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Du Caractère
"Face à l'événement, c'est à soi-même
que recourt l'homme de caractère. Son mouvement est d'imposer à
l'action sa marque, de la prendre à son compte, d'en faire son
affaire. Et loin de s'abriter sous la hiérarchie, de se cacher dans
les textes, de se couvrir des comptes rendus, le voilà qui se dresse,
se campe et fait front. Non qu'il veuille ignorer les ordres ou négliger
les conseils, mais il a la passion de vouloir, la jalousie de décider…
…De
même que le talent marque l'œuvre d'art d'un cachet particulier de
compréhension et d'expression, ainsi le Caractère imprime son
dynamisme propre aux éléments de l'action.
…
Que les évènements deviennent graves, le péril pressant, que le
salut commun exige tout à coup l'initiative, le goût du risque, la
solidité, aussitôt change la perspective et la justice se fait jour.
Une sorte de lame de fond pousse au premier plan l'homme de caractère.
Ce
recours unanime au Caractère, quand l'événement l'impose, manifeste
l'instinct des hommes. Tous éprouvent, au fond, la valeur suprême
d'une pareille puissance. Tous ont le sentiment qu'elle constitue l'élément
capital de l'action… où voit-on qu'une grande œuvre humaine ait été
jamais réalisée sans que se soit fait jour la passion d'agir par
soi-même d'un homme de caractère ?
Alexandre
n'eut point conquis l'Asie, ni Galilée démontré le mouvement de la
terre, ni Colomb découvert l'Amérique, ni Richelieu restauré
l'autorité royale … ni Clemenceau sauvé la patrie, s'ils avaient cédé
aux conseils d'une basse prudence ou aux suggestions d'une lâche
modestie.
Bien
plus, ceux qui accomplirent quelque chose de grand durent souvent
passer outre aux apparences d'une fausse discipline." |