroi des esprits. Le sens de l'intérêt national finit par perdre de sa justesse et de sa vigueur.
De ce désordre des idées naît le désordre des choses. Est-ce vraiment le sort qu'après treize mois de calme, de travail, d'incontestable reprise, la France a mérité?
Français, je vous pose la question. Je vous demande d'en mesurer l'ampleur et d'y répondre dans le secret de vos consciences.
Nos relations avec l'Allemagne sont définies par une convention d'armistice (1), dont le caractère ne pouvait être que provisoire. La prolongation de cette situation la rend d'autant plus difficile à supporter qu'elle régit les rapports entre deux grandes nations.
Quant à la collaboration offerte au mois d'octobre 1940 (2) par le chancelier du Reich dans des conditions dont j'ai apprécié la grande courtoisie, elle est une oeuvre de longue haleine et n'a pu porter encore tous ses fruits.

Sachons surmonter le lourd héritage de méfiance légué par des siècles de dissensions et de querelles, pour nous orienter vers les larges perspectives que peut offrir à notre activité un continent réconcilié.
C'est le but vers lequel nous nous dirigeons. Mais c'est une oeuvre immense, qui exige de notre part autant de volonté que de patience. D'autres tâches absorbent le gouvernement allemand; des tâches gigantesques où se développe, à l'Est, la défense d'une civilisation et qui peuvent changer la face du monde.
A l'égard de l'Italie, nos rapports sont également régis par une convention d'armistice (1). Ici, encore, nos voeux sont d'échapper à ces relations provisoires, pour créer des liens plus stables, sans lesquels l'ordre européen ne pourrait se construire.

Je voudrais, enfin, rappeler à la grande république américaine les raisons qu'elle a de ne pas craindre le déclin de l'idéal français. Certes, notre démocratie parlementaire est morte. Mais elle n'avait que peu de traits communs avec la démocratie des États-Unis. Quant à l'instinct de liberté, il vit toujours en nous, fier et rude. La presse américaine nous a souvent mal jugés. Qu'elle fasse un effort pour comprendre la qualité de notre âme, et le destin d'une nation dont le territoire fut, au cours de l'histoire, périodiquement ravagé, la jeunesse décimée, le bonheur troublé par la fragilité d'une Europe à la reconstruction de laquelle elle entend aujourd'hui participer.

Nos difficultés intérieures sont faites surtout du trouble des esprits, de la pénurie des hommes et de la raréfaction des produits.
Le trouble des esprits n'a pas sa seule origine dans les vicissitudes de notre politique étrangère.
Il provient surtout, de notre lenteur à construire un ordre nouveau,, ou plus exactement à l'imposer. La Révolution Nationale, dont j'ai dans, mon message du 11 octobre (3) dessiné les grandes lignes, n'est pas encore entrée dans les faits.
Elle n'y a pas pénétré, parce qu'entre le peuple et moi, qui nous comprenons si bien, s'est dressé le double écran des partisans de l'ancien régime et des serviteurs des trusts.

Les troupes de l'ancien régime sont nombreuses. J'y range sans exception tous ceux qui ont fait passer leurs intérêts personnels avant les intérêts permanents de l'Etat maçonnerie, partis politiques dépourvus de clientèle mais assoiffés de revanche, fonctionnaires attachés à un ordre dont ils étaient les bénéficiaires et les maîtres ou ceux qui ont subordonné les intérêts de la patrie à ceux de l'étranger. Un long délai sera nécessaire pour vaincre la résistance de tous ces adversaires de l'ordre nouveau, mais il nous faut, dès à présent, briser leurs entreprises, en décimant les chefs.
Si la France ne comprenait pas qu'elle est condamnée, par la force des choses, à changer de régime, elle verrait s'ouvrir devant elle l'abîme, où l'Espagne de 1936 a failli disparaître, et dont elle ne s'est sauvée que par la foi et le sacrifice.
Quant à la puissance des trusts, elle a cherché à s'affirmer, de nouveau, en utilisant, pour ses fins particulières, l'institution des comités d'organisation économique.
Ces comités avaient été créés, cependant, pour redresser les erreurs du capitalisme. Ils avaient en outre, pour objet de confier à des hommes responsables l'autorité nécessaire pour négocier avec l'Allemagne, et pour assurer une équitable répartition des matières premières indispensables à nos usines.
Le choix des membres de ces comités a été difficile. On n'a pu, toujours trouver réunies, sur les mêmes têtes l'impartialité et la compétence. Ces organismes provisoires, créés sous l'empire d'une nécessité pressante ont été trop nombreux, trop centralisés et trop lourds. Les grandes sociétés s'y sont arrogé une autorité excessive et un contrôle souvent inadmissible.
A la lumière de l'expérience, je corrigerai l'oeuvre entreprise, et je reprendrai contre un capitalisme égoïste et aveugle la lutte que les souverains de France ont engagée et gagnée contre la féodalité. J'entends que notre pays soit débarrassé de la tutelle la plus méprisable: celle de l'argent.
Des organisations professionnelles sans responsabilité et guidées par des soucis mercantiles ont trop longtemps gêné notre ravitaillement. J'ai déjà pris des sanctions et frappé dans la personne d'un homme tout un système: celui de ses bureaux nationaux de répartition qui assuraient aux grossistes, au détriment du producteur et du consommateur, un contrôle exclusif et usuraire sur toute la filière du ravitaillement.

Nous souffrirons encore. Mais je ne veux pas que nos souffrances s'étalent devant le scandale de fortunes bâties sur la misère générale.
Ce serait d'autant plus révoltant que ce peuple a, depuis un an, accompli un travail immense, malgré les privations de toutes sortes et dans les conditions les plus difficiles. Je songe à nos paysans qui, sans main-d'oeuvre, sans engrais, sans sulfate, ont réussi à obtenir des résultats supérieurs à ceux de l'an passé. Je songe aussi aux mineurs qui ont travaillé sans répit, de jour et de nuit, à nous procurer du charbon. Je songe à tous ces ouvriers qui, au retour de leur travail, ne trouvent que des foyers sans feu et des tables pauvrement garnies.
C'est grâce à leur effort de tous les instants que la vie du pays a pu être maintenue malgré la défaite. C'est avec eux et par eux que nous pourrons construire demain une France libre, puissante et prospère. Qu'ils attendent, avec moi, les temps meilleurs; l'épreuve de la France prendra fin.

Quant à la pénurie des hommes, elle est due surtout à l'absence des prisonniers. Tant que plus d'un million de Français, comprenant les éléments jeunes et vigoureux de la Nation, et la meilleure fraction de son élite, demeureront en marge des activités du pays, il sera difficile de construire un édifice neuf et durable. Leur retour permettra de combler le grand vide dont nous souffrons. Leur esprit fortifié par la vie des camps, mûri par de longues réflexions, deviendra le meilleur ciment de la Révolution Nationale.

Et pourtant, malgré ces difficultés, l'avenir de notre pays se construit avec une précision chaque jour mieux assurée.
Familles, métiers, communes, provinces seront les piliers de la Constitution, à laquelle les meilleurs ouvriers de notre redressement travaillent sans relâche et dont le préambule ouvrira sur le " futur français" de claires perspectives.
Nos réformes les plus récentes sont l'objet d'une révision méthodique, dont les grandes lignes apparaîtront plus nettement, lorsque les textes législatifs auront été simplifiés et codifiés.
Mais il ne suffit pas de légiférer et de construire. Il faut gouverner. C'est une nécessité et c'est le voeu du peuple tout entier.
La France ne peut être vraiment gouvernée que de Paris. Je ne puis encore y rentrer, et je n'y rentrerai que lorsque certaines possibilités m'y seront offertes.
La France ne peut être gouvernée qu'avec l'assentiment de l'opinion, assentiment plus nécessaire encore en régime d'autorité. Cette opinion est, aujourd'hui, divisée.
La France ne peut être gouvernée que si à l'impulsion du chef correspondent l'exactitude et la fidélité des organes de transmission. Cette exactitude et cette fidélité font encore défaut.
La France cependant, ne peut attendre. Un peuple comme le nôtre, forgé au creuset des races et des passions, indocile et courageux, prompt au sacrifice comme à la violence et toujours frémissant lorsque son honneur est en jeu, a besoin de certitudes, d'espace et de discipline.
Le problème du gouvernement dépasse donc en ampleur le cadre d'un simple remaniement ministériel. Il réclame, avant tout, le maintien rigide de certains principes.

L'autorité ne vient plus d'en bas. Elle est proprement celle que je confie ou que je délègue.
Je la délègue, en premier lieu, à l'amiral Darlan, envers qui l'opinion ne s'est montrée ni toujours favorable ni toujours équitable mais qui n'a cessé de m'aider de sa loyauté et de son courage.
Je lui ai confié le ministère de la Défense nationale pour qu'il puisse exercer sur l'ensemble de nos forces de terre, de mer et de l'air, une action plus directe.
Au Gouvernement qui m'entoure, je laisserai l'initiative nécessaire. J'entends toutefois lui tracer dans certains domaines, une ligne très nette et voici ce que j'ai décidé:

1. L'activité des partis politiques et des groupements d'origine politique est suspendue, jusqu'à nouvel ordre, en zone libre. Ces partis ne pourront plus tenir ni réunion publique, ni réunion privée. Ils devront renoncer à toute distribution de tracts ou d'affiches. Ceux qui ne se conformeront pas à ces dispositions seront dissous.

2. L'indemnité parlementaire est supprimée à dater du 30 septembre.

3. Les premières sanctions disciplinaires contre les fonctionnaires coupables de fausses déclarations, en matière de sociétés secrètes, ont été prises. Les noms de ces fonctionnaires ont été publiés ce matin au Journal Officiel.
Les titulaires des hauts grades maçonniques, dont une première liste vient d'être également publiée, ne pourront plus exercer aucune fonction publique.

4. La Légion demeure en zone libre le meilleur instrument de la Révolution Nationale. Mais elle ne pourra remplir utilement sa tâche civique qu'en restant, à tous les échelons, subordonnée au gouvernement.

5. Je doublerai les moyens d'action de la police, dont la discipline et la loyauté doivent garantir l'ordre publie.

6. Il est créé un cadre de commissaires du pouvoir. Ces hauts fonctionnaires seront chargés d'étudier l'esprit dans lequel sont appliqués les lois, décrets, arrêtés et instructions du pouvoir central. Ils auront mission de déceler et de briser les obstacles que l'abus de la réglementation, la routine administrative ou l'action des sociétés secrètes peuvent opposer à l'oeuvre de redressement national.

7. Les pouvoirs des préfets régionaux première esquisse de ce que seront les gouverneurs de provinces dans la France de demain sont renforcés. Leur initiative vis-à-vis des administrations centrales est accrue; leur autorité sur tous les chefs de services locaux sera directe et entière.

8. La Charte du Travail, (4) destinée à régler, selon les principes de mon message de Saint-Étienne (5), les rapports des ouvriers, des artisans, des techniciens et des patrons, dans la concorde et la compréhension mutuelles, vient de faire l'objet d'un accord solennel. Elle sera promulguée incessamment.

9. Le statut provisoire de l'organisation économique sera remanié, sur la base de l'allègement et du regroupement des comités, d'une représentation plus large, dans leur sein, de la petite industrie et des artisans, d'une révision de leur gestion financière, de leur articulation avec les organismes provinciaux d'arbitrage.

10. Les pouvoirs, le rôle et l'organisation des bureaux nationaux de ravitaillement seront modifiés selon des modalités qui, sauvegardant les intérêts des consommateurs, permettront à l'autorité de l'Etat de s'exercer à la fois sur le plan national et sur le plan régional.

11. J'ai décidé d'user des pouvoirs que me donne l'acte constitutionnel n° 7 (6) pour juger les responsables de notre désastre. Un conseil de justice politique est créé à cet effet. Il me soumettra ses propositions avant le 15 octobre.

12. En application du même acte constitutionnel, tous les ministres et hauts fonctionnaires devront me prêter serment de fidélité, et s'engager à exercer les devoirs de leur charge pour le bien de l'État, selon les lois de l'honneur et de la probité.

Cette première série de mesures rassurera les Français qui ne pensent qu'au salut de la Patrie.

Prisonniers qui attendez encore dans les camps et vous préparez en silence à l'œuvre de restauration nationale, paysans de France qui faites la moisson dans des conditions particulièrement difficiles, habitants de la zone interdite qui mettez toute votre confiance dans l'intégrité de la France, ouvriers de nos banlieues privés de viande, de vin et de tabac et cependant si courageux, c'est à vous tous que je pense.
C'est à vous que j'adresse ces paroles françaises.
je sais, par métier, ce qu'est la victoire; je vois aujourd'hui ce qu'est la défaite. J'ai recueilli l'héritage d'une France blessée. Cet héritage, j'ai le devoir de le défendre, en maintenant vos aspirations et vos droits.
En 1917. j'ai mis fin aux mutineries.
En 1940, j'ai mis un terme a la déroute. Aujourd'hui c'est de vous-mêmes que je veux vous sauver.
A mon âge, lorsqu'on fait à son pays le don de sa personne, il n'est plus de sacrifice auquel l'on veuille se dérober. Il n'est plus d'autres règles que celle du salut public. Rappelez-vous ceci:
Un pays battu, s'il se divise, est un pays qui meurt.
Un pays battu, s'il sait s'unir, est un pays qui renaît.
Vive la France!