24/11/2002


Un super État ou
une association d’États ?

Objectif-France publie dans sa rubrique " coup de coeur " les articles qui ont retenu particulièrement l'attention de la rédaction et dont elle approuve le contenu.

Un super État ou
une association d’États 

par Guy Sabatier, ancien député.

 

Ce schéma a notamment été approuvé par Pierre Messmer, Roland Nungesser, Jean  Mattéoli, Jean Charbonnel, Jean Foyer, Gabriel Kaspereit, Jacques Trorial, Christian de la Malène, Michel Caldaguès, Nicolas Dupont-Aignan, général François Maurin, Philippe Ragueneau, Annie Himber, Cécile Renson, Elie Jacques Picard, Jean Guion, Bernard de Gaulle, Christophe Beaudouin.

 

 

La question est grave. Le choix du statut depuis longtemps attendu de l’Union européenne est capital. Il conditionne l’avenir de chaque pays comme, finalement, le sort de chacun d’entre nous et doit tenir compte de cette vérité qui résulte des faits : l’Europe est nécessaire mais les nations sont indispensables.

Deux grandes solutions sont possibles : ou la Fédération ou la Confédération.

Une Fédération est par définition, par nature, et bien sûr à l’expérience, un super-État. Juristes, historiens et observateurs sont d’accord sur ce point. Les États-Unis d’Amérique et la République Fédérale d’Allemagne sont des exemples types d’une Fédération.

Il en résulte que les États fédérés comme par exemple l’État du Texas au sein des États-Unis ou l’État de la Rhénanie au sein de la République Fédérale d’Allemagne, sont par définition, par nature et bien sûr à l’expérience des États subordonnés à l’État américain ou à l’État allemand. C’est là une évidence.

Mais alors, comment imaginer que nos 15 nations, fières de leur passé, passionnées de leur indépendance pourraient accepter d’être subordonnées à un super-État caractérisé par une Constitution et par un super-gouvernement de Bruxelles qui, automatiquement, obligatoirement, dominerait et dirigerait l’ensemble ? Comment pouvoir admettre l’idée que la France serait mise au rang du Texas ou de la Rhénanie, abaissée au niveau d’un État nominal dominé par un État fédéral et réduite en fait au rôle d’une région avec quelques pouvoirs en plus ? Ce serait une déchéance ! Une injure ! Et une source de conflits à évolution fatalement dramatique !

Comment accepter l’évocation paradoxale d’une « Fédération d’États-Nations », c’est-à-dire l’hypothèse bien précisée d’une domination instaurée sur nos 15 États séculaires aux peuples aguerris et aux racines tellement pénétrantes qu’ils sont devenus des nations viscéralement opposées à toute subordination ou dépendance sous quelque forme que ce soit.

C’est vouloir bâtir consciemment un projet de « Fédération » sur son exact contraire : celui des « États-nations », un contraire au surplus hypersensible portant encore les marques de ses meurtrissures. L’hypothèse « Fédération d’États-Nations » est aussi intrinsèquement contradictoire que le serait celle d’une « dictature démocratique ».

L’antinomie est du même genre. Du genre illusoire.

La solution de la Fédération prise sous un angle ou sous un autre est utopique et humiliante. Elle est nationalement suicidaire puisqu’elle est une subordination. Et internationalement incendiaire, parce que la contagion des mécontentements inévitables puis de la fureur et de la rébellion contre la domination fédérale entraînerait à ne pas en douter la mise à feu de toute l’Europe par le processus d’une sorte de vaste « balkanisation. »

Ce serait la fin de la France ! Et la fin de la paix ! La solution fédérale ne peut qu’être résolument rejetée.

Une Confédération est par définition, par nature, une association d’États. Tous les juristes et observateurs en sont d’accord, mais il n’y a pas actuellement d’exemple véritable de système confédéral (la Suisse en usurpe le titre).

Loin de créer un État artificiel et supérieur ainsi que dans toute fédération, la Confédération, comme toute association, met en place un dispositif fonctionnel et non supérieur, qui relie très naturellement des intérêts similaires pour des actions communes ou parallèles. Et ces actions d’efficacité largement accrue sont diligentées de façon concertée par les représentants politiques des États confédérés, et non menées souverainement par le super-gouvernement du super-État.

Le principe et la pratique d’une association entraînent un esprit collectif qui, à l’opposé d’une quelconque atmosphère de domination, est celui d’une union dans l’égalité des droits et dans la solidarité des efforts. La souveraineté nationale n’est pas abandonnée, même en partie, elle est « déléguée » de façon sectorielle (et matérialisée par des votes à la majorité, qualifiée ou non, sur ce qui n’est pas nationalement fondamental), exactement comme des « délégations de pouvoir » sont données dans toute association, société commercial ou administration. Ainsi que le disait le Général de Gaulle : « Confédérer c’est associer. Il faut bâtir une Confédération, c’est-à-dire un organisme commun auquel les divers États, sans perdre leur corps, leur âme, leur figure, délèguent une part de leur souveraineté. »

Un système confédéral d’association des États peut être aménagé de la façon suivante : des statuts d’association précis et sans équivoque, un président élu pour une durée de deux ou trois ans par le Conseil européen réunissant les chefs d’État ou de gouvernement, un « comité » d’action » siégeant en permanence à Bruxelles composé de personnalité politiques élues ou désignées par chaque nation, une Commission dont la fonction serait de gérer et de suggérer sur le plan technique et administratif, une assemblée d’élus de type parlementaire.

« L’Union européenne » devenue « Confédération » peut alors remplir vraiment son rôle d’initiative et de coordination dans un contexte d’association avec un double objectif : participer plus efficacement à la sécurité générale et dans plusieurs domaines (à définir) organiser par l’addition des moyens des pays confédérés l’aide alors considérable des 15 (ou 25) États à l’avenir de chaque nation européenne toujours indépendante et souveraine.

Jamais dans notre histoire il n’a été mis en discussion de façon démocratique une proposition aussi fondamentale. La responsabilité est prodigieuse. L’erreur serait désastreuse. Or le dilemme est sans équivoque : ou l’on admet, dans une conception inacceptable de l’Europe, que la France ne soit plus la France, et l’on choisit la solution fédérale du super-État avec super-gouvernement ou l’on veut que la France poursuive son éminente destinée dans un cadre structurel bien précis de solidarité européenne génératrice de sécurité et de progrès, et c’est la solution confédérale de l’association, solution basée sur cette réalité : l’Europe n’est pas un peuple que l’on gouverne. Elle est un ensemble d’États-Nation enracinés, dont l’union doit s’établir dans le respect de leurs personnalités