Communiqué du 10 septembre 2007

 

Les Universités de Debout La République

 

Le député non-inscrit Nicolas Dupont-Aignan a invité dimanche les cadres de son mouvement "Debout la République" (DLR) à rassembler "les gaullistes, les républicains, les souverainistes" pour muscler son mouvement, qui a désormais rompu ses liens avec l’UMP. "A ceux qui ont peur de la solitude en politique, je veux dire très clairement qu’on n’est jamais seul quand on défend des causes justes et notamment une certaine idée de la France", a déclaré M. Dupont-Aignan, qui a réuni ce week-end son mouvement en université d’été à Dourdan (Yvelines). Si Nicolas Sarkozy a fait preuve de "lucidité" sur les "crises françaises" pendant sa campagne, ses premières décisions "ne peuvent qu’inquiéter les gaullistes sincères et réveiller un jour les Français, provoquer même leur colère", a-t-il déclaré, selon le texte de son discours transmis à l’AFP. M. Dupont-Aignan a fustigé "l’accord scélérat" en juin à Bruxelles pour un nouveau traité européen, une "Constitution bis" qui "met fin à l’égalité entre l’Allemagne et la France" et "officialise la primauté du droit communautaire". "Nous devons alerter l’opinion sur la nécessité d’un référendum sur ce nouveau traité", a-t-il dit. L’ancien député UMP, qui avait quitté le parti en janvier 2007, au moment de la désignation de Nicolas Sarkozy comme candidat, a également critiqué la "dérive de la politique étrangère" du président, selon lui trop pro-américaine, ou ses premières décisions économiques. "Pourquoi le paquet fiscal dont certaines mesures étaient nécessaires, comme la baisse des droits de succession, a-t-il été aussi excessif et déséquilibré ?", a-t-il demandé. M. Dupont-Aignan a aussi critiqué "la pratique du pouvoir" de M. Sarkozy, cette "sorte d’agitation permanente saturant l’espace public pour éviter tout débat". "Il faut bien que quelqu’un ose dire à M. Sarkozy : +M. le président, le pays avait besoin d’un nouveau souffle, mais cette fois vous allez trop loin".

 


  • L'intégralité de l'intervention de Nicolas Dupont-Aignan
    Député de l’Essonne
    Président de Debout la République

    Photos A.Kerhervé

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    Mes chers Compagnons,

    Il me revient maintenant, comme c’est la tradition depuis quatre ans déjà, de conclure nos travaux.

    Ces universités de rentrée étaient consacrées, vous l’avez bien compris, à notre réorganisation interne puisque Debout La République est désormais un parti politique à part entière.

    Cette indépendance, vous étiez nombreux à l’avoir voulue.

    Cette réorganisation, nous en avons tous ressenti la nécessité car nous l’avons appris à nos dépens, les meilleures idées du monde ne peuvent convaincre si l’on n’a pas les moyens de les porter.

    Et je voudrais avant tout vous remercier de votre présence, de votre courage et de votre détermination durant cette année 2007 éprouvante !

    52 signatures m’ont manqué pour présenter aux Français une autre voie, un autre regard, un autre comportement politique. Je sais que votre déception a été grande. Et je vous remercie d’être encore plus nombreux que l’année dernière ! Vous n’êtes pas de ceux qui désertent. Vous n’abandonnez ni vos convictions, ni les Français. Je sais que vous croyez plus que jamais en cette « certaine idée de la France » qui nous a toujours rassemblés !

    Au lieu de vous être découragés, vous êtes aujourd’hui encore plus pugnaces. C’est pour moi un honneur autant qu’une joie.

    Merci aux fidèles de toujours qui lorsque quelques uns se sont éloignés, ont redoublé de leurs efforts.

    Merci à tous nos candidates et candidats aux législatives qui, dans un contexte très difficile, ont porté les couleurs de notre mouvement. Ils ont prouvé ainsi qu’en politique on doit toujours traduire en actes ses intentions. Ils ont semé pour l’avenir.

    Merci enfin aux jeunes qui sont en train de bâtir ce réseau Internet de la France libre.

    Au-delà de la confiance que vous voulez bien m’accorder, si vous êtes là aujourd’hui, représentant vos militants et adhérents, c’est parce que vous avez compris avant les autres dans l’océan de conformisme, de superficialité et de complaisance dans lequel a baigné notre pays tout l’été, combien notre démocratie a besoin de vrais débats, de propositions concrètes, de liberté. En un mot, vous voulez bâtir avec moi un parti politique libre pour une France libre : un mouvement indépendant, sérieux, sincère, audacieux aussi, levier d’un réel redressement du pays.

    Ce redressement les Français l’espèrent. C’est pourquoi après la désillusion de 81, l’ambiguïté de 88, l’occasion manquée 95 et le coup d’épée dans l’eau de 2002, notre pays ne peut plus se permettre une nouvelle trahison post électorale et nous avons le devoir impérieux de dire les choses, de montrer le chemin.

    Sachons tout d’abord reconnaître l’ampleur de la victoire électorale du Président de la République, la volonté de changement des Français.

    Mais cette confiance de notre peuple est temporaire et fragile car elle s’explique avant tout par la multitude des promesses de campagne et l’attente de vrais résultats.

    Le peuple français a trop de maturité politique pour être longtemps dupe des effets de manche. Ne l’oubliez pas, les commentaires enthousiastes sur la « méthode », le « ton », le « style », la « modernité » ont toujours accompagné les victoires présidentielles et n’ont duré que le temps des roses.

    Nos compatriotes, dont beaucoup souffrent et ne se reconnaissent pas dans la vie des milliardaires du CAC 40, nouveaux héros du siècle, demanderont vite des comptes sur les sujets clés de la sécurité, de l’emploi, du pouvoir d’achat, de l’immigration, de l’école, de l’environnement. Et ils auront raison.

    C’est pourquoi, mes chers compagnons, la seule question qui doit nous préoccuper et à laquelle nous devons répondre simplement est la suivante : les bonnes mesures sont-elles prises pour obtenir les résultats promis aux Français ? Sert-on vraiment l’intérêt général ?

    A nous d’y veiller. Pour y réussir, sachons cependant éviter les deux pièges de la vie politique française :

      Gardons-nous tout d’abord des procès d’intention. Evitons les petites phrases, les critiques basses, stériles, faciles. Ne nous attachons pas trop à la forme du pouvoir, aux sympathies ou aux inimitiés.
      A l’opposé, ne cédons pas à l’étrange climat de complaisance du moment. N’imitons pas les courtisans, les flatteurs, les arrivistes qui ne veulent voir que l’écume de la vague. N’ayons jamais à nous reprocher d’avoir été des moutons de Panurge.

    Nous servirons notre pays, nous aiderons à sa réussite et nous recevrons à terme l’estime et le respect des Français en étant nous-mêmes, les plus objectifs possible, en faisant preuve de cohérence, en parlant du fond des choses. En un mot, en ne nous consacrant qu’à l’intérêt de la France et donc des Français !

    Loin des petites histoires politiciennes ou des coups médiatiques du jour, nous devons ainsi à Debout la République désormais indépendant :

    Demander le respect des engagements,

    • Nous assurer que le gouvernement traite enfin à la racine les problèmes du pays,

    • Alerter l’opinion quand on raconte des histoires aux Français,

    • Soutenir les ministres qui font preuve de courage,

    • Proposer aussi des réformes car il ne peut y avoir de critiques constructives sans propositions alternatives.

    Pour résumer, faisons vivre notre démocratie, réveillons la car aujourd’hui elle est comme engourdie, anesthésiée, paralysée. Car oui, pour moi, comme pour vous, le culte de la personnalité, la puissance des réseaux, voire l’enchevêtrement des intérêts, ne sont pas dignes de notre démocratie et ne servent pas la France.

    L’enjeu n’est pas anodin, mes amis. A ceux qui sont encore sous hypnose, répondez tranquillement que votre liberté de parole est la meilleure garantie de la réussite de ce quinquennat et de la France.

    Notre pays justement, comment va-t-il en cette rentrée ? Est-il sur la bonne voie ? Dans le tourbillon des premiers mois à l’Elysée du nouveau Président, qu’en est-il exactement ? Le redressement amorcé est-il réel ou factice ?

    Fidèles à la ligne de conduite que je vous ai exposée il y a un instant, sachons reconnaître les bonnes choses mais osons aussi tirer le signal d’alarme contre les dérives qui pourraient compromettre l’œuvre de redressement.

    Comme beaucoup de nos compatriotes, nous partageons le diagnostic posé par l’exécutif sur l’impossibilité pour notre pays de continuer sur la pente glissante et fatale de l’immobilisme.

    Oui dans un monde en plein bouleversement, la France a besoin d’un nouvel élan, de réformes, d’effort, de courage.

    La victoire de Nicolas Sarkozy témoigne de sa lucidité sur les deux crises françaises que je n’ai cessé d’ailleurs de pointer du doigt depuis dix ans. Celle tout d’abord de l’identité nationale, celle ensuite du déclassement économique et social symbolisé par les délocalisations. Son souhait de voir la « France de retour », sa capacité à agréger des personnalités nouvelles autour d’une nouvelle ambition ne peuvent que séduire.

    Toute la question est de savoir si les décisions prises servent cette ambition affichée, s’il y a cohérence entre les discours et les actes, entre les promesses et les décisions.

    En cette rentrée, à cet égard, la situation de la France est plus paradoxale que jamais.

    Sous l’apparence trompeuse du consensus, de magazines people qui tiennent lieu d’Agora, on perçoit bien les signes d’une grande fragilité politique, économique et sociale.

    D’un côté en effet un nouveau Président, une nouvelle dynamique gouvernementale qui recueille une large confiance des Français. Mais de l’autre, un début de mandat marqué par une pratique du pouvoir et par des décisions qui ne peuvent qu’inquiéter les gaullistes sincères et réveiller un jour les Français, provoquer même leur colère.

    Au chapitre des bonnes nouvelles, citons la loi sur la récidive (attendue depuis des années, même si les peines plancher ne sont pas obligatoires), la loi sur le service minimum, la réduction des droits de succession, l’incitation à l’accession à la propriété, la limitation du regroupement familial (qui sera discutée à la rentrée), le crédit d’impôt recherche. Autant de réformes, je vous le rappelle, que nous proposions à Debout La République depuis des années.

    Mais comme je l’ai expliqué dans une intervention à l’Assemblée Nationale avant de m’abstenir sur la déclaration de politique générale du Premier Ministre, cette action positive du gouvernement est malheureusement minée par des orientations profondément contraires aux engagements de campagne.

    Le décalage entre les intentions et les orientations s’aggrave même de jour en jour au risque de s’apparenter, au mieux à un véritable double langage, au pire à du cynisme à grande échelle.

    Ainsi derrière l’agitation show-biz estivale, des choix essentiels ont été faits sans être d’ailleurs débattus ni même commentés. Outre que ces orientations ne servent pas l’idée que nous nous faisons de la France, elles mettent en péril par leur incohérence la stratégie de sortie de crise affichée par le Président et, par là même, la réussite de son quinquennat.

    C’est donc bien un devoir pour nous à la fois par conviction et par solidarité d’alerter, d’expliquer, de convaincre et de proposer une autre politique dans des domaines clés pour l’avenir du pays comme la politique européenne, la politique étrangère, la politique économique et la pratique institutionnelle. Permettez-moi de revenir sur chacune de ces quatre dérives auxquelles il faut d’urgence mettre un coup d’arrêt.

    La première concerne l’Europe

    Pendant la campagne Nicolas Sarkozy a repris avec énergie les thèses que je défends depuis dix ans. A savoir que la réorientation de la construction européenne est nécessaire au redressement de la France. Réforme de l’euro, révision de la politique de la concurrence, lutte contre un libre échange déloyal, ont donc été promis.

    De même, le candidat à la présidence s’est engagé à bloquer l’entrée de la Turquie afin d’éviter la dilution de l’Union. Enfin, lors du débat face à Ségolène Royal, il a reconnu la mort de la Constitution européenne.

    On pouvait ainsi espérer que le nouveau Président avait compris les raisons des échecs de ses deux prédécesseurs. La contradiction entre leur politique intérieure et le carcan européen de l’euro surévalué et des accords commerciaux déloyaux. Malheureusement, il n’a pas fallu attendre longtemps pour voir le Président renier ses engagements.

    Le sommet de Bruxelles de juin restera comme l’un des plus beaux tours de passe-passe politique. Le mini Traité n’a rien d’un traité simplifié ! Il s’agit seulement de la Constitution européenne ressuscitée (sans les symboles ni la partie III, déjà inscrite dans les autres traités).

    Cet accord est triplement scélérat.

    Scélérat, il l’est tout d’abord sur le fond car il reprend les pires dispositions de la Constitution, notamment Le passage à la majorité qualifiée des décisions dans une cinquantaine de secteurs et procédures de décision. Cela veut dire concrètement que les Français pourront se voir imposer une législation par une majorité d’Etats. On bascule dans la supranationalité mettant en péril la démocratie nationale. A titre d’exemple, les accords à l’OMC, exclusivement négociés je le rappelle par la Commission de Bruxelles, pourront être adoptés par une majorité d’Etats contre l’avis de la France. Il est d’ailleurs stupéfiant de voir le Président de la République menacer le matin M. Mandelson d’un veto, (Commissaire chargé de négocier à l’OMC, au nom de l’Union), pour l’après midi apprendre qu’il a accepté de priver son pays de ce même droit de veto ! Au-delà de la disparition finale du droit de veto, la « Constitution bis » met fin à l’égalité des droits de vote entre l’Allemagne et la France, officialise la primauté du droit communautaire - signant donc la fin du droit national - et menace frontalement l’unité de la République en reconnaissant par la Charte des droits fondamentaux le droit des minorités.

    Ce traité supranational est totalement contraire aux principes de l’Europe des Nations chère au Général de Gaulle. Il privera encore plus la France de toute marge de manœuvre nationale, l’obligeant pour éviter d’être mise en minorité à détricoter son modèle laïc, démanteler ses services publics et abaisser ses exigences sociales et environnementales.

    Mais cet accord de Bruxelles est aussi scélérat dans la forme puisqu’il contourne et trahit même le vote souverain des Français du 29 mai 2005, le Président de la République ayant choisi la procédure parlementaire de ratification pour se soustraire au référendum. Il argue du fait qu’il avait prévenu qu’il n’y aurait pas de référendum. Il oublie de dire que pendant la campagne il évoquait, pour justifier cette ratification parlementaire, un mini traité très loin de la Constitution qu’il déclarait morte pour se concilier les électeurs du non.

    Enfin, la démarche est d’autant plus scélérate qu’en échange de l’acceptation de la « Constitution bis », le Président n’a absolument rien obtenu de nos partenaires.

    La France ayant signé précipitamment l’accord de Bruxelles, ce qui devait arriver est arrivé. Toutes les demandes françaises ont donc été rejetées par l’Allemagne. On a ainsi appris au fil de l’été que le Président s’était fait moucher par les ministres des finances de l’euro à Luxembourg et qu’il reconnaissait en grande pompe à Toulouse sous le regard triomphant de Mme Merkel, l’indépendance de la Banque Centrale européenne. Enfin, le Président acceptait à la fin de l’été de poursuivre les négociations d’adhésion de la Turquie.

    En juin les journaux titraient « Nicolas Sarkozy a sauvé l’Europe ». La réalité est tout autre. Il a sauvé la petite bureaucratie de Messieurs Barroso, Trichet et consorts. Il a offert à l’Allemagne une position dominante au cœur de l’Union européenne au détriment de la France. Le Président a surtout raté l’occasion historique qu’il avait du fait de sa large victoire, suivant le NON massif au référendum, d’être le levier de la réforme de l’Europe.

    En vérité, le Président a préféré obtenir un succès facile au mois de juin pour briller dans des médias aux ordres plutôt que de se donner les moyens de réussir à négocier un accord équilibré permettant la réforme de l’euro et par voie de conséquence le retour de la croissance indispensable à la réussite du quinquennat.

    Car tous les économistes le disent : avec un euro, dont la valeur est supérieure à 1,30 dollars, qui asphyxie nos entreprises, avec un libre échange déloyal qui permet à la Chine et à l’Inde d’accroître toujours plus notre déficit commercial, on ne pourra ni relancer la machine, ni réussir les réformes audacieuses dont la France a besoin, ni enfin muscler l’Europe dans la mondialisation.

    Rien n’est cependant joué. Nous pouvons encore et nous devons alerter l’opinion sur la nécessité d’un référendum sur ce nouveau traité. C’est le sens de la pétition nationale que nous lancerons prochainement. Alors oui, mes amis, je vais vous demander de reprendre votre bâton de pèlerin. Nous aurons du travail à l’automne pour aller à la rencontre des Français et leur expliquer ce qui se trame avec des conséquences très concrètes sur leur vie quotidienne.

    Nous devons aussi rassembler toutes celles et tous ceux qui s’étaient battus en faveur du NON pour peser dans l’opinion. Je lance un appel solennel aux gaullistes, souverainistes, républicains. Je leur demande de cesser leurs chamailleries dérisoires. Je leur propose de se regrouper dans un grand rassemblement. Puisque, ouverture oblige, la droite des milieux d’affaires fraternise avec la gauche caviar, pourquoi la droite républicaine et sociale aurait-elle des complexes à travailler avec la gauche patriote ?

    Nous devons enfin, avec nos amis européens danois, anglais, allemands, tchèques, polonais et autres qui aspirent comme nous à bâtir une autre Europe, expliquer notre projet d’avenir :

    • Renégocier les traités pour respecter la diversité des Nations et permettre des coopérations à la carte en matière scientifique, industrielle, universitaire, culturelle, environnementale,

    • Réformer l’euro, ou en sortir si nos partenaires refusent, pour relancer la croissance,

    • Conditionner tout accord à l’OMC à la mise en place d’un droit de douane environnemental et social.

    Voilà les enjeux du début du XXIème siècle ! Et n’ayons pas de complexe car vous le savez, nous avons le soutien du peuple, le soutien des peuples, sinon pourquoi les dirigeants européens tremblent-ils à l’idée de consulter les leurs ?

    Sachez en tous les cas que je ne renoncerai pas à ce combat car il en va de la liberté des Français et d’une certaine idée de la civilisation européenne.

    Mais à cette dérive européenne s’ajoute malheureusement une autre dérive : celle de notre politique étrangère. Cela n’est d’ailleurs pas étonnant puisque la vision que nous avons de l’Europe est indissociable de la vision que nous avons du Monde.

    Depuis le Général de Gaulle, la politique étrangère de la France faisait peu débat dans notre pays car chacun de ses successeurs s’était attaché à conforter l’indépendance, j’allais dire le refus de l’alignement, de notre pays pour se mettre au service d’un humanisme universaliste, fidèle à notre tradition des Lumières.

    Cette politique étrangère a servi autant notre morale que nos intérêts. Dans un monde de plus en plus allergique à une mondialisation inégalitaire et dangereuse pour la survie même de la planète, la position de la France, même si elle exaspérait certains, était respectée, estimée, voire admirée.

    Le refus de l’intervention américaine en Irak a symbolisé aux yeux du monde la capacité de notre pays à incarner, à préfigurer un monde vraiment multipolaire.

    Il serait triste et contraire à nos intérêts de laisser dilapider cette exception française. A cet égard les premières orientations du nouveau Président ne peuvent qu’inquiéter.

    Pourquoi s’acharner à soutenir un Georges Bush qui a menti au peuple américain et au monde entier ? Dialoguons avec Hilary Clinton ou d’autres candidats qui reconnaissent que la France avait raison.

    Pourquoi engager davantage encore l’armée française en Afghanistan ?

    Pourquoi préparer dans la discrétion un retour complet dans l’OTAN et faire semblant de croire que cela est compatible avec l’émergence d’une défense européenne ?

    Pourquoi ce discours provocateur à Dakar sur la soi-disant incapacité de l’homme africain à se projeter dans l’avenir au moment où la Chine et les Etats-Unis tentent de nous remplacer en Afrique ?

    Il est légitime de se poser ces questions. Simples inflexions ou véritable tournant ? L’avenir le dira. A nous d’être vigilants.

    A cet égard, dès le 18 septembre, une nouvelle bataille se livrera au Parlement, celle de la langue française.

    Le Président Sarkozy a en effet décidé, à la faveur de la trêve estivale, de faire ratifier un accord international complètement insensé qui n’obligera plus à traduire en français les brevets s’appliquant dans notre pays. L’anglais suffira, à la grande satisfaction des multinationales françaises et étrangères. C’est une catastrophe pour notre économie, qui sera obligée, quand elle le pourra, de concevoir et travailler en anglais pour échapper à la traque procédurière des grandes entreprises internationales puisque pour la première fois l’Anglais fera foi devant nos tribunaux. C’est un très rude coup pour le français et la francophonie, dont l’exclusivité dans notre pays, instaurée par François Ier il y a près de 500 ans, sera battue en brèche !

    Si la France renonce à être elle-même, comment pourra-t-elle séduire le monde, lui offrir un visage différent. Je crois sincèrement que le Président Sarkozy fait fausse route en croyant que la modernité se calque sur un modèle américain lui-même déjà dépassé.

    Conformément à sa tradition, la France ne doit pas rougir de sa vision du monde, de son humanisme. Le XXIème siècle accouchera dans des conditions plus ou moins douloureuses d’un monde vraiment multipolaire. La mission de la France est de participer activement à sa définition et d’en devenir un acteur de premier plan. Il ne s’agit pas dans mon esprit de refuser la mondialisation mais de la réguler et de la maîtriser. Vous le savez, je tiens ce discours depuis longtemps mais nos adversaires m’ont toujours accusé d’archaïsme. Qu’aujourd’hui une personnalité consensuelle et compétente comme Hubert VEDRINE le préconise ouvertement dans son rapport remis au Chef de l’Etat, démontre que l’on ne doit jamais avoir peur d’avoir raison trop tôt !

    La France doit se battre pour l’émergence de cette nouvelle régulation. Elle doit incarner ce rejet de la « mondialisation clochardisation » pour anticiper, pour préparer une mondialisation humaine.

    C’est pourquoi, trois défis majeurs environnementaux, sociaux et culturels devraient nous mobiliser.

    Le défi de la protection de l’environnement tout d’abord qui ne peut être relevé qu’au niveau mondial. Les négociations à l’OMC constituent le levier essentiel. Nous devons bloquer par le veto tout accord qui n’inclurait pas le principe d’une norme environnementale mondiale. Les produits qui ne respecteraient pas un mode de fabrication propre se verraient imposer des droits de douane progressifs. On forcerait ainsi les producteurs qui délocalisent pour polluer à l’abri des regards à revoir leur stratégie et à respecter davantage l’environnement. Car ne vous y trompez pas, fermer le robinet pendant que vous vous brossez les dents ne sert à rien si au même moment la Chine s’apprête à polluer par habitant autant que les Etats-Unis.

    Le second défi majeur est celui de la pauvreté et des inégalités. Là aussi il faut pouvoir réguler le libre échange déloyal qui conduit aux pires injustices sociales. Un développement par grandes zones régionales de libre échange est la seule solution. A cet égard la France doit reprendre une vraie politique africaine et comme l’a d’ailleurs suggéré à raison le Président de la République sans vraiment en définir le contenu, mettre en œuvre une communauté méditerranéenne.

    Enfin, il n’y a pas de politique étrangère forte sans une influence culturelle. La question de la langue française est cruciale. Augmenter les moyens de diffusion de nos médias, réorganiser l’audiovisuel extérieur, développer la francophonie constituent des priorités pour garantir la place de notre pays dans le monde.

    Aux grincheux de tout poil qui me regarderont, goguenards, me prenant pour un rêveur, je voudrais rappeler deux exemples, (l’un récent, l’autre très ancien).

    Au temps de l’esclavage, ceux qui bataillaient contre cette mondialisation sordide de la traite négrière étaient caricaturés comme des idéalistes. Ils ont pourtant gagné ! Il n’y a pas si longtemps, quand la France a proposé la charte de l’exception culturelle à l’UNESCO, beaucoup ricanaient sous cape. Aujourd’hui, une majorité de pays l’a adopté.

    Quand une idée est juste même si ses premiers soutiens paraissent faibles, sa force est en réalité immense.

    Alors oui, je persiste et signe, les Français ont besoin de la grandeur morale de la France pour être reconnus dans le monde. Le monde a besoin de l’indépendance d’esprit de la France pour imaginer un autre futur.

    Mais pour être debout, vous le savez bien, il faut en avoir la force. Et c’est bien là d’ailleurs que résidait la faiblesse des deux Présidences précédentes. On ne peut donner des leçons au monde avec une dette qui explose et des émeutes dans nos banlieues. La politique économique de notre pays est donc décisive pour réussir le redressement de la France. Or, là aussi, malgré les bonnes intentions de départ, des incohérences peuvent mettre en péril le redressement souhaité.

    Bien sûr, le nouveau Président a raison de vouloir sortir par le haut de la crise de notre économie, de refuser une déflation qui ne dit pas son nom. Comment ne pas approuver son discours sur le travail, sur l’effort, sur la compétitivité. Malheureusement là aussi les premières décisions ne peuvent qu’inquiéter ceux qui espéraient enfin un vrai changement.

    Je ne reviendrai pas sur l’incohérence de départ qui consiste à vouloir une relance de l’activité avec un euro surévalué. Comment, en voiture, accélérer avec le frein à main bloqué ? Déficit commercial, atonie industrielle, délocalisation des investissements hors zone euro, la croissance française ne décolle pas… elle plonge même tout simplement car l’euro asphyxie nos entreprises et dope les importations.

    Mais l’euro n’est pas seul responsable : la lourdeur des charges sociales, la fuite des capitaux, le dumping social et environnemental de certains pays aggravent la situation.

    Le Président de la République n’a cessé à juste titre pendant sa campagne de dénoncer ces freins.

    Pourquoi alors le paquet fiscal dont certaines mesures étaient nécessaires, comme la baisse des droits de succession, a-t-il été aussi excessif et déséquilibré privant ainsi le budget de 13 milliards de recettes ?

    Le résultat est là. Les Français ont le sentiment qu’on ne favorise qu’une catégorie d’entre eux et la TVA sociale, mesure absolument indispensable, qui a fait ses preuves au Danemark et en Allemagne est en train de passer à la trappe car elle devient dans l’esprit de nos concitoyens la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

    De même, j’ai toujours craint que l’allègement des charges sur les heures supplémentaires n’incite les entreprises, en cas de commandes supplémentaires, à faire travailler davantage ceux qui ont déjà un emploi plutôt qu’à recruter ! Je regrette que l’on n’ait pas retenu ma proposition d’exonérer de charges pendant cinq ans tout nouvel emploi créé par des entreprises de moins de dix salariés.

    Enfin il est choquant de constater que sur les 13 milliards de perte de recettes pour l’Etat, on n’ait pas gardé le moindre financement pour renforcer la participation des salariés dans les entreprises, seul moyen là aussi de conforter nos entreprises victimes des OPA et de partager les profits pour accroître le pouvoir d’achat.

    Une politique économique, pour réussir, doit être globale, cohérente et juste. Il est dangereux de démarrer par des cadeaux clientélistes pour imposer en fin de compte la rigueur. François Mitterrand avec la gauche en 1981 en avait fait l’amère expérience.

    Ce ne sont pas l’ouverture des magasins le dimanche et la scandaleuse proposition de dépénalisation des délits des chefs d’entreprises qui seront de nature à redonner confiance dans la libre entreprise et à restaurer la cohésion sociale sans laquelle il n’y a pas de développement durable.

    Pour notre part nous devons là aussi prôner ce que j’appelais pendant la campagne « l’effort de tous au profit de tous ».

    L’effort car ce serait mentir aux Français de dire que l’on s’en sortira sans efforts mais au profit de tous car je doute que notre pays puisse longtemps rester calme en ce temps où l’argent s’étale sans pudeur et où l’on demande toujours plus au plus modestes et toujours moins au plus favorisés.

    Alors oui, mes amis, expliquons l’intérêt de notre « TVA emploi » pour éviter les délocalisations, de la participation pour partager les profits, de la sécurité sociale professionnelle pour garantir la formation à tout âge.

    Veillons aussi à défendre nos services publics tout en les réformant. Réformer l’Etat certes, mais sans démagogie contre les fonctionnaires dont nous avons besoin. Enfin veillons par-dessus tout à préserver l’idéal républicain qui est la clé de voûte de notre société.

    Comment ainsi ne pas s’étonner de voir notre Président de la République, qui a réclamé pendant la campagne électorale le retour à l’esprit de l’école de Jules Ferry, tout à coup changer complètement son fusil d’épaule en proposant de réduire les horaires…

    Or, vous le savez tous, c’est par le renforcement de l’école publique que l’on redonnera une colonne vertébrale à notre société. Nous en avons déjà abondamment parlé.

    Toutes ces observations, je le reconnais souvent critiques, sur ces premiers mois renvoient à une interrogation plus large sur la pratique du pouvoir, sur l’avenir institutionnel de la France.

    Allons-nous vivre 5 ans dans cette sorte d’agitation permanente saturant l’espace public pour éviter tout débat ?

    Le Président sait tout, voit tout, fait tout. Il n’y a plus d’opposition, il n’y a plus de majorité. Il n’y a plus de Ministre, il n’y a plus de Premier Ministre.

    Il faut bien qu’une voix libre ose dire à Nicolas Sarkozy : « Monsieur le Président, le pays avait besoin d’un nouveau souffle mais cette fois vous allez trop loin ! Ce n’est ni votre intérêt, ni celui de la France ».

    • la première raison c’est qu’en étant en première ligne sur tout, il ne peut y avoir de fusible. En prenant la place de ses propres ministres, de son Premier Ministre même, il les décrédibilise. En cas de difficulté, la présidence de la République, clé de voûte de nos institutions, sera affaiblie et perdra sa capacité de rebond.

    • la seconde raison c’est que le plus grand homme qui soit ne peut pas tout faire. Comment incarner la France, définir les grandes orientations stratégiques, mener la politique étrangère, co-piloter l’Union européenne, en un mot bien présider quand l’on prétend tout arbitrer, tout surveiller sans compter le suivi des faits divers.

    • Enfin, la troisième raison est qu’on a besoin d’une vraie démocratie avec ses débats et ses contrepouvoirs pour éviter les erreurs, enrichir les projets.

    En voulant museler son opposition, en rachetant par appartement ses leaders les plus faibles, le Président se rend-il compte qu’il affaiblit aussi sa majorité ?

    L’UMP semble tétanisée, évaporée au point de supprimer ce qui faisait sa fierté, l’élection de son Président par ses militants.

    J’appelle solennellement tous les gaullistes, tous les républicains à nous rejoindre car Debout la République va s’affirmer naturellement comme un espace de liberté de la vie politique française.

    Alors oui ce combat pour la liberté d’opinion, le débat d’idées, un système médiatique ouvert, transparent, je veux le mener avec vous.

    Agissons tout d’abord pour éviter que cette mauvaise pratique n’inspire la réforme institutionnelle en préparation.

    Une Commission de la réforme de la Vème République présidée par Edouard Balladur est en place.

    Il est question de la présidentialisation du régime. Mais de quoi parle-t-on réellement ? Un régime présidentiel démocratique est un régime où il y a des contrepoids. Le Président américain ne peut dissoudre puisque son gouvernement ne peut être censuré. Mais surtout le Congrès est doté d’importants pouvoirs. Si on va vers la présidentialisation, il faudrait alors renforcer les pouvoirs du Parlement, supprimer la dissolution, transférer certaines nominations dans les mains de l’Assemblée Nationale, supprimer les articles 16 et 49 de la Constitution. En allant vers la présidentialisation tout en gardant les pouvoirs considérables de l’exécutif français (gouvernement compris) vis-à-vis du Parlement, on accoucherait à l’inverse d’un monstre constitutionnel.

    Ma préférence irait plutôt au maintien de la Vème République avec un rééquilibrage en douceur en faveur du Parlement (partage de l’ordre du jour, contrôle des affaires européennes), à la mise en œuvre du référendum d’initiative populaire et enfin à l’instillation d’une dose de proportionnelle pour éviter le bipartisme que l’on veut nous imposer.

    Vous le comprenez donc mes amis, mes compagnons, notre tâche est lourde. Au moment où les Français croyaient en avoir enfin fini avec cette pensée unique malfaisante, celui en qui ils ont donné leur confiance ne semble plus avoir ni la volonté ni le courage de vraiment la combattre.

    Docilité à l’égard de Bruxelles et de Washington, politique économique de classe, pratique solitaire du pouvoir, si ces dérives devaient vraiment se poursuivre, la réaction des Français serait aussi terrible que leur déception.

    Mais heureusement rien n’est joué. A nous de tout faire pour éviter ce scenario. Rappelons au Président ses engagements, rééquilibrons nos institutions, insistons sur la nécessité de maintenir l’indépendance du pays.

    Raison de plus pour mieux nous organiser dès maintenant en nous appuyant sur un parti solide, cohérent et constructif, présent dans tous les départements.

    Car je crois, oui, qu’il est de notre devoir de bâtir une Europe respectueuse et forte de la personnalité des Nations qui la composent ;

    Car je crois, oui, qu’il est de notre devoir d’affirmer une politique étrangère indépendante au service de la liberté et de la prospérité des peuples de la terre ;

    Car je crois qu’il est de notre devoir de rappeler que le développement économique durable ne se bâtit pas sur les décombres de l’Etat ni sans un vrai partage social ;

    Car enfin, oui, je crois que notre démocratie mérite que chacun, à la bonne place, joue pleinement son rôle. L’autorité du Président doit se hisser à la bonne hauteur, le Parlement doit débattre en profondeur, les partis politiques doivent vivre et convaincre, les médias doivent être pluralistes et indépendants.

    A ceux enfin qui nous accuserons de jouer les Cassandre, répondez que les Français sont suffisamment lucides pour penser par eux-mêmes. Répondez aussi qu’il faut mieux prévenir que guérir et que de deux choses l’une : soit le Président corrige le tir, tire les leçons de ses dérives des premiers mois et nous aurons le plus grand bonheur d’avoir été utiles, soit il reste sourd et il nous faudra alors préparer l’avenir.

    Dans tous les cas en démocratie, chacun doit pouvoir jouer son rôle. Alors, dans vos régions respectives, jouez le vôtre. Structurez vos fédérations, gagnez des adhésions, préparez les élections, rassemblez les gaullistes, les républicains, les souverainistes, expliquez votre position à la presse, diffusez vos messages, réveillez vos concitoyens.

    Enfin et surtout, à ceux qui ont peur de la solitude politique, je veux dire très clairement que l’on n’est jamais seul quand on défend des causes justes et notamment une « certaine idée de la France ».

    Vous vous croyez seuls mais vous êtes des millions.

    Oui, mes amis, à vous d’aller parcourir nos départements et dire à ceux que vous rencontrez : « Ecoutez dans ce tohu-bohu, il y a une petite voix différente qui essaye de se faire entendre » « Prêtez l’oreille, elle est porteuse du vrai changement. Elle veut aider à corriger le présent. Elle prépare l’avenir ».

    C’est la voix de la France libre qui ne s’éteindra jamais et qui a besoin de vous.