04/01/2003

Après un débat houleux, Daladier démissionne
et est remplacé par Paul Raynaud.

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Et le général De Gaulle témoigne

(Mémoires de guerre – L’appel).

 

Ce 19 mars 1940, l’Assemblée Nationale est réunion en séance secrète dans un climat tendu. L’URSS vient d’attaquer la Finlande et la France ne bouge pas. Le bolchevisme est depuis longtemps à l’ordre du jour. Angoisse pour la classe conservatrice, il est devenu danger depuis la signature du pacte germano-soviétique de non-agression. La déclaration de guerre, en septembre 1939, n’a fait qu’exacerber les esprits. Le Parti communiste - qui considère que la paix passe par Moscou – prône le pacifisme. Lorsque l’Assemblée se lève pour saluer les soldats qui partent au front, les députés communistes restent ostensiblement assis. Et Maurice Thorez choisit la désertion, tout comme André Marty.

En janvier de la même année, les chambres – Assemblée nationale et Sénat – se sont prononcées pour la déchéance des élus communistes, après avoir interdit la publication de L’Humanité et déclaré le PC hors la loi. Le journal officiel, en février, a confirmé cette déchéance des 60 députés communistes, tandis qu’André Marty et Maurice Thorez étaient déchus de la nationalité française. Et les anciens parlementaires « rouges » comparaissent devant un tribunal pour « connivence avec l’étranger ».

Mais, débarrassée de ses extrémistes, l’Assemblée n’en retrouve pas pour autant cette belle unanimité nationale qui, le 9 février 1940, permettait d’accorder une confiance unanime à l’adresse du président du Conseil Edouard Daladier.

 

Pourquoi pas la guerre à l’URSS ?

 

Ce 19 mars, Daladier doit faire face aux esprits guerriers. Tant dans cette Assemblée nationale qu’au Sénat où Laval mène le combat. Ici, au Palais Bourbon, Flandin, ami de Laval, conduit la charge. Daladier est vivement accusé de ne pas envoyer de troupes en Finlande et, plus encore, de ne pas déclarer la guerre à l’URSS. « Vous avez perdu le soutien de toutes les forces de la terre qui considèrent le bolchevisme comme le principal ennemi. Je vous défie d’expliquer pourquoi vous faites la guerre aux Allemands et pas aussi à la Russie ».

A la tribune, Daladier tente de répondre. Diminué par un récent accident, il manque de détermination. Nos soldats en Finlande ? Norvège et Suède refusent de laisser transiter des troupes. Quant à l’idée d’une guerre contre l’URSS, elle se heurte à l’opposition des Britanniques. Alors, à bout de nerfs, il lance, comme un défi : « Si vous n’approuvez pas ma manière de conduire la guerre, dites-le. Et je serai mis en minorité ».

Ce qui est fait par 230 voix favorables contre 300 abstentions.

Certes, le Sénat malgré Laval, a accordé la confiance par 236 voix contre 60 abstentions. Et, en dépit du vote du Parlement, la constitution de la IIIè République permet à Daladier de rester. Mais, désavoué malgré tout, il préfère donner sa démission.

Le 21 mars, le président Albert Lebrun appelle Paul Raynaud, 62 ans, qui manoeuvrait pour cela depuis quelques temps. C’est –dit-on – un homme de courage et de détermination qui ne pliera pas l’échine devant Hitler, pas plus que devant Staline.

 

Satisfaction chez Pétain et … De Gaulle.

 

De l’autre côté de la Manche, un homme est ravi. C’est Winston Churchill, que les observateurs voient déjà comme le Premier ministre succédant à Chamberlain, le signataire des accords de Munich. Tout comme Daladier, que Raynaud appelle quand même à la Défense Nationale.

Le nouveau gouvernement satisfait, pour le moins, deux autres hommes. L’un s’appelle Pétain. A travers Laval et Henry Lémery, son ami intime, il a obtenu « la peau » de Daladier. L’autre, inconnu, se nomme Charles De Gaulle. Il est colonel, et se bat depuis longtemps pour une modernisation de l’Armée française. Or, justement, le seul qui l’ait vraiment écouté jusqu’ici a pour nom Paul Raynaud.

Mais n’est-il pas déjà trop tard ?

 

Et le général De Gaulle témoigne (Mémoires de guerre – L’appel).

Conformément aux habitudes, le régime, incapable d’adopter les mesures qui eussent assuré le salut, mais cherchant à donner le change à lui-même et à l’opinion, ouvrit une crise ministérielle. Le 21 mars, la Chambre renversait le cabinet Daladier. Le 23, M. Paul Raynaud formait le gouvernement.

Appelé à Paris par le nouveau Président du Conseil, je rédigeai, à sa demande, une déclaration nette et brève qu’il adopta telle quelle pour la lire au Parlement. Puis, tandis que, déjà, les intrigues bruissaient dans les coulisses, je fus au Palais-Bourbon assister d’une tribune à la séance de présentation.

Celle-ci fut affreuse. Après la déclaration du gouvernement, lue par son chef devant une Chambre sceptique et morne, on n’entendit guère, dans le débat, que les porte-parole des groupes ou des hommes qui s’estimaient lésés dans la combinaison. Le danger couru par la patrie, la nécessité de l’effort national, le concours du monde libre, n’étaient évoqués que pour décorer les prétentions et les rancoeurs. Seul, Léon Blum, à qui, pourtant, nulle place n’avait été offerte, parla avec élévation. Grâce à lui, M. Paul Raynaud l’emporta, quoique d’extrême justesse. Le ministère obtint la confiance à une voix de majorité. « Encore, devait me dire plus tard M. Herriot, Président de la Chambre, je ne suis pas très sûr qu’il l’ait eue. »

Avant de regagner mon poste, à Wangenbourg, je demeurai quelques jours auprès du Président du Conseil installé au Quai d’Orsay. C’était assez pour apercevoir à quel point de démoralisation le régime était arrivé. Dans tous les partis, dans la presse, dans l’administration, dans les affaires, dans les syndicats, des noyaux très influents étaient ouvertement acquis à l’idée de cesser la guerre. Les renseignements affirmaient que tel était l’avis du maréchal Pétain, ambassadeur à Madrid, et qui était censé savoir, par les Espagnols, que les Allemands se prêteraient volontiers à un arrangement. « Si Raynaud tombe, disait-on partout, Laval prendra le pouvoir avec Pétain à ses côtés. Le Maréchal, en effet, est en mesure de faire accepter l’armistice par le commandement ». Par milliers d’exemplaires, circulait un dépliant, portant sur ses trois pages l’image du Maréchal, d’abord en chef vainqueur de la grande guerre avec la légende : « Hier, grand soldat !... », ensuite en ambassadeur : « Aujourd’hui, grand diplomate !... », enfin en personnage immense et indistinct : « Demain ?... »