En
épluchant le traité de Lisbonne, adopté par les Vingt-Sept, le Conseil
constitutionnel a eu comme une impression de déjà-vu. Un préambule, 7
articles subdivisés en 500 articles, 11 protocoles et 50 déclarations
annexes : sous un habillage différent, revoilà presque sur le fond la
Constitution rejetée par référendum le 29 mai 2005. Même cause, mêmes
effets : le Conseil constitutionnel a jugé que le traité était, en
l’état, contraire à la Constitution française et que, pour le ratifier,
il fallait préalablement la modifier. La précédente révision n’a servi à
rien : en un article unique, elle faisait référence exclusivement à la
Constitution européenne.
Dès le 15 janvier, l’Assemblée nationale et le
Sénat examineront le projet de révision qui devrait être adopté par le
Congrès, à Versailles, le 4 février. Ne restera alors qu’à voter la loi
de ratification du traité, le 7 février pour l’Assemblée, et le 8 pour
le Sénat.
Dans un but pédagogique et « pour mettre les
politiques face à leurs responsabilités », comme l’indique une source au
Conseil, celui-ci a comparé les deux textes et distingué quatre
catégories. Un certain nombre de clauses, les plus chargées de sens
politique, ne se retrouvent pas dans le nouveau traité : la référence au
drapeau, à l’hymne national, à la devise, la création d’un ministre des
affaires étrangères européen, le terme même de Constitution ont disparu
du nouveau texte. D’autres dispositions ont été déplacées du texte :
l’affirmation de la suprématie du droit de l’Union sur les droits
nationaux se retrouve ainsi dans une déclaration annexe. A ce propos, le
Conseil met les points sur les « i » : ce principe perd de facto sa
valeur constitutionnelle. Une troisième catégorie se retrouve
intégralement dans le traité.
Et le Conseil renvoie donc à sa décision de 2004
pour la liste des dispositions impliquant un transfert de souveraineté,
mais les énumère de manière plus exhaustive qu’il y a trois ans. Il
s’agit principalement des compétences de l’Union qui s’exerceront à
l’avenir selon les règles de la majorité et non plus de l’unanimité.
Enfin, le Conseil relève que de nouveaux transferts de souveraineté,
absents de la défunte Constitution, apparaissent dans le nouveau traité,
soit une quinzaine de règles liées notamment à « l’espace de liberté, de
sécurité et de justice ».
Christophe Jakubyszyn
Christophe Jakubyszyn, journaliste au
"Monde", chargé du suivi du gouvernement.
L’avis
du Conseil constitutionnel rendu le 20 décembre établit que le traité de
Lisbonne et le TCE sont presque identiques.
Marianne2.fr. — Quelle est la portée de
la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur le traité de
Lisbonne ce jeudi 20 décembre ?
Anne-Marie Le Pourhiet.
— Quand on met côte à côte les
conclusions de décembre 2007 sur le traité de Lisbonne et
celles de novembre 2004 sur le traité constitutionnel (TCE), on est
bien en peine de voir les différences ! Il s’agit pratiquement de la
même décision, et le texte publié le 20 décembre fait clairement
référence à celui que le Conseil constitutionnel avait rendu sur le TCE.
Dans le 12e point, qui porte sur les droits fondamentaux, le conseil
note même que « hormis les changements de numérotation » la Charte est
la même ! Il y a quelques modifications, comme sur le droit de la
famille, qui connaît de nouvelles restrictions pour l’intervention des
parlements nationaux. Mais dans l’analyse qui est celle des clauses
affectant l’exercice de la souveraineté, il n’y a rien de neuf. Le
Conseil n’a pas vocation à statuer sur la procédure de validation par
voie parlementaire.
M. — La Constitution que révisera le
Congrès pour adopter le traité de Lisbonne. Un Comité national pour un
référendum (CNR) s’est constitué : étant donné le constat d’identité
dressé par le Conseil constitutionnel entre le traité de Lisbonne et le
TCE, les parlementaires qui y ont adhéré pourraient-ils obtenir
l’annulation de la validation par l’Assemblée nationale ?
A.-M. L. P.
— Selon la Constitution, soixante députés ou soixante sénateurs peuvent
saisir le Conseil constitutionnel. Ils peuvent déférer la loi qui
autorise la ratification du traité de Lisbonne en plaidant que
l’adoption par voie parlementaire d’un texte qui reprend l’essentiel
d’un traité rejeté par le peuple est contraire au principe démocratique
consacré par la Constitution. Il n’y pas dans la Constitution français,
comme dans celle de la Californie, un article interdisant expressément
de modifier une loi référendaire par une loi parlementaire. Le Conseil
constitutionnel ne consacre pas non plus dans sa jurisprudence, comme le
fait la Cour constitutionnelle italienne, la nécessité d’un nouveau
référendum pour contourner la volonté populaire. Le Conseil rejetterait
probablement la requête mais, pour les partisans du référendum, ce
serait un baroud d’honneur.
M. — François Fillon a donné
dans un entretien au Monde un résumé de la réforme Balladur sur les
institutions : qu’en est-il de l’option référendaire dans cette
révision ?
A.-M. L. P.
— Le caractère anti-démocratique de la démarche européenne du
gouvernement se confirme, puisque l’avant-projet de révision
constitutionnel, préparé par François Fillon, prévoit de ne plus rendre
le référendum obligatoire pour les futurs élargissements de l’Union.
Cette obligation avait été ajoutée par l’article 88.5 modifié en 2005
par Jacques Chirac à l’occasion du TCE. Alors que le rapport du « comité
Balladur » voulait une « cinquième république plus démocratique », on
nous sert, en réalité, une confiscation supplémentaire du pouvoir du
peuple.
Propos
recueillis par Sylvain Lapoix. Source :
www.marianne2.fr
-
mercredi 26 décembre
2007 |
|