O.
F.M. vous communique l'intégralité de la déclaration du premier Ministre. C'est un texte de référence qu'il faut conserver afin de le consulter si besoin.

DISCOURS DE POLITIQUE GÉNÉRALE
de
Monsieur Jean
Pierre RAFFARIN

Premier Ministre

 ASSEMBLÉE NATIONALE, 3 JUILLET 2002

Monsieur le président,

cher Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs les députés,

chers Mesdames et Messieurs les députés,

 

A chacune et chacun d’entre vous, personnellement, j’adresse mes sincères félicitations pour la mission d’honneur et de service qui vous a été confiée par les Françaises et les Français, lors des toutes récentes élections législatives.

Les conditions sont maintenant réunies pour que le temps de l’action relaie le temps des élections. Cette action doit être caractérisée par la lucidité, le courage et l’espoir.

La France est forte, forte de ses projets mais la France est fragile, fragile dans son organisation, confiante dans son avenir, méfiante quant à la politique.

 

L’élection présidentielle a été un rendez‑vous de vérité.

 

Le 21 avril, les Françaises et les Français ont dit leur mécontentement. L’impuissance politique a généré l’exaspération populaire. L’abstention à ce niveau n’est plus de l’indifférence mais de la défiance. Un grand nombre de Français ont reproché à la République de ne plus tenir ses promesses de liberté, d’égalité, et de fraternité. 

Le 5 mai a exprimé lui aussi sa vérité : la colère portait davantage sur le fonctionnement de la République que contre ses valeurs.

Et le projet de Jacques CHIRAC a été le rempart contre l’extrémisme et le centre de gravité du rassemblement de tous les républicains.

Le gouvernement que j’ai l’honneur de diriger, nommé par le président de la République, est originellement marqué par les deux grands messages de l’élection présidentielle : l’urgence d’une réponse aux attentes des citoyens et l’exigence du partage des valeurs républicaines.

Dans cette situation, notre route est droite mais la pente est forte. Une phrase du rapport de l’audit de la situation des finances publiques que m’ont remis Messieurs Bonnet et Nasse, trace la ligne du courage : “ des réformes de fond sont nécessaires, la simple recherche d’économies sans modifications de l’organisation et des structures n’est plus à la dimension du problème ”.

Pour la France du XXIème siècle, l’audace réformatrice est une question de destinée. Bien que la demande de la France soit forte partout dans le monde, le monde ne nous attendra pas.

 Notre action a l’ambition de redonner l’espoir aux Françaises et aux Français. La source de cet espoir, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, elle est dans l’unité nationale. Je ne souhaite pas faire de la division un principe gouvernemental ; je ne souhaite pas opposer les Français les uns aux autres. On ne gouverne pas pour les villes contre les villages, pour les consommateurs contre les éleveurs, pour les salariés contre les entreprises, pour les intérêts des uns contre les intérêts des autres … Nous voulons gouverner pour tous !

Seuls l’unité nationale et le véritable partage de la République nous permettront de surmonter individualisme et communautarisme, égoïsmes et féodalités. 

La France a besoin aujourd’hui que chacun lui donne un peu de lui-même. 

Cet appel à la cohésion nationale ne nie pas l’exigence du débat. Au contraire, j’y attache une grande importance. Et, si je me réjouis de la qualité et de l’ampleur de la représentation de la majorité présidentielle, je souhaite aussi que nous progressions dans la pratique des relations républicaines avec l’opposition. La politique est une affaire de vérité, mais celle-ci n’est pas à sens unique. Il n’y a pas un camp qui a toujours raison et un camp toujours tort. Nous avons chacun à défendre notre conception de l’intérêt général.

“ Le principe d’humanité ” qui m’anime laisse toujours une place à l’autre, à l’avis contraire. Cette démarche s’oppose à celle des certitudes faciles qui conduisent à des décisions fragiles. Notre pays attend des décisions éclairées mais des décisions fermes. C’est ensemble que nous construirons ces décisions. Le Parlement est en effet le cœur de notre démocratie, le lieu où tous les Français se sentent représentés, le lieu où est pensé et défendu l’intérêt général.

Avec cette conviction, mon gouvernement rendra compte de son action au Parlement, proposera les initiatives nécessaires pour que les objectifs soient tenus et s’engagera chaque année sur la réalisation de ses objectifs.

Je sais aussi que le Parlement aspire à se moderniser pour tenir plus efficacement son rôle et que les présidents des deux assemblées ont des idées précises et innovantes sur le sujet. Je suis disponible pour discuter d’une telle réforme.

C’est donc avec vous que nous conduirons la France dans la direction tracée par le chef de l’Etat.

Mon gouvernement s’est mis au travail sans attendre. Je souhaite qu’ensemble nous puissions dès aujourd’hui, avec le début de cette session extraordinaire, commencer à répondre aux attentes les plus pressantes des Français.

Ces attentes sont légitimes, ces attentes sont importantes, car la vie des Français a profondément changé. 

Nos concitoyens assistent et participent à la mondialisation de l’économie. Ils y regardent avec inquiétude leur avenir. Ils sont inquiets du terrorisme. Ce terrorisme qui a frappé les Etats Unis le 11 septembre et plus récemment la France, à Karachi. Cette évolution du monde nous préoccupe et nous concerne. Les problèmes aujourd'hui se pensent à l'échelle mondiale. Ces changements se sont accompagnés de la multiplication des insécurités.

Insécurité physique d’abord. La violence est de plus en plus présente dans notre société. Mais l’insécurité est aussi sociale : nombre de nos concitoyens étant confrontés au chômage et à la précarité. Elle est encore économique : l’ancrage de notre pays dans la prospérité et la croissance demande une vigilance constante.

Au‑delà des difficultés de tous les jours, c’est aussi de leur identité que les Français ne sont plus sûrs : où va la France aujourd'hui ? Quelle place auront les valeurs fondamentales de la République dans la France de demain ?

La vie des Français est devenue bien compliquée. Et l’Etat n’a pas contribué à la simplifier : avec des lois trop nombreuses, une intervention trop fréquente, des procédures trop complexes qui nuisent aux énergies individuelles et collectives.

 

La première mission de mon gouvernement sera donc de simplifier la vie des Français.

 

Notre projet est celui d’une France porteuse d’un nouvel humanisme

 

Quand la France doute de sa place dans le monde, elle doit revenir à sa source d’excellence : la pensée. Le poids de la France sur le monde a toujours été lié à la force de ses idées. A l'époque de "la grande déclaration", la France a proposé au monde une certaine idée de l'humanisme. Aujourd'hui, dans le contexte inédit de la mondialisation, nous ne sommes pas condamnés ni au silence, ni à l'impuissance. La France a le devoir de dire son espérance. Celle d'un monde qui sait associer le respect de la diversité et des cultures. Et néanmoins, le souci de l'universel. Le culte de l'intelligence, de l'excellence et de la performance. Mais aussi le respect des traditions et le respect des plus faibles, ceux que la société a blessé. C'est ça le projet de la France, c'est ça le projet d'un nouvel humanisme.

La politique a trop dérivé, dérivé vers son aval, la technique, en mésestimant son amont, la pensée, pour rassurer les citoyens exposés aux angoisses de l’avenir. Dans la mondialisation que nous vivons, les réponses de la France ne sont pas celles du gigantisme ou de la concentration, ce ne sont celles de la standardisation ou de la banalisation. Notre réponse, celle de la France, est celle de la création, celle de l’intelligence et du talent, celle de la solidarité, de la générosité, de l’innovation et de la qualité. Le label pour l’agriculteur, la qualité pour l’artisan, le brevet pour l’industriel, l’émotion pour l’association, la solidarité pour le militant, la singularité pour l’artiste… voilà les signes de notre avenir.

En fait, il s’agit de placer l’homme au centre de notre projet. L'homme doit rester l’origine de notre pensée et non pas l’objet de la société. 

Ce nouvel humanisme peut être une maison aux 4 colonnes, un projet à 4 piliers :

 

D'abord, l’État : un État attentif, un État qui n'est pas trop dispersé. Un État qui veut se recentrer sur ses missions régaliennes et réaffirmer ce qu'on attend de lui, c'est-à-dire l’autorité républicaine. 

 

Le second pilier, c'est cette République en partage, cette République qui n’a pas su partager ses responsabilités. Le renouveau de la démocratie sociale et la relance de la démocratie locale nous permettront de donner plus de vie à nos valeurs républicaines. Il faut oxygéner, partager La République pour que chacun y trouve sa place. La République des proximités rapprochera les Français des décisions qui les concernent.

 

L'État attentif, la République en partage, la France créative. La valeur de création dont nous voulons promouvoir notre pays, est tout autant économique, que sociale, que culturelle. Il s’agit de libérer toutes les forces vives de notre pays et de privilégier toutes les valeurs ajoutées. 

 

La mondialisation humanisée ‑ le quatrième pilier. L’insécurité du monde est évidemment liée à la question du développement. L’aide au développement mais aussi l’exigence de la protection de la planète sont des messages que porte avec force, notre Président. La construction européenne nous aidera, tel un multiplicateur d’influence, à humaniser la mondialisation. Pour cela, la France doit porter un message fort et clair en Europe.

C’est dans cette perspective d’un nouvel humanisme français que nous tiendrons les engagements pris devant le peuple par Monsieur le président de la République. C’est le contrat qui nous lie.

En cinq ans, nous pouvons rendre la France plus humaine. Je compte sur votre soutien comme vous pouvez compter sur mon engagement.

Le premier pilier sur lequel notre politique doit reposer : c’est donc un État qui veut restaurer l’autorité pour construire une France sûre, une France sûre d’elle-même.

Je suis résolu à donner à l'État les moyens pour assurer avec efficacité la sécurité, la justice et la défense qu'attendent nos concitoyens.

 

 

La première liberté, c’est la sécurité

 

L’insécurité mine le moral de nos concitoyens, elle obère leur confiance dans les institutions de la République, elle affaiblit notre pacte républicain et elle va même dans certains lieux de la République jusqu'à menacer la cohésion de la Nation.

L’insécurité c’est la première des inégalités. C'est toujours les plus faibles qui sont les premiers atteints. 

 

Nous avons entendu l’appel des Français.

 

Avec le ministre de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales ‑ que vous voudrez bien excuser puisqu'il lit actuellement le discours au Sénat. Avec lui, nous voulons faire reculer l’insécurité en mobilisant tous les moyens de l’Etat. 

Nous vous proposerons un effort sans précédent pour organiser la synergie des moyens de l’Etat. Le Conseil de Sécurité intérieure, le rapprochement sous une autorité fonctionnelle unique des policiers et des gendarmes, les regroupements d’intervention régionaux procèdent de cette logique. Ils ont été nos premières initiatives. 

Dans le prolongement des mesures déjà prises, vous serez saisis dans les tous prochains jours d’un projet de loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Elle donnera à nos forces de sécurité, auxquelles je tiens à rendre hommage, les moyens d’assumer pleinement leurs missions et notamment 13 500 nouveaux emplois sur 5 ans pour la police et la gendarmerie, pour mettre les moyens au service de notre objectif.

Elle s’accompagnera d’une volonté affirmée de faciliter le travail des policiers et des gendarmes, sans porter atteinte aux droits de la défense, ni au principe de la présomption d’innocence. Elle organisera une déconcentration réelle des responsabilités, accompagnée de la fixation d’objectifs et de procédures d’évaluation précises. Les progrès viendront de l'évaluation

Elle reposera sur un effort budgétaire de grande ampleur.

Cette autorité de l’Etat sera aussi renforcée par une justice plus sereine, plus efficace, plus simple et plus rapide.

Notre système judiciaire ne répond pas suffisamment à la demande de droit. Sa lenteur irrite nos concitoyens. Sa complexité les décourage.

La justice doit être à la fois plus effective et plus proche du citoyen.

Tel est l’objet du projet de loi d’orientation et de programmation que j’ai demandé au Garde des Sceaux, Ministre de la justice, de vous présenter sans attendre.

Il se traduira par un renforcement très significatif des moyens des juridictions en crédits, en équipements et en emplois ‑ plus de 10 000 emplois en 5 ans.

Les juridictions judiciaires et administratives bénéficieront de moyens sans précédent afin que les délais de traitement des dossiers soient fortement réduits.

La création de centres éducatifs fermés donnera davantage d’efficacité à la lutte contre la délinquance des mineurs.

Je souhaite que la réponse apportée à cette délinquance soit ferme mais humaine. Je suis attaché à ce que le gouvernement traite les problèmes avec le souci de s’en tenir à une approche respectueuse de la personne. Il ne s’agit pas de rentrer dans une logique du “tout répressif ” puisque ce sera proposer aux jeunes une réponse éducative spécifique. Si nous disons non pour l’impunité, nous voulons un système qui donne aux jeunes ayant perdu tous leurs repères, une chance de se réconcilier avec la société. Nous voulons leur offrir une capacité de réponse éducative spécifique à leur situation.

Pour mettre les jeunes délinquants en face de leurs responsabilités, l’ordonnance de 1945 sera adaptée à cette fin, tel que nous nous y sommes engagés.

Je vous proposerai également d’améliorer et de simplifier la procédure pénale.

Une véritable justice de proximité sera mise en place à cette occasion et le garde des Sceaux est particulièrement attentif à ce que l'on puisse affirmer les droits de la victime. Le projet de loi de programmation comprendra des dispositions en ce sens.

Pour reconstruire une France sûre, une France aussi dans un monde menacé, la défense de ses citoyens et de ses intérêts, partout dans le monde, doit être assurée.

Avec la professionnalisation de nos armées, le président de la République a décidé une réforme essentielle de notre défense. 

Il faut lui donner les moyens car la France a le devoir d’adapter sa défense à un monde qui change. 

Elle ne peut plus se concevoir en référence à un monde figé. Elle doit se déployer vers un monde multipolaire, mouvant et instable. Un monde où le terrorisme, dans ses nouvelles dimensions, s’ajoute aux facteurs de risques déjà connus, tels que la prolifération d’armes de destruction massive ou les tensions régionales. Il nous faut dessiner un paysage stratégique dans un monde incertain.

Comme le veut le Chef de l’État, notre défense doit être une défense autonome et non pas une défense solitaire. La référence de nos choix militaires comme politiques est l’Europe. Ils seront cohérents avec la défense européenne qui se construit. Mais la France tient à conserver la capacité d’agir seule si ses intérêts propres et ses engagements bilatéraux l’exigent.

Consciente de cet impératif, la ministre de la Défense vous proposera une nouvelle loi de programmation militaire avant la fin de l’année. Son objectif sera de restaurer la disponibilité de nos matériels ‑ restaurer la disponibilité de nos matériels, cela veut dire avoir des pièces de rechange pour nos avions et nos chars pour qu'ils puissent servir ‑, moderniser les équipements tout en consolidant la professionnalisation de nos armées, notamment par l’amélioration de la condition militaire.

Cet objectif suppose enfin le maintien des capacités industrielles clés pour la défense, de développer avec ambition les coopérations européennes et de poursuivre activement les restructurations nécessaires, notamment dans les domaines des constructions navales et des armements terrestres.

Il suppose enfin que l’engagement des hommes et des femmes de notre défense, comme celui du monde combattant, soit respecté par la nation.

Deuxième pilier de la République en partage, c'est tout ce qui concerne la démocratie sociale et la démocratie locale qui peuvent donner un nouveau souffle à la République.

L’autorité de l’État restaurée, la République doit s’ouvrir à la démocratie sociale..

S’ouvrir à la démocratie sociale, c’est mettre fin à un système qui met trop souvent l’Etat et le citoyen directement face à face. 

Le dialogue social sera au cœur de l’action du gouvernement et les partenaires sociaux seront consultés avant toute initiative majeure de l’Etat. Ils se verront reconnaître une autonomie pour définir par voie d’accord, et dans le respect des principes fondamentaux de notre droit, les règles qui déterminent les relations du travail.

Le gouvernement souhaite conforter la légitimité des partenaires sociaux à agir. C’est pourquoi je regarde avec beaucoup d’intérêt les initiatives prises par ces derniers pour vivifier et améliorer la démocratie sociale.

Des partenaires sociaux forts et engagés sont en effet indispensables pour que puisse se développer dans de bonnes conditions un dialogue social qui est, à mon sens, le préalable nécessaire au règlement de nos dossiers majeurs.

Je serai amené à revenir sur l’importance du dialogue social, mais je souhaite vous parler en priorité de la formation professionnelle parce qu’elle détermine largement l’emploi de demain et que nous ne pouvons être satisfaits de la manière dont les choses fonctionnent aujourd'hui .

La formation professionnelle est la condition indispensable à l’accès d’un grand nombre de jeunes à la vie active. Elle est aussi la seconde chance donnée à ceux qui veulent compléter leur formation initiale. Elle est enfin nécessaire à chacun pour s’adapter tout au long de la vie aux transformations des métiers, dont l'évidence apparaît à tous.

Les conditions de l’activité changent. Si nous voulons travailler plus longtemps, nous devrons nous former plus souvent. Les partenaires sociaux ont déjà pris conscience de cette exigence, en s’engageant dans une vaste négociation sur ce sujet. La réforme de notre système de formation est nécessaire pour une meilleure efficacité et plus de simplicité. Les régions en seront le pivot.

Notre ambition est de créer une véritable “ assurance-emploi ”, fondée sur un compte personnel de formation et une validation des acquis professionnels. Il s’agira de donner à tous les salariés ‑ il y a encore beaucoup à faire : je ne fais pas partie du parti des satisfaits, il y a de bonnes choses de faites, il y a encore beaucoup à faire et notamment pour donner à tous les salariés, y compris ceux des toutes petites entreprises dont notre tissu économique a tellement besoin, la même garantie face à l’emploi en matière de formation, de reconversion et de reclassement. Ce chantier sera ouvert par le ministre des Affaires sociales dès cet été, en visant un aboutissement rapide.

 

Venons en maintenant aux retraites.

La sauvegarde des retraites a été trop longtemps repoussée. Le système actuel est menacé par le vieillissement de notre population. Le principe de solidarité entre les générations exige la sauvegarde du régime par répartition pour assurer un bon revenu à tous les retraités.

Le temps n’est plus à la création de nouvelles commissions, la rédaction de nouveaux rapports. Le temps est aujourd’hui à la prise de décisions, après concertation.

Cette réforme, qui ne concernera pas les Français actuellement à la retraite, reposera sur les principes suivants :

1- elle doit aboutir à une plus grande équité entre les Français, tout en tenant compte des spécificités et des différents statuts et évidemment de la diversité des situations, notamment démographiques ;

2- la liberté de choix sera assurée : la retraite à 60 ans, qui est un acquis social, ne sera pas remise en cause, mais ceux qui souhaitent prolonger leur activité au-delà doivent pouvoir le faire et ainsi augmenter leurs droits .

Chacun doit avoir la possibilité de compléter sa pension, grâce à une incitation fiscale, par un revenu d’épargne. Les efforts nécessaires, car il y en aura, seront équitablement répartis et l’État  y prendra sa part.

Le ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité ouvrira ce chantier dès l’automne. Chaque régime, privé ou public, fera l’objet d’un traitement spécifique, selon un calendrier approprié et des modalités à négocier au cas par cas.

 

Notre système de retraite est notre bien commun. Nous devons nous organiser pour que les conditions de sa préservation soient réunies avant la fin du premier semestre 2003.

Notre système de santé fait notre fierté mais il est aujourd’hui dans une situation très difficile. Notre population demande de plus en plus de soins. Les progrès de la science et de la médecine ne font que s’accélérer et, de ce côté, on voit bien que les espoirs sont grands, heureusement ! Mais l’augmentation trop rapide des dépenses de santé fait planer une sourde inquiétude sur l’avenir du système : les professionnels de santé nous disent fortement qu’ils traversent une grave crise de confiance.

C’est un grand défi collectif qui nous est lancé. Je vous propose de travailler ensemble à le relever : professionnels, gestionnaires et patients.

Fixer les priorités de notre action de santé publique est notre premier objectif. Un cadre plus clair est nécessaire. Il doit viser à rééquilibrer les soins, la prévention et l’éducation à la santé. Il doit être publiquement débattu et je souhaite solliciter le Parlement pour qu’un débat approfondi oriente l’action publique en matière de santé.

Sans attendre, avec les professionnels, nous nous sommes attachés à renouer les fils d’un dialogue distendu. C’est avec eux que nous voulons rechercher des comportements responsables et que nous voulons élaborer une gestion conjuguant qualité des soins et optimisation des dépenses de l’assurance maladie.

Quant à l’hôpital, qui fait l'objet pour nous, le ministre et moi-même, d'une très grande inquiétude, nous devons lui redonner des perspectives et créer la souplesse nécessaire pour assurer à la fois la proximité, la disponibilité permanente, le sens de l’accueil, la performance et la sécurité. Cette action appelle des réponses nouvelles aux questions posées par la démographie des professions de santé.

Nous mettrons en place une nouvelle gouvernance du système de santé et d’assurance maladie. Elle reposera sur trois principes : une plus grande clarté dans les rôles et dans les financements de l’Etat et de l’assurance maladie, la responsabilisation de tous et, enfin, la volonté d’une plus grande proximité avec les citoyens. Par une régionalisation accrue, nous favoriserons une prise en charge plus cohérente et plus adaptée. Dans ce cadre, je souhaite que puisse être lancé un plan “ Hôpital 2007 ”, comme il a pu être lancé, sous d'autres temps et sous d'autres formes, un plan "Universités 2000."

L’égal accès des français aux soins sera conforté par une aide permettant à ceux de nos compatriotes qui n’en ont pas, de bénéficier véritablement d’une mutuelle.

Notre objectif est d’éviter à la fois le rationnement des soins et la dérive incontrôlée et inquiétante des dépenses. Par la responsabilité de chacun, nous devons éviter les dépenses inutiles qui minent l’édifice auquel nous tenons tous, et, nous ferons en sorte que les ressources que nous consacrons à notre santé ‑ et qui ne sont pas infinies ‑ soient mieux utilisées.

Avec le ministre de la Santé, de la Famille et des Handicapés, je souhaite bâtir une politique de santé moderne. C’est un champ prioritaire pour le nouvel humanisme que nous défendons. Nous voulons préserver nos solidarités. Cette préservation des solidarités sociales doit s'exprimer notamment par la précarité sociale qu'il nous faut combattre.

Nous ne pouvons nous résoudre à laisser subsister dans notre pays des situations de précarité extrême et d’exclusion. Elles ne sont pas acceptables surtout après plusieurs années de croissance. Le secrétaire d’Etat à la Lutte contre la précarité et l’exclusion présentera, avant la fin de 2002, un programme d’action dans ce domaine.

Un débat parlementaire sur l’insertion sera organisé dans les prochains mois à l’occasion des quinze ans de l’instauration du revenu minimum d’insertion. Nous devons collectivement nous assurer que chaque bénéficiaire du RMI se voit proposer un véritable contrat d’insertion.

Pour faire reculer l’exclusion qui mine notre société, nous comptons sur l’Etat mais aussi sur toutes les structures à taille humaine, les réseaux de proximité et aussi la famille.

La famille est par essence le lieu de la fraternité, c’est le creuset de la société. C’est pourquoi notre politique de la famille sera ambitieuse.

Nous repenserons les dispositifs d’accueil de l’enfant pour créer l’allocation unique d’accueil du jeune enfant. Elle sera accordée, que la mère travaille ou non, pour garantir son libre choix.

Nous devons collectivement travailler à la prise en charge des personnes âgées et étudier avec précision les difficultés liées à l’allocation personnalisée d’autonomie qui pose de graves problèmes à de très nombreux départements. 

Enfin, la loi de 1975 sur les personnes handicapées sera réformée pour répondre à une légitime attente, celle du droit à la compensation du handicap.

Je souhaite aussi un effort particulier pour lutter contre toutes les formes de discrimination et nous trouverons les formules juridiques pour lutter contre cette discrimination.

Cet effort s’accompagnera d’une politique d’immigration qui devra lutter avec la plus grande fermeté contre les trafics de main d’œuvre et l’immigration illégale, tout en favorisant l’insertion des migrants légaux. Le dispositif du droit d’asile, qui est à l’origine de nombreuses situations illégales, sera revu et les procédures seront accélérées.

A côté de cette démocratie sociale, pour valoriser la République des proximités, nous voulons donner une place nouvelle à la démocratie locale.

La démocratie locale, c’est plus de décentralisation. C’est une décentralisation plus vivante. C’est une implication de tous les citoyens. C'est un transfert de responsabilités et plus les responsabilités sont assumées au plus près du terrain, meilleures les décisions sont.

La décentralisation, c’est aussi un formidable levier pour enfin réformer l’État. C’est l’occasion et le moyen de faire les indispensables réformes de structure. C’est la possibilité de retrouver une liberté d’action. C’est la faculté de répondre aux besoins des Français.

Je vous propose une étape innovante de la décentralisation, fondée, dans notre pays, sur deux exigences ‑ il ne faut pas se comparer ni à l'Allemagne, ni à l'Italie ni à l'Espagne ; dans notre pays, notre organisation territoriale repose sur deux valeurs : l’exigence de cohérence pour que chaque Français, quel que soit le territoire, ait l'égalité des droits, mais aussi sur une exigence de proximité pour qu'on puisse, au plus près du terrain, décider au plus près du citoyen.

 

La cohérence, c’est s’assurer que l’ensemble national composé de l’État et des collectivités locales, fonctionne de façon harmonieuse, en préservant l’égalité de tous devant la loi. Les disparités territoriales, dans notre pays, sont beaucoup trop fortes aujourd'hui.

La cohérence doit assurer un aménagement du territoire équilibré et être l’instrument de la solidarité entre les Français. C’est dans le dialogue entre l’État et la région que s’exprime le mieux ce souci de cohérence.

 

‑ La proximité, c’est le champ d’action des départements, des communes et de leurs groupements. Ce sont eux qui ont vocation à assurer les services et à être maîtres d’ouvrage des équipements de proximité et de développement local.

Cet ample mouvement de décentralisation permettra :

‑ Un nouveau transfert de compétences, au profit des collectivités qui sera accompagné de transfert des ressources correspondantes. Il devrait être possible de faire mieux que dans le passé. Mais je sais que les rendez-vous seront exigeants.

‑ Une nouvelle distribution des rôles en repensant de manière innovante la relation Etat-région pour plus de cohérence et plus d’efficacité. Davantage de clarté dans la relation de proximité entre le département, les communes et leurs groupements.

‑ Et puis enfin un encouragement aux initiatives, à la démocratie locale, qui passe également par l’ouverture d’un droit à l’expérimentation.

 

Comment mettre ces principes en oeuvre ? Je vous propose une méthode et un calendrier.

La méthode, c’est la concertation, le pragmatisme et l’expérimentation. Il ne s’agit pas d’appliquer un schéma idéologique. Il ne s'agit pas non plus de refaire là encore des rapports ; beaucoup de choses ont été écrites.

Je souhaite qu'il y ait un débat, un débat national, et je souhaite que les collectivités locales elles-mêmes puissent faire leurs propositions et faire jaillir du terrain les idées neuves dont la décentralisation a besoin. L’expérimentation, c’est la pédagogie de la réforme et la clé de son succès.

Dès maintenant, j’invite les régions à être audacieuses et à se porter candidates pour expérimenter certains transferts de compétences dont j’ai l’intention de discuter la nature et la portée avec les acteurs concernés. Il faut être audacieux sur ces expérimentations de compétences nouvelles et je propose que les conseils régionaux délibèrent de ce sujet, fassent leurs propositions, fassent appel à leur initiative, et nous répondrons, au cas par cas, à des expérimentations. 

En ce qui concerne le calendrier, en premier lieu et en accord avec le président de la République, un projet de loi constitutionnelle vous sera proposé au Parlement dès l’automne. Il visera à inscrire la région dans la Constitution, à autoriser l’expérimentation locale, à favoriser la coopération entre les collectivités qui le souhaitent et à autoriser la mise en œuvre des référendums locaux. Les questions spécifiques à l’Outre‑mer seront traitées à cette occasion.

A l’automne, sera préparé un projet de loi avec un volet de transfert de compétences immédiat et un volet traçant le cadre des expérimentations. Il s’agit maintenant d’initier une nouvelle donne des responsabilités dans notre pays. Il s’agit de donner du corps au principe de subsidiarité, de la valeur juridique, et de rapprocher le pouvoir de la vie.

Enfin, je présenterai devant le Parlement un projet de refonte des textes liés à l’intercommunalité, liés aux pays, liés aux agglomérations et à la démocratie de proximité. Je suis comme vous un praticien des SCOT nés dans le SRU et de tous ces objets administratifs mal identifiés. Il y a de bonnes choses dans certains de ces textes. Mais nous les refonderons avec un objectif : responsabiliser les acteurs locaux et leur simplifier leurs décisions pour faire en sorte qu'ils puissent agir. 

L'ensemble de ces nouveaux textes et l’application complète de la loi de janvier 2002 donneront à nos compatriotes de Corse des chances nouvelles de développer les atouts spécifiques de leur île. Le plan d’investissement fera l’objet de procédures efficaces et unifiées.

La relance de la décentralisation s’accompagnera d’une réforme de nos administrations pour aller vers une vraie administration de services.

Les Français sont profondément attachés à leurs services publics. Ils ont raison. Ils en reconnaissent le dévouement et la grande qualité.

Et c’est précisément parce que nous croyons à notre service public que nous devons nous poser les questions qui conditionnent son avenir.

 

‑ Comment assurer aux Français le service public qu’ils attendent ?

‑ Comment impliquer les fonctionnaires dans la réussite des réformes qu’ils souhaitent eux-mêmes ?

‑ Et comment aboutir à un juste partage des ressources entre le service public et le secteur privé ?

Dans nos services publics, le service est une valeur. L’administration de demain doit être une administration de services. Elle doit concentrer ses efforts sur l’accueil, notamment des plus démunis, des plus fragiles. Elle doit être présente là où les Français l’attendent. Elle doit mettre en place des indicateurs d’efficacité qui permettront d’améliorer sans cesse sa gestion.

‑ Cette administration de services, c’est d’abord une administration plus simple. Je vous demanderai l’autorisation de légiférer par ordonnance pour simplifier nos législations dans un certain nombre de domaines qui ne toucheront pas aux équilibres fondamentaux de notre République, mais qui concernent la paperasse, qui concernent tous les ennuis et toutes les tracasseries qui font qu'aujourd'hui les acteurs sociaux, économiques sont transformés en bureaucrates alors que nous attendons qu'on puisse libérer leur énergie. Ces demandes‑-à sont des demandes qui sont formulées dans l'administration elle-même pour que les fonctionnaires eux-mêmes se consacrent aux tâches qui les passionnent, se consacrent aux services publics et fassent en sorte qu'ils aient le contact avec le citoyen, ce qu'ils nous demandent pour être finalement ces premiers militants de la République qu'est leur mission.

‑ Dans le domaine de notre service public, je crois qu'il faudra aussi réfléchir à un sujet difficile mais important : celui du service garanti. Dans certains secteurs, les voies d’un dialogue social plus suivi ont été ouvertes pour prévenir les conflits et faire en sorte qu’ils ne conduisent qu’exceptionnellement à l’interruption de service dont les usagers sont victimes. Je demande aux responsables de nos grands services publics qui n’y sont pas déjà parvenus, d’engager la discussion sur la garantie du service avec tous les partenaires.

‑ Une administration de services, c’est enfin une administration qui mobilise ses moyens là où sont ses besoins. La fonction publique va connaître des évolutions importantes au cours de toutes les prochaines années. L’évolution des territoires, le développement des nouvelles technologies, les départs en retraite massifs de fonctionnaires, les attentes nouvelles de concitoyens changent complètement la donne. Nous devons relever ces défis en concentrant nos forces là où sont les besoins essentiels pour le service public.

L’évolution des effectifs de la fonction publique devra correspondre à ces besoins. Tous les emplois ne seront pas systématiquement remplacés au fur et à mesure des départs. Selon les secteurs, les effectifs seront accrus, stabilisés ou réduits. Nous concentrerons nos forces là où les besoins sont essentiels.

Les réformes seront menées sous la responsabilité des ministres. Ils seront comptables de leurs résultats, devant moi, mais également devant vous.

Il convient enfin de renforcer la capacité de réflexion et de prospective d’un État qui doit aussi être un État stratège à qui il incombe d’évaluer sur le long terme les défis de demain. Les outils de prospective de l’État seront adaptés.

Le renforcement de la démocratie locale, c’est aussi l’aménagement des territoires, des communes paisibles aux quartiers difficiles.

La démocratie locale repose aussi sur les solidarités qui s’organisent autour du logement. L’État doit déployer une stratégie en la matière, mais c’est à l’échelon local, avec les populations et les élus locaux, que l’appréciation des besoins est la plus pertinente. La politique du logement sera revue dans ce sens, comme elle doit être résolument décloisonnée, qu’il s’agisse des instruments de financement ou des solutions de logement.

Ces actions en faveur du logement sont indissociables de la politique de la ville et j’ai demandé au Ministre délégué à la Ville de donner davantage de cohérence à cette politique. Reposant autant sur la gestion du bâti que sur les mesures de cohésion sociale, elle doit définir un cadre contractuel  négocié avec les élus locaux et les bailleurs sociaux. Ce cadre sera la clé du renouveau de ces quartiers difficiles. C’est un enjeu décisif pour notre pays.

La politique de destruction des grands ensembles sera accélérée et nous étendrons les zones franches urbaines : elles ont montré leur efficacité.

 

Faire vivre la démocratie locale, c’est aussi assurer la protection de l’environnement.

Pour être à la hauteur de ces enjeux, l’ambition de mon gouvernement sera de réconcilier, protéger, informer et transmettre.

 

Réconcilier, c’est d'abord répondre aux nécessités du présent en ne compromettant pas les ressources des générations à venir. Une gestion décentralisée et contractualisée de notre patrimoine naturel sera mise en oeuvre. Je souhaite fonder la gestion de la faune sauvage et des espaces sur des données scientifiques établies et partagées et non sur des invectives.

Protéger, c’est informer et prévenir.

Dans l’esprit des Français, la crainte des catastrophes technologiques et industrielles est à la mesure de leur caractère subit et dévastateur, dont Toulouse porte encore les stigmates et les cicatrices. Une réponse doit y être apportée. C’est le sens du projet de loi sur les risques technologiques qui vous sera proposé à l’automne prochain

Pour transmettre cette exigence aux générations à venir, dans la perspective tracée par le président de la République, une Charte de l’environnement sera élaborée d’ici juin 2003. Elle portera au niveau constitutionnel les principes fondamentaux du développement durable.

Les préoccupations environnementales doivent être intégrées comme une dimension essentielle de toutes les politiques publiques. 

Dans le domaine de l’énergie, un grand débat public sera ouvert et suivi d’un projet de loi d’orientation qui consacrera un rôle accru pour les énergies renouvelables, mais aussi une place reconnue pour l’énergie nucléaire.

Les spécificités du nucléaire et les attentes des Français me conduisent à vous demander de délibérer prochainement sur la transparence et la sûreté du nucléaire. Trop longtemps promises, des mesures allant dans ce sens doivent être maintenant arrêtées dans les meilleurs délais.

Notre politique des transports privilégiera, elle aussi, un développement soucieux de l’environnement et de limitation des nuisances. Je pense aux grands projets d’infrastructures dont les effets sur l’environnement et les hommes – à l’instar des nuisances sonores à proximité des aéroports – devront faire l’objet d’une attention accrue. Le cabotage et le ferroutage seront aussi prioritaires.

Favoriser les territoires, c’est mener une politique efficace et coordonnée dans les secteurs qui structurent notre territoire, comme l’agriculture et la pêche. 

Notre agriculture est aujourd’hui profondément marquée par une inquiétude liée au manque de perspectives alors qu’elle dispose d'atouts solides pour faire valoir la qualité de nos productions. La politique agricole commune est à la veille de grandes échéances avec l’entrée de nouveaux États membres et le fameux rendez-vous à mi-parcours. Le gouvernement veillera à ce que les décisions arrêtées par les Chefs d’État et de gouvernement à Berlin en 1999, soient respectées, et fera preuve de la plus grande fermeté face aux tentatives de modifier, dès à présent, la politique agricole commune.

Le gouvernement est attaché à un grand objectif : celui d’une agriculture française performante, écologiquement responsable et économiquement forte. 

Aujourd’hui, la politique commune de la pêche est, quant à elle, l’objet, de la part de la Commission européenne, d’une proposition de réforme que je juge inacceptable. La France n’acceptera pas la destruction de sa flotte de pêche, principalement dans sa composante artisanale, avec le cortège de drames humains et de difficultés sociales qui l’accompagnerait inévitablement.

Favoriser nos territoires, c’est enfin donner une politique ambitieuse pour notre outre‑mer.

L’Outre-mer est un atout pour la France. Nous combattrons l’inégalité économique dont sont victimes les collectivités d’Outre-mer en mettant en valeur la logique d’activité et non plus la logique d’assistance.

Une loi de programme pour l’Outre-mer sera soumise au Parlement avant la fin de l’année. La Constitution sera révisée pour permettre une meilleure prise en compte de la diversité de l’Outre-mer français dans le cadre du respect strict des principes d’indivisibilité de la République.

 

Troisième pilier : une France créative.

Nous avons de grandes ambitions. C'est une politique qui se veut complète, dont l'ambition est un programme de travail pour la législature. Nous avons de grandes ambitions. La créativité de nos concitoyens à l’université comme en entreprise, doit pouvoir se concrétiser pleinement sur notre territoire. Ceci implique un élan nouveau pour que notre territoire soit plus attractif et que, systématiquement, la matière fiscale ou réglementaire ne soit pas une occasion de découragement. Nous voulons faire en sorte que la valeur travail soit respectée dans ce pays. Le travail est une valeur. Nous devons tout mettre en œuvre pour le favoriser. Il n’est pas admissible que le chômage touche autant de nos concitoyens, en particulier tous ces jeunes aujourd'hui auxquels la société tourne le dos.

Notre objectif reste le plein emploi.

Il faut éviter que, globalement, l'ensemble de nos procédures freine la création d'activité.

C’est le sens de la baisse d’impôt. C’est le sens de la baisse des charges que nous engageons de façon résolue.

Les baisses de charges constituent la clé de voûte de notre stratégie. Ce n'est pas de l'idéologie, mais tout simplement “ça marche ”, ça crée des emplois. Et c'est pour ça qu'il faut le faire. On n'a pas trouvé ça dans un petit livre rouge, dans un petit livre bleu. On a trouvé ça dans les résultats de l'Insee. C'est là où il y a de la création d'emplois ; c'est pour ça qu'il faut alléger les charges.

Mon gouvernement va renouer avec cette politique, en faisant bénéficier dans un premier temps les jeunes peu qualifiés dont le taux de chômage, qui a beaucoup progressé depuis un an, est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. 

C'est pour ça que vous serez saisis au cours de cette session extraordinaire d’un projet de loi favorisant l’emploi des jeunes peu qualifiés. Il prévoira une exonération complète des charges applicable au 1er juillet 2002. Nous développerons ainsi de vrais contrats jeunes dans de vraies entreprises, de contrats à durée indéterminée.

Pour les jeunes prêts à s’y investir, nous instaurerons un contrat d’insertion dans la vie sociale. Il offrira une garantie de revenus aux jeunes sans diplôme et sans emploi qui accepteront de s’engager. Ce contrat sera mis en place dans les prochains mois.

Mais au-delà de mesures spécifiques pour les jeunes, c’est un abaissement global des charges sociales que nous visons. Il viendra simplifier les multiples mesures qui existent et qui compliquent la vie des entreprises.

D’une manière générale, la simplification est un objectif dans l'ensemble de ces procédures.

Parallèlement, je souhaite traiter rapidement un sujet qui entrave la volonté de certains salariés de travailler davantage et le développement de nombreuses entreprises. Je veux parler des “ 35 heures ”.

La durée légale du travail ne sera pas remise en cause mais des assouplissements sont nécessaires. Ces assouplissements auront lieu. La méthode autoritaire, suivie pour réformer le temps de travail, a conduit à freiner la progression du pouvoir d’achat des salariés et à ignorer nombre de réalités économiques. Elle a entraîné des incohérences et des injustices, notamment en ce qui concerne la désarticulation des SMIC. Nous allons y remédier.

De même, la loi de modernisation sociale a été justement critiquée pour n’avoir pas fait l’objet de concertation. Elle sera réformée, simplifiée. L’assurance emploi que j’évoquais tout à l’heure y aidera.

Qu’il s’agisse des “ 35 heures ”, de l’harmonisation des SMIC, des charges sociales, de la simplification de la loi dite de modernisation sociale, j’invite dès maintenant et dans les prochains jours, les partenaires sociaux à engager entre eux et avec le Ministre des Affaires sociales, les discussions nécessaires.

Je suis disposé à en tirer le plus vite possible les conséquences législatives ou réglementaires.

Nous devons créer les conditions d’une croissance forte et durable. Nous allons nous y employer en menant de front baisse des prélèvements, réduction des déficits et réformes économiques.

La baisse des impôts permet de soutenir l’activité et l’initiative ; la baisse des charges de soutenir l’emploi.

Nous nous engagerons parallèlement dans la réduction des déficits. Il ne servirait à rien de baisser les prélèvements si les Français n’avaient pas la garantie que cette baisse est durable. C’est dans la capacité que nous aurons à conduire les réformes structurelles dont le pays a besoin, que nous trouverons les marges de manœuvre.

Au-delà, nous devons favoriser l’activité, parce que la France est en retard quant à son taux d'activité. Il faudra relever le défi de l’emploi, notamment pour les salariés de plus de 50 ans. C’est une véritable révolution culturelle que nous devons engager pour l'activité de notre pays.

Dans le même esprit, la prime pour l’emploi sera adaptée, notamment en faveur des travailleurs à temps partiel, pour qu’elle devienne un véritable instrument de justice sociale et de valorisation du travail.

Le partage plus équilibré de la croissance et de ses fruits, c'est en fait l'objectif que nous voulons atteindre quand nous proposons, dès ce mois de juillet, conformément aux engagements pris, une baisse de 5% de l’impôt sur le revenu. Elle sera effective à l’automne prochain. Il s’agira d’une réduction de 5% de l’impôt pour tous les contribuables. Cette réduction est une étape vers l’objectif de baisse d’un tiers de [l’impôt sur le] revenu, si nous voulons que notre pays retrouve son attractivité. On peut se réjouir de voir que sur quelques grands investissements industriels aujourd'hui, en Europe, les sites français ne sont même plus consultés. On peut se réjouir aujourd'hui de voir des chercheurs, des ingénieurs quitter le pays. On peut se réjouir aujourd'hui de voir des entrepreneurs aller chercher ailleurs, comme des footballeurs ou des joueurs de tennis. Il faut faire confiance aux créateurs, aux entrepreneurs, à ceux qui peuvent créer de l'emploi. Ce qui est bon pour l'emploi est bon pour tous. Ce qui est bon pour l'emploi est bon pour le pays. C'est pour ça que nous menons cette politique et c'est pour ça que nous nous battrons pour faire en sorte que les engagements soient tenus. Y compris nous sommes déterminés à convaincre nos partenaires de la nécessité de baisser à 5,5 % le taux de TVA pour la restauration car il s’agit d’un secteur créateur d’emplois. Les discussions sont engagées et je pense que l'ensemble des forces nationales doivent participer à cette mobilisation pour convaincre le pays.

Notre approche en ce qui concerne le rôle de l'État dans l'économie est d'être pragmatique. Elle conduira à analyser les projets d’ouverture du capital ou de privatisation au cas par cas, en tenant compte d’abord de l’intérêt des entreprises et des perspectives d’alliances et de développement.

Une telle politique ne peut se concevoir que sur la durée de la législature.

D’une manière générale, l’État a vocation à se retirer du secteur concurrentiel sauf lorsque des intérêts stratégiques sont en jeu.

Dans le domaine de l’énergie, notre pays dispose de deux grandes entreprises de réputation mondiale.

Elles doivent assurer les missions de service public de façon équitable et solidaire sur l’ensemble du territoire national. C’est un impératif. Mais elles doivent aussi être dotées des mêmes armes que leurs concurrents européens pour tirer pleinement profit du marché européen de l’énergie et promouvoir leur projet industriel et leur projet social.

Leurs savoir-faire techniques et la qualité de leur personnel constituent des atouts reconnus et enviés. Ils sont le garant le plus précieux de leur avenir.

Pour qu’elles puissent nouer des alliances et développer leur stratégie en Europe et dans le monde, tout en respectant toutes les exigences du service public, leur forme juridique sera modifiée pour permettre une ouverture progressive de leur capital, tout en demeurant dans le secteur public.

Ces évolutions feront bien sûr l’objet d’une consultation préalable avec, en particulier, les agents de ces entreprises et leurs représentants. Le statut du personnel actuel sera maintenu et le système spécifique de retraite recevra les garanties nécessaires.

 

Une France créative, c’est une France qui mise sur l’innovation. Et nous ferons les efforts nécessaires pour porter nos moyens financiers pour la compétitivité internationale, nos efforts de recherche, à 3 % du PIB pour l’horizon 2010.

Nous participerons aussi à tout ce qu'il faut faire pour placer la France au cœur-même de la société de l’information

Nous développerons la création d'entreprise pour qu'après cette période de croissance, nous puissions retrouver un rythme de créations d'entreprise positif. Notre objectif est la création de 200 000 entreprises nouvelles par an. C'est, je crois, une dynamique possible pour faire en sorte que nous retrouvions les libertés d'initiative et d'emploi. La création d'entreprise est sans doute l'une des façons les plus efficaces de créer durablement des emplois.

Des dispositions spécifiques pour les jeunes entreprises de technologie permettront aux jeunes créateurs d'avoir toute leur place dans cette économie.

Une France créative, c’est aussi une France qui assume son potentiel, et notamment son potentiel de la jeunesse.

Et d’abord qui donne une force nouvelle à l'école. L’école de l’égalité des chances, c'est le plus ancien fondement de notre cohésion républicaine. Notre système de formation doit faire en sorte que cette égalité des chances reste une réalité à tous les stades de la vie professionnelle.

Et malgré le dévouement des enseignants et de tous les acteurs de la communauté éducative, l’école a du mal à remplir sa mission. 60 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucune qualification. 90 000 le quittent avec une faible qualification. C’est inacceptable pour la nation.

J’ai demandé au Ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche, de s’attaquer en priorité aux grandes causes de la fracture scolaire.

La première de ces causes, c’est l’illettrisme contre lequel j’entends vigoureusement lutter. Dès la prochaine rentrée scolaire, un plan pour améliorer les apprentissages de base à l’école primaire sera engagé.

Deuxièment, la valorisation de l’enseignement professionnel est une nécessité. Permettons à chacun d’exprimer ses talents dans la voie qui lui est propre. Les expériences existantes seront étendues et des passerelles entre les voies technologique, professionnelle et générale seront mises en place.

Enfin, la troisième priorité sera de lutter contre l’échec en premier cycle universitaire.

Nous voudrons également valoriser et favoriser les vocations scientifiques afin d'encourager la pratique de la science car notre université ne forme plus assez de jeunes capables aujourd'hui de soutenir notre effort d’innovation.

L’État continuera à soutenir tous les créateurs et à défendre les droits des créateurs. Un projet de loi vous sera soumis notamment pour le renforcement de la protection sociale des auteurs et pour le droit au prêt.

Évidemment, l’État ne sera pas le seul acteur dans ces domaines de l'éducation, de la culture. Je souhaite que soient clarifiées les ambiguïtés existantes dans ce secteur, qui sont largement entretenues et qui ne permettent pas aujourd'hui d'avoir des partenariats clairs entre l'État et les collectivités territoriales.

Dans le domaine du patrimoine, une loi programme sera lancée. Elle renforcera le rôle des collectivités locales, l’État gardant ses fonctions de garant et de cohérence. Il en ira de même pour les bibliothèques, équipements culturels de proximité les plus fréquentés par nos concitoyens. 

Nous renforcerons la politique du mécénat. Nous nous battrons pour obtenir là encore la baisse de la TVA sur le prix du disque.

Et nous ferons en sorte que dans le domaine de l’audiovisuel, le gouvernement se montre attaché à la liberté des initiatives, mais aussi à la défense de la qualité du service public.

Cet effort de cohésion, évidemment, concernera aussi les pratiques du sport. Le sport est l'un des grands oubliés de la décentralisation. Des états généraux seront lancés à l’automne à l’initiative du Ministre des Sports. Cela nous permettra de dégager les lignes de l'avenir.

Le dernier message est celui de notre action en Europe. Nous voulons un projet européen fort, une Europe des hommes, une Europe qui sait faire respecter notre patrimoine humaniste. Mais aussi une Europe économique forte, une Europe bâtie maintenant avec le succès de l'euro. Une Europe qui doit approfondir le marché unique. Une Europe qui doit faire progresser aussi l'harmonisation des fiscalités et qui doit être soucieuse de renforcer son rôle social.

Nous attendons beaucoup de la Convention présidée par le Président Valéry Giscard d’Estaing. Elle dessinera les contours de cette nouvelle Europe. Elle simplifiera les textes des traités. Elle imprimera, nous le souhaitons, une perspective nouvelle à l'Europe, cette fédération d'États nations à laquelle nous sommes attachés et qui doit mieux associer les parlements nationaux et élire notamment les députés européens sur une base de liste régionale pour les rendre davantage acteurs de notre démocratie.

Nous ne subirons pas l’élargissement, nous y sommes favorables. Mais nous voulons aussi renforcer le couple franco-allemand. Nous le ferons à l'occasion, l'année prochaine, au début de l'année, du 40ème anniversaire du traité de l’Élysée. 

Enfin, nous procéderons à la transposition rapide d'un certain nombre de directives européennes pour lesquelles nous sommes, à ce jour, les derniers de la classe en Europe.

Nous participerons à cette gouvernance mondiale qui fait que la primauté du droit sur le fait accompli doit se développer et que sans un système multilatéral fort, seuls les rapports de force comptent. Sans règles internationales, ce sont les plus vulnérables qui sont aujourd'hui exposés.

Nous avons, pour la mondialisation, le souhait de faire entendre la voix de la France sur le plan économique mais aussi sur le plan du développement durable. Et c'est pour ça que nous serons tous engagés pour la réussite du sommet de Johannesburg. Nous voulons faire en sorte que l'environnement et le développement durable soient une priorité de notre pays. 

La francophonie, également, fera partie de notre action internationale. La Marseillaise, le drapeau, la langue font partie de ce patrimoine auquel nous sommes attachés. 

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés,

 

La politique ne peut plus promettre des lendemains qui chantent et repousser toujours la résolution des problèmes quotidiens.

Je vous propose d’inverser la démarche. Je vous ai proposé, dans un calendrier précis, des décisions concrètes avec des engagements qui permettent d'améliorer le quotidien afin de mieux vivre l'avenir.

Vous l’avez compris, notre projet réconcilie actions et convictions.

C'est un projet sans arrogance, il appelle votre confiance. Il est né au sein de la majorité présidentielle devenue majorité parlementaire : majorité d’union, majorité d’action.

Vous pourrez compter sur notre courage, nous voulons compter sur votre confiance.

La confiance est la valeur démocratique la plus précieuse.

Confiance du peuple, confiance du Parlement, confiance du Président.

La confiance est la clef du mouvement.

Confiance pour la croissance, confiance pour l’espérance, confiance pour la France.

 

 

Monsieur le Président,

Conformément au 1er alinéa de l’article 49 de la Constitution, et après y avoir été autorisé par le Conseil des Ministres, j’engage la responsabilité de mon Gouvernement sur cette déclaration de politique générale.