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Extrait du
"Fil de l'épée"
publié en 1932
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 Du Caractère

"Face à l'événement, c'est à soi-même que recourt l'homme de caractère. Son mouvement est d'imposer à l'action sa marque, de la prendre à son compte, d'en faire son affaire. Et loin de s'abriter sous la hiérarchie, de se cacher dans les textes, de se couvrir des comptes rendus, le voilà qui se dresse, se campe et fait front. Non qu'il veuille ignorer les ordres ou négliger les conseils, mais il a la passion de vouloir, la jalousie de décider…

 

…De même que le talent marque l'œuvre d'art d'un cachet particulier de compréhension et d'expression, ainsi le Caractère imprime son dynamisme propre aux éléments de l'action.

 

… Que les évènements deviennent graves, le péril pressant, que le salut commun exige tout à coup l'initiative, le goût du risque, la solidité, aussitôt change la perspective et la justice se fait jour. Une sorte de lame de fond pousse au premier plan l'homme de caractère.

 

Ce recours unanime au Caractère, quand l'événement l'impose, manifeste l'instinct des hommes. Tous éprouvent, au fond, la valeur suprême d'une pareille puissance. Tous ont le sentiment qu'elle constitue l'élément capital de l'action… où voit-on qu'une grande œuvre humaine ait été jamais réalisée sans que se soit fait jour la passion d'agir par soi-même d'un homme de caractère ?

 

Alexandre n'eut point conquis l'Asie, ni Galilée démontré le mouvement de la terre, ni Colomb découvert l'Amérique, ni Richelieu restauré l'autorité royale … ni Clemenceau sauvé la patrie, s'ils avaient cédé aux conseils d'une basse prudence ou aux suggestions d'une lâche modestie.

 

Bien plus, ceux qui accomplirent quelque chose de grand durent souvent passer outre aux apparences d'une fausse discipline."