En commentaire au coup d’État de Versailles, plusieurs juristes
ont affirmé que ratifier le traité de Lisbonne par voie
parlementaire était peut-être politiquement choquant mais
constitutionnellement possible.
Cette opinion ne résiste pas à un instant de réflexion, car elle
cantonne la Constitution à sa lettre. Or non seulement la
Constitution est un ensemble logique et articulé, inspiré d’une
pensée politique cohérente, mais des Principes fondamentaux du
Droit existent, supérieurs aux textes juridiques par leur
prééminence, et situés à la base de l'édifice juridique pour
leur solidité.
Certains sont très généraux et très connus, souvent cités sous
la forme d'un adage de droit romain. Par exemple l'autorité de
la chose jugée (non bis in idem) ou la légalité et la
non-rétroactivité des peines (nullum crimen, nulla poena sine
lege praevia). D'autres sont plus particuliers : « le lieu régit
le droit » (locus regit actum), ce qui suffit à renvoyer
Bolkestein au néant ; « nul ne peut alléguer de sa propre
turpitude » (nemo auditur propriam turpitudinem allegans) etc.
Les énoncés de ces principes résultent de siècles d’expérience,
qui les ont fait reconnaître comme indispensables à la paix
civile et à la liberté personnelle.
D’autres principes portent sur l'usage de la puissance
politique. Ainsi « Que les consuls veillent à ce que la chose
publique ne subisse aucun dommage » (caveant consules ne quid
detrimenti respublica capiat).
Nos politiciens qui asservissent la France devraient y être
rappelés.
Et il y a bien sûr des principes exprimés en bon français, au
premier chef la Déclaration des Droits de 1789, dont les traités
européens violent tous les articles politiques.
Or parmi les plus fondamentaux des Principes fondamentaux du
Droit, deux principes parallèles et étroitement liés sont la
hiérarchie des normes et la hiérarchie des pouvoirs.
Il va de soi, en effet, que les Principes sont plus importants
que la Constitution, celle-ci supérieure aux lois, qui sont à
leur tour supérieures aux règlements et à la jurisprudence.
Ainsi les Principes fondent la Constitution, qui fonde les lois
etc. C’est la hiérarchie des normes.
De même, une décision prise par une autorité peut être cassée
par une autorité supérieure, mais pas par une inférieure. C'est
la hiérarchie des pouvoirs ; c’est le bon sens même.
Une décision prise par référendum ne peut donc évidemment être
modifiée que par le même moyen, puisqu'il n'y a pas d'autorité
supérieure au Souverain. Les mandataires ne sont pas supérieurs
aux mandants, et il serait extravagant qu'ils s'imaginent l'être
lorsqu'ils n'ont pas été explicitement mandatés. Violer ce
principe, c'est renverser tout l'ordre juridique, puisque, comme
leur nom l'indique, les Principes fondamentaux sont à la base du
Droit !
Soutenir que le Parlement puisse ratifier un traité contre la
décision du Peuple Souverain suppose que l'on considère le Droit
de façon irrationnelle, sans conscience de son origine ni de ses
règles, sans souci de logique, et sans prévoir les conséquences
sociales ni politiques de l’effondrement de l’ordre juridique.
Nier que le respect des Principes fondamentaux conditionne la
validité de tout texte et de tout acte reviendrait à réduire le
Droit à un ramassis d'usages pratiques inarticulés qui
pourraient être changés à tout moment par des pouvoirs non
habilités à le faire. C'est d'ailleurs ce que sont les textes
émanant de ce pouvoir sans fondement qu’est l'Union Européenne,
et c’est pourquoi les traités européens, incohérents et
anti-démocratiques, ne peuvent être approuvés, en leur état, par
quiconque jouit de quelque cohérence mentale.
Sur cette pente, c'est tout l'ordre social, la paix civile et la
sûreté personnelle qui sont en danger. Le mépris des principes a
des conséquences économiques, sociales, politiques, qui ne se
font pas sentir tout de suite mais sont terribles à long terme.
La trahison de Versailles nous a fait entrer dans le non-droit.
Violer la souveraineté du Peuple, c'est rétablir sans le dire le
despotisme, obliquement éclairé, et le suffrage censitaire (dont
les effets désastreux sont, hélas, connus : 1790, 1848, 1954 !).
Mais comment les fonder ? Trois siècles d'évolution vers la
pensée rationnelle ne permettent plus de se référer à la
coutume, ni au droit divin. Pour rétablir l’inégalité, il
faudrait bien pourtant lui trouver un fondement philosophique,
au-delà de la mondialisation inéluctable et de la lutte contre
le terrorisme ! Mais c'est évidemment impossible. Aussi tout cet
échafaudage de traités bancals s'écroulera-t-il, ensevelissant
ses auteurs, et beaucoup d'innocents, sous les ruines.
L'Union Européenne est morte désormais ; maintenant reste à
savoir comment elle s’effondrera, et comment limiter les dégâts
qui résultent de quatre décennies d'erreurs.
Il faut rétablir la République.
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