Communiqué du 29 décembre 2007

 

 La décision du Conseil constitutionnel sur le traité de Lisbonne confirme celle sur le TCE

 
  • Conseil Constitutionnel : l’aveu
    La Constitution française devra être modifiée pour ratifier le traité de Lisbonne LE MONDE

En épluchant le traité de Lisbonne, adopté par les Vingt-Sept, le Conseil constitutionnel a eu comme une impression de déjà-vu. Un préambule, 7 articles subdivisés en 500 articles, 11 protocoles et 50 déclarations annexes : sous un habillage différent, revoilà presque sur le fond la Constitution rejetée par référendum le 29 mai 2005. Même cause, mêmes effets : le Conseil constitutionnel a jugé que le traité était, en l’état, contraire à la Constitution française et que, pour le ratifier, il fallait préalablement la modifier. La précédente révision n’a servi à rien : en un article unique, elle faisait référence exclusivement à la Constitution européenne.

Dès le 15 janvier, l’Assemblée nationale et le Sénat examineront le projet de révision qui devrait être adopté par le Congrès, à Versailles, le 4 février. Ne restera alors qu’à voter la loi de ratification du traité, le 7 février pour l’Assemblée, et le 8 pour le Sénat.

Dans un but pédagogique et « pour mettre les politiques face à leurs responsabilités », comme l’indique une source au Conseil, celui-ci a comparé les deux textes et distingué quatre catégories. Un certain nombre de clauses, les plus chargées de sens politique, ne se retrouvent pas dans le nouveau traité : la référence au drapeau, à l’hymne national, à la devise, la création d’un ministre des affaires étrangères européen, le terme même de Constitution ont disparu du nouveau texte. D’autres dispositions ont été déplacées du texte : l’affirmation de la suprématie du droit de l’Union sur les droits nationaux se retrouve ainsi dans une déclaration annexe. A ce propos, le Conseil met les points sur les « i » : ce principe perd de facto sa valeur constitutionnelle. Une troisième catégorie se retrouve intégralement dans le traité.

Et le Conseil renvoie donc à sa décision de 2004 pour la liste des dispositions impliquant un transfert de souveraineté, mais les énumère de manière plus exhaustive qu’il y a trois ans. Il s’agit principalement des compétences de l’Union qui s’exerceront à l’avenir selon les règles de la majorité et non plus de l’unanimité. Enfin, le Conseil relève que de nouveaux transferts de souveraineté, absents de la défunte Constitution, apparaissent dans le nouveau traité, soit une quinzaine de règles liées notamment à « l’espace de liberté, de sécurité et de justice ».

Christophe Jakubyszyn

Christophe Jakubyszyn, journaliste au "Monde", chargé du suivi du gouvernement.

 


  • Anne-Marie Le Pourhiet : « La décision du Conseil constitutionnel sur le traité de Lisbonne confirme celle sur le TCE » (Photo Alain Kerhervé)

L’avis du Conseil constitutionnel rendu le 20 décembre établit que le traité de Lisbonne et le TCE sont presque identiques.

Marianne2.fr. — Quelle est la portée de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur le traité de Lisbonne ce jeudi 20 décembre ?

Anne-Marie Le Pourhiet. — Quand on met côte à côte les conclusions de décembre 2007 sur le traité de Lisbonne et celles de novembre 2004 sur le traité constitutionnel (TCE), on est bien en peine de voir les différences ! Il s’agit pratiquement de la même décision, et le texte publié le 20 décembre fait clairement référence à celui que le Conseil constitutionnel avait rendu sur le TCE. Dans le 12e point, qui porte sur les droits fondamentaux, le conseil note même que « hormis les changements de numérotation » la Charte est la même ! Il y a quelques modifications, comme sur le droit de la famille, qui connaît de nouvelles restrictions pour l’intervention des parlements nationaux. Mais dans l’analyse qui est celle des clauses affectant l’exercice de la souveraineté, il n’y a rien de neuf. Le Conseil n’a pas vocation à statuer sur la procédure de validation par voie parlementaire.

M. — La Constitution que révisera le Congrès pour adopter le traité de Lisbonne. Un Comité national pour un référendum (CNR) s’est constitué : étant donné le constat d’identité dressé par le Conseil constitutionnel entre le traité de Lisbonne et le TCE, les parlementaires qui y ont adhéré pourraient-ils obtenir l’annulation de la validation par l’Assemblée nationale ?

A.-M. L. P. — Selon la Constitution, soixante députés ou soixante sénateurs peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Ils peuvent déférer la loi qui autorise la ratification du traité de Lisbonne en plaidant que l’adoption par voie parlementaire d’un texte qui reprend l’essentiel d’un traité rejeté par le peuple est contraire au principe démocratique consacré par la Constitution. Il n’y pas dans la Constitution français, comme dans celle de la Californie, un article interdisant expressément de modifier une loi référendaire par une loi parlementaire. Le Conseil constitutionnel ne consacre pas non plus dans sa jurisprudence, comme le fait la Cour constitutionnelle italienne, la nécessité d’un nouveau référendum pour contourner la volonté populaire. Le Conseil rejetterait probablement la requête mais, pour les partisans du référendum, ce serait un baroud d’honneur.

M. — François Fillon a donné dans un entretien au Monde un résumé de la réforme Balladur sur les institutions : qu’en est-il de l’option référendaire dans cette révision ?

A.-M. L. P. — Le caractère anti-démocratique de la démarche européenne du gouvernement se confirme, puisque l’avant-projet de révision constitutionnel, préparé par François Fillon, prévoit de ne plus rendre le référendum obligatoire pour les futurs élargissements de l’Union. Cette obligation avait été ajoutée par l’article 88.5 modifié en 2005 par Jacques Chirac à l’occasion du TCE. Alors que le rapport du « comité Balladur » voulait une « cinquième république plus démocratique », on nous sert, en réalité, une confiscation supplémentaire du pouvoir du peuple.

Propos recueillis par Sylvain Lapoix. Source : www.marianne2.fr - mercredi 26 décembre 2007