6 janvier 1961

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Françaises, Français,

Je vous ai exposé déjà les motifs, le contenu et la portée du projet de loi, qu'en ma qualité de président de la République, je soumets à votre approbation au sujet de l'Algérie. Aujourd'hui, je dois appeler votre attention sur l'étendue des conséquences qu'aura la réponse du pays et sur le fait que chacun, qu'il vote oui, qu'il vote non ou qu'il s'abstienne, y prendra, en personne, une responsabilité directe. C'est là, sans nul doute, un des événements principaux de notre histoire. D'abord, parce que l'affaire d'Algérie est, en elle-même, capitale. Non point par l'intensité même des combats qui s'y traînent encore, grâce à l'effort de nos soldats, on s'y tue, en moyenne, huit fois moins qu'il y a deux ans. Mais à cause du caractère passionnel du conflit, de l'emprise politique, militaire, financière qu'il exerce sur notre vie nationale, de la résonance qu'il trouve à l'étranger, et surtout, de ce qu'il présente, à notre époque, d'absurde et de périmé. La solution, conforme au bon sens, à la justice, au génie de la France est proposée à la décision du pays. Y répondre par la négative, pour quelque raison que ce soit, c'est refuser que le problème soit jamais résolu par la France. S'abstenir, c'est choisir l'impuissance pour la France. Voter le projet, c'est vouloir que la France puisse gagner en Algérie, pour l'Algérie, avec l'Algérie, la cause de la paix et de la raison. Mais ce qui est en question dans le référendum du 8 janvier 1961, ce n'est pas seulement le fait de reconnaître aux populations le droit de choisir leur sort, de les engager, en attendant, dans la voie de l'Algérie algérienne unie à notre pays, de viser à obtenir, dans les moindres délais possibles, la confrontation pacifique de toutes les tendances afin d'organiser librement l'autodétermination. Autant que du sujet lui-même, il s'agit, en réalité, de notre propre destin, car la nation française voit s'offrir à elle l'occasion solennelle soit de prouver son unité, soit d'étaler sa division. Après avoir, hélas, payé bien cher les déchirements lamentables d'autrefois, notre pays doit savoir que si, par malheur, sur un pareil sujet et en dépit de mon appel, il laissait briser la cohésion de sa masse sous les impulsions, d'ailleurs, contradictoires de plusieurs et très diverses sortes d'agitateurs ou de partisans, il courrait tout droit au chaos et à l'abaissement. Au contraire, il peut être certain que si, dimanche prochain, devant le monde qui regarde et qui écoute, il manifeste la volonté immense et positive d'un grand peuple, alors, rien ne pourra prévaloir contre lui, ni au-dedans, ni au-dehors. Françaises, Français, vous le savez. C'est à moi que vous allez répondre. Depuis plus de vingt années, les événements ont voulu que je serve de guide au pays dans les crises graves que nous avons vécues. Voici que, de nouveau, mon devoir et ma fonction m'ont amenés à choisir la route. Comme la partie est vraiment dure, il me faut, pour la mener à bien, une cohésion nationale, c'est-à-dire une majorité qui soit en proportion de l'enjeu. Mais aussi, j'ai besoin, oui, j'ai besoin de savoir ce qu'il en est dans les esprits et dans les cœurs. C'est pourquoi, je me tourne vers vous par-dessus tous les intermédiaires. En vérité, qui ne le sait ? L'affaire est entre chacune de vous, chacun de vous et moi-même. Françaises, Français, tout est simple et clair. Le oui franc et massif. Je vous le demande pour la France.
Vive la République ! Vive la France !