L'intégralité de
l'intervention de Nicolas
Dupont-Aignan
Député de l’Essonne
Président de Debout la République
Photos A.Kerhervé
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Mes
chers Compagnons,
Il me revient maintenant, comme c’est la tradition depuis quatre ans
déjà, de conclure nos travaux.
Ces universités de rentrée étaient consacrées, vous l’avez bien
compris, à notre réorganisation interne puisque Debout La République
est désormais un parti politique à part entière.
Cette indépendance, vous étiez nombreux à l’avoir voulue.
Cette réorganisation, nous en avons tous ressenti la nécessité car
nous l’avons appris à nos dépens, les meilleures idées du monde ne
peuvent convaincre si l’on n’a pas les moyens de les porter.
Et je voudrais avant tout vous remercier de votre présence, de votre
courage et de votre détermination durant cette année 2007
éprouvante !
52 signatures m’ont manqué pour présenter aux Français une autre
voie, un autre regard, un autre comportement politique. Je sais que
votre déception a été grande. Et je vous remercie d’être encore plus
nombreux que l’année dernière ! Vous n’êtes pas de ceux qui
désertent. Vous n’abandonnez ni vos convictions, ni les Français. Je
sais que vous croyez plus que jamais en cette « certaine idée de la
France » qui nous a toujours rassemblés !
Au lieu de vous être découragés, vous êtes aujourd’hui encore plus
pugnaces. C’est pour moi un honneur autant qu’une joie.
Merci aux fidèles de toujours qui lorsque quelques uns se sont
éloignés, ont redoublé de leurs efforts.
Merci à tous nos candidates et candidats aux législatives qui, dans
un contexte très difficile, ont porté les couleurs de notre
mouvement. Ils ont prouvé ainsi qu’en politique on doit toujours
traduire en actes ses intentions. Ils ont semé pour l’avenir.
Merci enfin aux jeunes qui sont en train de bâtir ce réseau Internet
de la France libre.
Au-delà de la confiance que vous voulez bien m’accorder, si vous
êtes là aujourd’hui, représentant vos militants et adhérents, c’est
parce que vous avez compris avant les autres dans l’océan de
conformisme, de superficialité et de complaisance dans lequel a
baigné notre pays tout l’été, combien notre démocratie a besoin de
vrais débats, de propositions concrètes, de liberté. En un mot, vous
voulez bâtir avec moi un parti politique libre pour une France
libre : un mouvement indépendant, sérieux, sincère, audacieux aussi,
levier d’un réel redressement du pays.
Ce redressement les Français l’espèrent. C’est pourquoi après la
désillusion de 81, l’ambiguïté de 88, l’occasion manquée 95 et le
coup d’épée dans l’eau de 2002, notre pays ne peut plus se permettre
une nouvelle trahison post électorale et nous avons le devoir
impérieux de dire les choses, de montrer le chemin.
Sachons tout d’abord reconnaître l’ampleur de la victoire électorale
du Président de la République, la volonté de changement des
Français.
Mais cette confiance de notre peuple est temporaire et fragile car
elle s’explique avant tout par la multitude des promesses de
campagne et l’attente de vrais résultats.
Le peuple français a trop de maturité politique pour être longtemps
dupe des effets de manche. Ne l’oubliez pas, les commentaires
enthousiastes sur la « méthode », le « ton », le « style », la
« modernité » ont toujours accompagné les victoires présidentielles
et n’ont duré que le temps des roses.
Nos compatriotes, dont beaucoup souffrent et ne se reconnaissent pas
dans la vie des milliardaires du CAC 40, nouveaux héros du siècle,
demanderont vite des comptes sur les sujets clés de la sécurité, de
l’emploi, du pouvoir d’achat, de l’immigration, de l’école, de
l’environnement. Et ils auront raison.
C’est pourquoi, mes chers compagnons, la seule question qui doit
nous préoccuper et à laquelle nous devons répondre simplement est la
suivante : les bonnes mesures sont-elles prises pour obtenir les
résultats promis aux Français ? Sert-on vraiment l’intérêt général ?
A nous d’y veiller. Pour y réussir, sachons cependant éviter les
deux pièges de la vie politique française :
Gardons-nous tout d’abord des procès d’intention. Evitons les
petites phrases, les critiques basses, stériles, faciles. Ne nous
attachons pas trop à la forme du pouvoir, aux sympathies ou aux
inimitiés.
A l’opposé, ne cédons pas à l’étrange climat de complaisance du
moment. N’imitons pas les courtisans, les flatteurs, les arrivistes
qui ne veulent voir que l’écume de la vague. N’ayons jamais à nous
reprocher d’avoir été des moutons de Panurge.
Nous servirons notre pays, nous aiderons à sa réussite et nous
recevrons à terme l’estime et le respect des Français en étant
nous-mêmes, les plus objectifs possible, en faisant preuve de
cohérence, en parlant du fond des choses. En un mot, en ne nous
consacrant qu’à l’intérêt de la France et donc des Français !
Loin des petites histoires politiciennes ou des coups médiatiques du
jour, nous devons ainsi à Debout la République désormais
indépendant :
Demander le respect des engagements,
-
Nous assurer que le gouvernement traite enfin à la racine les
problèmes du pays,
-
Alerter l’opinion quand on raconte des histoires aux Français,
-
Soutenir les ministres qui font preuve de courage,
-
Proposer aussi des réformes car il ne peut y avoir de critiques
constructives sans propositions alternatives.
Pour résumer, faisons vivre notre démocratie, réveillons la car
aujourd’hui elle est comme engourdie, anesthésiée, paralysée. Car
oui, pour moi, comme pour vous, le culte de la personnalité, la
puissance des réseaux, voire l’enchevêtrement des intérêts, ne sont
pas dignes de notre démocratie et ne servent pas la France.
L’enjeu n’est pas anodin, mes amis. A ceux qui sont encore sous
hypnose, répondez tranquillement que votre liberté de parole est la
meilleure garantie de la réussite de ce quinquennat et de la France.
Notre pays justement, comment va-t-il en cette rentrée ? Est-il sur
la bonne voie ? Dans le tourbillon des premiers mois à l’Elysée du
nouveau Président, qu’en est-il exactement ? Le redressement amorcé
est-il réel ou factice ?
Fidèles à la ligne de conduite que je vous ai exposée il y a un
instant, sachons reconnaître les bonnes choses mais osons aussi
tirer le signal d’alarme contre les dérives qui pourraient
compromettre l’œuvre de redressement.
Comme beaucoup de nos compatriotes, nous partageons le diagnostic
posé par l’exécutif sur l’impossibilité pour notre pays de continuer
sur la pente glissante et fatale de l’immobilisme.
Oui dans un monde en plein bouleversement, la France a besoin d’un
nouvel élan, de réformes, d’effort, de courage.
La victoire de Nicolas Sarkozy témoigne de sa lucidité sur les deux
crises françaises que je n’ai cessé d’ailleurs de pointer du doigt
depuis dix ans. Celle tout d’abord de l’identité nationale, celle
ensuite du déclassement économique et social symbolisé par les
délocalisations. Son souhait de voir la « France de retour », sa
capacité à agréger des personnalités nouvelles autour d’une nouvelle
ambition ne peuvent que séduire.
Toute la question est de savoir si les décisions prises servent
cette ambition affichée, s’il y a cohérence entre les discours et
les actes, entre les promesses et les décisions.
En cette rentrée, à cet égard, la situation de la France est plus
paradoxale que jamais.
Sous l’apparence trompeuse du consensus, de magazines people qui
tiennent lieu d’Agora, on perçoit bien les signes d’une grande
fragilité politique, économique et sociale.
D’un côté en effet un nouveau Président, une nouvelle dynamique
gouvernementale qui recueille une large confiance des Français. Mais
de l’autre, un début de mandat marqué par une pratique du pouvoir et
par des décisions qui ne peuvent qu’inquiéter les gaullistes
sincères et réveiller un jour les Français, provoquer même leur
colère.
Au chapitre des bonnes nouvelles, citons la loi sur la récidive
(attendue depuis des années, même si les peines plancher ne sont pas
obligatoires), la loi sur le service minimum, la réduction des
droits de succession, l’incitation à l’accession à la propriété, la
limitation du regroupement familial (qui sera discutée à la
rentrée), le crédit d’impôt recherche. Autant de réformes, je vous
le rappelle, que nous proposions à Debout La République depuis des
années.
Mais comme je l’ai expliqué dans une intervention à l’Assemblée
Nationale avant de m’abstenir sur la déclaration de politique
générale du Premier Ministre, cette action positive du gouvernement
est malheureusement minée par des orientations profondément
contraires aux engagements de campagne.
Le décalage entre les intentions et les orientations s’aggrave même
de jour en jour au risque de s’apparenter, au mieux à un véritable
double langage, au pire à du cynisme à grande échelle.
Ainsi derrière l’agitation show-biz estivale, des choix essentiels
ont été faits sans être d’ailleurs débattus ni même commentés. Outre
que ces orientations ne servent pas l’idée que nous nous faisons de
la France, elles mettent en péril par leur incohérence la stratégie
de sortie de crise affichée par le Président et, par là même, la
réussite de son quinquennat.
C’est donc bien un devoir pour nous à la fois par conviction et par
solidarité d’alerter, d’expliquer, de convaincre et de proposer une
autre politique dans des domaines clés pour l’avenir du pays comme
la politique européenne, la politique étrangère, la politique
économique et la pratique institutionnelle. Permettez-moi de revenir
sur chacune de ces quatre dérives auxquelles il faut d’urgence
mettre un coup d’arrêt.
La première concerne l’Europe
Pendant la campagne Nicolas Sarkozy a repris avec énergie les thèses
que je défends depuis dix ans. A savoir que la réorientation de la
construction européenne est nécessaire au redressement de la France.
Réforme de l’euro, révision de la politique de la concurrence, lutte
contre un libre échange déloyal, ont donc été promis.
De même, le candidat à la présidence s’est engagé à bloquer l’entrée
de la Turquie afin d’éviter la dilution de l’Union. Enfin, lors du
débat face à Ségolène Royal, il a reconnu la mort de la Constitution
européenne.
On pouvait ainsi espérer que le nouveau Président avait compris les
raisons des échecs de ses deux prédécesseurs. La contradiction entre
leur politique intérieure et le carcan européen de l’euro surévalué
et des accords commerciaux déloyaux. Malheureusement, il n’a pas
fallu attendre longtemps pour voir le Président renier ses
engagements.
Le sommet de Bruxelles de juin restera comme l’un des plus beaux
tours de passe-passe politique. Le mini Traité n’a rien d’un traité
simplifié ! Il s’agit seulement de la Constitution européenne
ressuscitée (sans les symboles ni la partie III, déjà inscrite dans
les autres traités).
Cet accord est triplement scélérat.
Scélérat, il l’est tout d’abord sur le fond car il reprend les pires
dispositions de la Constitution, notamment Le passage à la majorité
qualifiée des décisions dans une cinquantaine de secteurs et
procédures de décision. Cela veut dire concrètement que les Français
pourront se voir imposer une législation par une majorité d’Etats.
On bascule dans la supranationalité mettant en péril la démocratie
nationale. A titre d’exemple, les accords à l’OMC, exclusivement
négociés je le rappelle par la Commission de Bruxelles, pourront
être adoptés par une majorité d’Etats contre l’avis de la France. Il
est d’ailleurs stupéfiant de voir le Président de la République
menacer le matin M. Mandelson d’un veto, (Commissaire chargé de
négocier à l’OMC, au nom de l’Union), pour l’après midi apprendre
qu’il a accepté de priver son pays de ce même droit de veto !
Au-delà de la disparition finale du droit de veto, la « Constitution
bis » met fin à l’égalité des droits de vote entre l’Allemagne et la
France, officialise la primauté du droit communautaire - signant
donc la fin du droit national - et menace frontalement l’unité de la
République en reconnaissant par la Charte des droits fondamentaux le
droit des minorités.
Ce traité supranational est totalement contraire aux principes de
l’Europe des Nations chère au Général de Gaulle. Il privera encore
plus la France de toute marge de manœuvre nationale, l’obligeant
pour éviter d’être mise en minorité à détricoter son modèle laïc,
démanteler ses services publics et abaisser ses exigences sociales
et environnementales.
Mais cet accord de Bruxelles est aussi scélérat dans la forme
puisqu’il contourne et trahit même le vote souverain des Français du
29 mai 2005, le Président de la République ayant choisi la procédure
parlementaire de ratification pour se soustraire au référendum. Il
argue du fait qu’il avait prévenu qu’il n’y aurait pas de
référendum. Il oublie de dire que pendant la campagne il évoquait,
pour justifier cette ratification parlementaire, un mini traité très
loin de la Constitution qu’il déclarait morte pour se concilier les
électeurs du non.
Enfin, la démarche est d’autant plus scélérate qu’en échange de
l’acceptation de la « Constitution bis », le Président n’a
absolument rien obtenu de nos partenaires.
La France ayant signé précipitamment l’accord de Bruxelles, ce qui
devait arriver est arrivé. Toutes les demandes françaises ont donc
été rejetées par l’Allemagne. On a ainsi appris au fil de l’été que
le Président s’était fait moucher par les ministres des finances de
l’euro à Luxembourg et qu’il reconnaissait en grande pompe à
Toulouse sous le regard triomphant de Mme Merkel,
l’indépendance de la Banque Centrale européenne. Enfin, le Président
acceptait à la fin de l’été de poursuivre les négociations
d’adhésion de la Turquie.
En juin les journaux titraient « Nicolas Sarkozy a sauvé l’Europe ».
La réalité est tout autre. Il a sauvé la petite bureaucratie de
Messieurs Barroso, Trichet et consorts. Il a offert à l’Allemagne
une position dominante au cœur de l’Union européenne au détriment de
la France. Le Président a surtout raté l’occasion historique qu’il
avait du fait de sa large victoire, suivant le NON massif au
référendum, d’être le levier de la réforme de l’Europe.
En vérité, le Président a préféré obtenir un succès facile au mois
de juin pour briller dans des médias aux ordres plutôt que de se
donner les moyens de réussir à négocier un accord équilibré
permettant la réforme de l’euro et par voie de conséquence le retour
de la croissance indispensable à la réussite du quinquennat.
Car tous les économistes le disent : avec un euro, dont la valeur
est supérieure à 1,30 dollars, qui asphyxie nos entreprises, avec un
libre échange déloyal qui permet à la Chine et à l’Inde d’accroître
toujours plus notre déficit commercial, on ne pourra ni relancer la
machine, ni réussir les réformes audacieuses dont la France a
besoin, ni enfin muscler l’Europe dans la mondialisation.
Rien n’est cependant joué. Nous pouvons encore et nous devons
alerter l’opinion sur la nécessité d’un référendum sur ce nouveau
traité. C’est le sens de la pétition nationale que nous lancerons
prochainement. Alors oui, mes amis, je vais vous demander de
reprendre votre bâton de pèlerin. Nous aurons du travail à l’automne
pour aller à la rencontre des Français et leur expliquer ce qui se
trame avec des conséquences très concrètes sur leur vie quotidienne.
Nous devons aussi rassembler toutes celles et tous ceux qui
s’étaient battus en faveur du NON pour peser dans l’opinion. Je
lance un appel solennel aux gaullistes, souverainistes,
républicains. Je leur demande de cesser leurs chamailleries
dérisoires. Je leur propose de se regrouper dans un grand
rassemblement. Puisque, ouverture oblige, la droite des milieux
d’affaires fraternise avec la gauche caviar, pourquoi la droite
républicaine et sociale aurait-elle des complexes à travailler avec
la gauche patriote ?
Nous devons enfin, avec nos amis européens danois, anglais,
allemands, tchèques, polonais et autres qui aspirent comme nous à
bâtir une autre Europe, expliquer notre projet d’avenir :
-
Renégocier les traités pour respecter la diversité des Nations
et permettre des coopérations à la carte en matière
scientifique, industrielle, universitaire, culturelle,
environnementale,
-
Réformer l’euro, ou en sortir si nos partenaires refusent, pour
relancer la croissance,
-
Conditionner tout accord à l’OMC à la mise en place d’un droit
de douane environnemental et social.
Voilà les enjeux du début du XXIème siècle ! Et n’ayons pas de
complexe car vous le savez, nous avons le soutien du peuple, le
soutien des peuples, sinon pourquoi les dirigeants européens
tremblent-ils à l’idée de consulter les leurs ?
Sachez en tous les cas que je ne renoncerai pas à ce combat car il
en va de la liberté des Français et d’une certaine idée de la
civilisation européenne.
Mais à cette dérive européenne s’ajoute malheureusement une autre
dérive : celle de notre politique étrangère. Cela n’est d’ailleurs
pas étonnant puisque la vision que nous avons de l’Europe est
indissociable de la vision que nous avons du Monde.
Depuis le Général de Gaulle, la politique étrangère de la France
faisait peu débat dans notre pays car chacun de ses successeurs
s’était attaché à conforter l’indépendance, j’allais dire le refus
de l’alignement, de notre pays pour se mettre au service d’un
humanisme universaliste, fidèle à notre tradition des Lumières.
Cette politique étrangère a servi autant notre morale que nos
intérêts. Dans un monde de plus en plus allergique à une
mondialisation inégalitaire et dangereuse pour la survie même de la
planète, la position de la France, même si elle exaspérait certains,
était respectée, estimée, voire admirée.
Le refus de l’intervention américaine en Irak a symbolisé aux yeux
du monde la capacité de notre pays à incarner, à préfigurer un monde
vraiment multipolaire.
Il serait triste et contraire à nos intérêts de laisser dilapider
cette exception française. A cet égard les premières orientations du
nouveau Président ne peuvent qu’inquiéter.
Pourquoi s’acharner à soutenir un Georges Bush qui a menti au peuple
américain et au monde entier ? Dialoguons avec Hilary Clinton ou
d’autres candidats qui reconnaissent que la France avait raison.
Pourquoi engager davantage encore l’armée française en Afghanistan ?
Pourquoi préparer dans la discrétion un retour complet dans l’OTAN
et faire semblant de croire que cela est compatible avec l’émergence
d’une défense européenne ?
Pourquoi ce discours provocateur à Dakar sur la soi-disant
incapacité de l’homme africain à se projeter dans l’avenir au moment
où la Chine et les Etats-Unis tentent de nous remplacer en Afrique ?
Il est légitime de se poser ces questions. Simples inflexions ou
véritable tournant ? L’avenir le dira. A nous d’être vigilants.
A cet égard, dès le 18 septembre, une nouvelle bataille se livrera
au Parlement, celle de la langue française.
Le Président Sarkozy a en effet décidé, à la faveur de la trêve
estivale, de faire ratifier un accord international complètement
insensé qui n’obligera plus à traduire en français les brevets
s’appliquant dans notre pays. L’anglais suffira, à la grande
satisfaction des multinationales françaises et étrangères. C’est une
catastrophe pour notre économie, qui sera obligée, quand elle le
pourra, de concevoir et travailler en anglais pour échapper à la
traque procédurière des grandes entreprises internationales puisque
pour la première fois l’Anglais fera foi devant nos tribunaux. C’est
un très rude coup pour le français et la francophonie, dont
l’exclusivité dans notre pays, instaurée par François Ier
il y a près de 500 ans, sera battue en brèche !
Si la France renonce à être elle-même, comment pourra-t-elle séduire
le monde, lui offrir un visage différent. Je crois sincèrement que
le Président Sarkozy fait fausse route en croyant que la modernité
se calque sur un modèle américain lui-même déjà dépassé.
Conformément à sa tradition, la France ne doit pas rougir de sa
vision du monde, de son humanisme. Le XXIème siècle accouchera dans
des conditions plus ou moins douloureuses d’un monde vraiment
multipolaire. La mission de la France est de participer activement à
sa définition et d’en devenir un acteur de premier plan. Il ne
s’agit pas dans mon esprit de refuser la mondialisation mais de la
réguler et de la maîtriser. Vous le savez, je tiens ce discours
depuis longtemps mais nos adversaires m’ont toujours accusé
d’archaïsme. Qu’aujourd’hui une personnalité consensuelle et
compétente comme Hubert VEDRINE le préconise ouvertement dans son
rapport remis au Chef de l’Etat, démontre que l’on ne doit jamais
avoir peur d’avoir raison trop tôt !
La France doit se battre pour l’émergence de cette nouvelle
régulation. Elle doit incarner ce rejet de la « mondialisation
clochardisation » pour anticiper, pour préparer une mondialisation
humaine.
C’est pourquoi, trois défis majeurs environnementaux, sociaux et
culturels devraient nous mobiliser.
Le défi de la protection de l’environnement tout d’abord qui ne peut
être relevé qu’au niveau mondial. Les négociations à l’OMC
constituent le levier essentiel. Nous devons bloquer par le veto
tout accord qui n’inclurait pas le principe d’une norme
environnementale mondiale. Les produits qui ne respecteraient pas un
mode de fabrication propre se verraient imposer des droits de douane
progressifs. On forcerait ainsi les producteurs qui délocalisent
pour polluer à l’abri des regards à revoir leur stratégie et à
respecter davantage l’environnement. Car ne vous y trompez pas,
fermer le robinet pendant que vous vous brossez les dents ne sert à
rien si au même moment la Chine s’apprête à polluer par habitant
autant que les Etats-Unis.
Le second défi majeur est celui de la pauvreté et des inégalités. Là
aussi il faut pouvoir réguler le libre échange déloyal qui conduit
aux pires injustices sociales. Un développement par grandes zones
régionales de libre échange est la seule solution. A cet égard la
France doit reprendre une vraie politique africaine et comme l’a
d’ailleurs suggéré à raison le Président de la République sans
vraiment en définir le contenu, mettre en œuvre une communauté
méditerranéenne.
Enfin, il n’y a pas de politique étrangère forte sans une influence
culturelle. La question de la langue française est cruciale.
Augmenter les moyens de diffusion de nos médias, réorganiser
l’audiovisuel extérieur, développer la francophonie constituent des
priorités pour garantir la place de notre pays dans le monde.
Aux grincheux de tout poil qui me regarderont, goguenards, me
prenant pour un rêveur, je voudrais rappeler deux exemples, (l’un
récent, l’autre très ancien).
Au temps de l’esclavage, ceux qui bataillaient contre cette
mondialisation sordide de la traite négrière étaient caricaturés
comme des idéalistes. Ils ont pourtant gagné ! Il n’y a pas si
longtemps, quand la France a proposé la charte de l’exception
culturelle à l’UNESCO, beaucoup ricanaient sous cape. Aujourd’hui,
une majorité de pays l’a adopté.
Quand une idée est juste même si ses premiers soutiens paraissent
faibles, sa force est en réalité immense.
Alors oui, je persiste et signe, les Français ont besoin de la
grandeur morale de la France pour être reconnus dans le monde. Le
monde a besoin de l’indépendance d’esprit de la France pour imaginer
un autre futur.
Mais pour être debout, vous le savez bien, il faut en avoir la
force. Et c’est bien là d’ailleurs que résidait la faiblesse des
deux Présidences précédentes. On ne peut donner des leçons au monde
avec une dette qui explose et des émeutes dans nos banlieues. La
politique économique de notre pays est donc décisive pour réussir le
redressement de la France. Or, là aussi, malgré les bonnes
intentions de départ, des incohérences peuvent mettre en péril le
redressement souhaité.
Bien sûr, le nouveau Président a raison de vouloir sortir par le
haut de la crise de notre économie, de refuser une déflation qui ne
dit pas son nom. Comment ne pas approuver son discours sur le
travail, sur l’effort, sur la compétitivité. Malheureusement là
aussi les premières décisions ne peuvent qu’inquiéter ceux qui
espéraient enfin un vrai changement.
Je ne reviendrai pas sur l’incohérence de départ qui consiste à
vouloir une relance de l’activité avec un euro surévalué. Comment,
en voiture, accélérer avec le frein à main bloqué ? Déficit
commercial, atonie industrielle, délocalisation des investissements
hors zone euro, la croissance française ne décolle pas… elle plonge
même tout simplement car l’euro asphyxie nos entreprises et dope les
importations.
Mais l’euro n’est pas seul responsable : la lourdeur des charges
sociales, la fuite des capitaux, le dumping social et
environnemental de certains pays aggravent la situation.
Le Président de la République n’a cessé à juste titre pendant sa
campagne de dénoncer ces freins.
Pourquoi alors le paquet fiscal dont certaines mesures étaient
nécessaires, comme la baisse des droits de succession, a-t-il été
aussi excessif et déséquilibré privant ainsi le budget de 13
milliards de recettes ?
Le résultat est là. Les Français ont le sentiment qu’on ne favorise
qu’une catégorie d’entre eux et la TVA sociale, mesure absolument
indispensable, qui a fait ses preuves au Danemark et en Allemagne
est en train de passer à la trappe car elle devient dans l’esprit de
nos concitoyens la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
De même, j’ai toujours craint que l’allègement des charges sur les
heures supplémentaires n’incite les entreprises, en cas de commandes
supplémentaires, à faire travailler davantage ceux qui ont déjà un
emploi plutôt qu’à recruter ! Je regrette que l’on n’ait pas retenu
ma proposition d’exonérer de charges pendant cinq ans tout nouvel
emploi créé par des entreprises de moins de dix salariés.
Enfin il est choquant de constater que sur les 13 milliards de perte
de recettes pour l’Etat, on n’ait pas gardé le moindre financement
pour renforcer la participation des salariés dans les entreprises,
seul moyen là aussi de conforter nos entreprises victimes des OPA et
de partager les profits pour accroître le pouvoir d’achat.
Une politique économique, pour réussir, doit être globale, cohérente
et juste. Il est dangereux de démarrer par des cadeaux clientélistes
pour imposer en fin de compte la rigueur. François Mitterrand avec
la gauche en 1981 en avait fait l’amère expérience.
Ce ne sont pas l’ouverture des magasins le dimanche et la
scandaleuse proposition de dépénalisation des délits des chefs
d’entreprises qui seront de nature à redonner confiance dans la
libre entreprise et à restaurer la cohésion sociale sans laquelle il
n’y a pas de développement durable.
Pour notre part nous devons là aussi prôner ce que j’appelais
pendant la campagne « l’effort de tous au profit de tous ».
L’effort car ce serait mentir aux Français de dire que l’on s’en
sortira sans efforts mais au profit de tous car je doute que notre
pays puisse longtemps rester calme en ce temps où l’argent s’étale
sans pudeur et où l’on demande toujours plus au plus modestes et
toujours moins au plus favorisés.
Alors oui, mes amis, expliquons l’intérêt de notre « TVA emploi »
pour éviter les délocalisations, de la participation pour partager
les profits, de la sécurité sociale professionnelle pour garantir la
formation à tout âge.
Veillons aussi à défendre nos services publics tout en les
réformant. Réformer l’Etat certes, mais sans démagogie contre les
fonctionnaires dont nous avons besoin. Enfin veillons par-dessus
tout à préserver l’idéal républicain qui est la clé de voûte de
notre société.
Comment ainsi ne pas s’étonner de voir notre Président de la
République, qui a réclamé pendant la campagne électorale le retour à
l’esprit de l’école de Jules Ferry, tout à coup changer complètement
son fusil d’épaule en proposant de réduire les horaires…
Or, vous le savez tous, c’est par le renforcement de l’école
publique que l’on redonnera une colonne vertébrale à notre société.
Nous en avons déjà abondamment parlé.
Toutes ces observations, je le reconnais souvent critiques, sur ces
premiers mois renvoient à une interrogation plus large sur la
pratique du pouvoir, sur l’avenir institutionnel de la France.
Allons-nous vivre 5 ans dans cette sorte d’agitation permanente
saturant l’espace public pour éviter tout débat ?
Le Président sait tout, voit tout, fait tout. Il n’y a plus
d’opposition, il n’y a plus de majorité. Il n’y a plus de Ministre,
il n’y a plus de Premier Ministre.
Il faut bien qu’une voix libre ose dire à Nicolas Sarkozy :
« Monsieur le Président, le pays avait besoin d’un nouveau souffle
mais cette fois vous allez trop loin ! Ce n’est ni votre intérêt, ni
celui de la France ».
-
la première raison c’est qu’en étant en première ligne sur tout,
il ne peut y avoir de fusible. En prenant la place de ses
propres ministres, de son Premier Ministre même, il les
décrédibilise. En cas de difficulté, la présidence de la
République, clé de voûte de nos institutions, sera affaiblie et
perdra sa capacité de rebond.
-
la seconde raison c’est que le plus grand homme qui soit ne peut
pas tout faire. Comment incarner la France, définir les grandes
orientations stratégiques, mener la politique étrangère,
co-piloter l’Union européenne, en un mot bien présider quand
l’on prétend tout arbitrer, tout surveiller sans compter le
suivi des faits divers.
-
Enfin, la troisième raison est qu’on a besoin d’une vraie
démocratie avec ses débats et ses contrepouvoirs pour éviter les
erreurs, enrichir les projets.
En voulant museler son opposition, en rachetant par appartement ses
leaders les plus faibles, le Président se rend-il compte qu’il
affaiblit aussi sa majorité ?
L’UMP semble tétanisée, évaporée au point de supprimer ce qui
faisait sa fierté, l’élection de son Président par ses militants.
J’appelle solennellement tous les gaullistes, tous les républicains
à nous rejoindre car Debout la République va s’affirmer
naturellement comme un espace de liberté de la vie politique
française.
Alors oui ce combat pour la liberté d’opinion, le débat d’idées, un
système médiatique ouvert, transparent, je veux le mener avec vous.
Agissons tout d’abord pour éviter que cette mauvaise pratique
n’inspire la réforme institutionnelle en préparation.
Une Commission de la réforme de la Vème République présidée par
Edouard Balladur est en place.
Il est question de la présidentialisation du régime. Mais de quoi
parle-t-on réellement ? Un régime présidentiel démocratique est un
régime où il y a des contrepoids. Le Président américain ne peut
dissoudre puisque son gouvernement ne peut être censuré. Mais
surtout le Congrès est doté d’importants pouvoirs. Si on va vers la
présidentialisation, il faudrait alors renforcer les pouvoirs du
Parlement, supprimer la dissolution, transférer certaines
nominations dans les mains de l’Assemblée Nationale, supprimer les
articles 16 et 49 de la Constitution. En allant vers la
présidentialisation tout en gardant les pouvoirs considérables de
l’exécutif français (gouvernement compris) vis-à-vis du Parlement,
on accoucherait à l’inverse d’un monstre constitutionnel.
Ma préférence irait plutôt au maintien de la Vème République avec un
rééquilibrage en douceur en faveur du Parlement (partage de l’ordre
du jour, contrôle des affaires européennes), à la mise en œuvre du
référendum d’initiative populaire et enfin à l’instillation d’une
dose de proportionnelle pour éviter le bipartisme que l’on veut nous
imposer.
Vous le comprenez donc mes amis, mes compagnons, notre tâche est
lourde. Au moment où les Français croyaient en avoir enfin fini avec
cette pensée unique malfaisante, celui en qui ils ont donné leur
confiance ne semble plus avoir ni la volonté ni le courage de
vraiment la combattre.
Docilité à l’égard de Bruxelles et de Washington, politique
économique de classe, pratique solitaire du pouvoir, si ces dérives
devaient vraiment se poursuivre, la réaction des Français serait
aussi terrible que leur déception.
Mais heureusement rien n’est joué. A nous de tout faire pour éviter
ce scenario. Rappelons au Président ses engagements, rééquilibrons
nos institutions, insistons sur la nécessité de maintenir
l’indépendance du pays.
Raison de plus pour mieux nous organiser dès maintenant en nous
appuyant sur un parti solide, cohérent et constructif, présent dans
tous les départements.
Car je crois, oui, qu’il est de notre devoir de bâtir une Europe
respectueuse et forte de la personnalité des Nations qui la
composent ;
Car je crois, oui, qu’il est de notre devoir d’affirmer une
politique étrangère indépendante au service de la liberté et de la
prospérité des peuples de la terre ;
Car je crois qu’il est de notre devoir de rappeler que le
développement économique durable ne se bâtit pas sur les décombres
de l’Etat ni sans un vrai partage social ;
Car enfin, oui, je crois que notre démocratie mérite que chacun, à
la bonne place, joue pleinement son rôle. L’autorité du Président
doit se hisser à la bonne hauteur, le Parlement doit débattre en
profondeur, les partis politiques doivent vivre et convaincre, les
médias doivent être pluralistes et indépendants.
A ceux enfin qui nous accuserons de jouer les Cassandre, répondez
que les Français sont suffisamment lucides pour penser par
eux-mêmes. Répondez aussi qu’il faut mieux prévenir que guérir et
que de deux choses l’une : soit le Président corrige le tir, tire
les leçons de ses dérives des premiers mois et nous aurons le plus
grand bonheur d’avoir été utiles, soit il reste sourd et il nous
faudra alors préparer l’avenir.
Dans tous les cas en démocratie, chacun doit pouvoir jouer son rôle.
Alors, dans vos régions respectives, jouez le vôtre. Structurez vos
fédérations, gagnez des adhésions, préparez les élections,
rassemblez les gaullistes, les républicains, les souverainistes,
expliquez votre position à la presse, diffusez vos messages,
réveillez vos concitoyens.
Enfin et surtout, à ceux qui ont peur de la solitude politique, je
veux dire très clairement que l’on n’est jamais seul quand on défend
des causes justes et notamment une « certaine idée de la France ».
Vous vous croyez seuls mais vous êtes des millions.
Oui, mes amis, à vous d’aller parcourir nos départements et dire à
ceux que vous rencontrez : « Ecoutez dans ce tohu-bohu, il y a une
petite voix différente qui essaye de se faire entendre » « Prêtez
l’oreille, elle est porteuse du vrai changement. Elle veut aider à
corriger le présent. Elle prépare l’avenir ».
C’est la voix de la France libre qui ne s’éteindra jamais et qui a
besoin de vous.