Les
conseillers du président s'expriment bien plus que vous ne le
faisiez lorsque vous étiez secrétaire général de l'Elysée.
Est-ce normal ?
C'est une question d'époque, et c'est surtout une question de
choix. Claude Guéant l'a très bien rappelé hier. C'est le
président de la République qui décide comment les choses se
passent. C'est une question institutionnelle. Dans la conception
de la Ve République, les conseillers n'ont pas
vocation à s'exprimer publiquement. Nous avons là un changement
par rapport à cette conception traditionnelle de la Ve.
Mais est-ce une dérive ?
C'est un changement, à mon avis, qui est source de dérive. La
responsabilité est exercée soit par des élus, soit par ceux qui
ont en ont reçu la mission officiellement, c'est-à-dire par les
ministres, de concourir à l'expression de telle ou telle
politique. Dans le cas présent, l'appel à des conseillers qui
s'expriment publiquement peut être une bonne chose quand cela se
fait en harmonie, en coordination avec les autres. Il s'agit
d'expliquer la politique. Dans ce cas, que ceux qui sont les
plus proche du président puissent expliquer la parole
présidentielle, cela peut être utile. Que ce soit l'expression
de différences et que cela conduise à des arbitrages, alors il y
a un problème. Nous sommes évidemment devant un problème et il
appartient au président de la République de trancher. Car sinon,
le jeu médiatique, le risque de l'époque dans lequel nous
vivons, fait qu'il peut y avoir des incohérences.
Considérez-vous que Nicolas
Sarkozy a introduit une rupture dans notre politique étrangère ?
Pour moi, deux principes structurent la politique étrangère de
la France. Le premier, celui de l'indépendance nationale. C'est
un principe fondamental, cardinal, qui a structuré toute notre
politique étrangère à partir du général de Gaulle. Le deuxième
principe, non écrit, de notre diplomatie, est un principe
d'équilibre entre l'est et l'ouest, entre le nord et le sud,
d'équilibre à travers la défense d'autres principes, comme celui
de la diversité culturelle, qui est essentiel au rayonnement de
la France. Aujourd'hui, il y a des risques sur ces deux
principes.
Jean-Louis Debré, le
président du Conseil constitutionnel, est sorti de sa réserve,
pour dire que la présidence de la République manque de dignité.
Partagez-vous cette vision ?
Je crois que la présidence de la République a perdu en
concentration sur l'essentiel, à savoir le service de la France
et le service des Français. Il faut revenir à cet essentiel. Il
est bon que la France mette ce qu'elle a toujours été,
l'ambition, au-delà de tout. Les hommes passent, la France
reste. L'idée que les Français se font d'eux-mêmes, c'est
quelque chose de durable et qu'il faut défendre. Je suis pour
moins de personnalisation, davantage de défense du bien public,
davantage de défense des intérêts de la France, davantage de
défense des projets et de la vision de la France. Notre pays
s'en portera mieux.
Vous parlez de Nicolas
Sarkozy sans le citer...
Ce qui m'importe, c'est le président de la République. Je ne
personnalise pas. Nicolas Sarkozy est assez grand pour savoir
qu'au cours des huit derniers mois, des choses n'ont pas bien
marché. Le début de la politique, c'est d'avoir autour de soi
des gens qui vous disent des choses.
M. Sarkozy a-t-il choisi les
meilleurs ?
Je n'en suis pas sûr. Et je ne crois pas que la politique
d'ouverture ait été gérée de telle façon qu'elle conduise les
meilleurs au pouvoir. L'ouverture donne le sentiment de créer la
diversité, mais vous n'avez pas forcément des gens qui assument
leurs différences en étant au pouvoir. Ce n'est pas de donner
l'impression, avec des images, un casting, de la diversité ; ce
qui compte, c'est la réalité des choses. En quoi la politique
menée depuis huit mois porte la marque d'une véritable
différence d'aspirations ? Ce qui compte, c'est la capacité des
hommes à dire ce qu'ils pensent en toutes circonstances. Il y a
peut-être un défaut dans l'autorité de certains à dire des
choses fortes.
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