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Par
Roland
Hureaux,
qui relève toutes les contradictions de Nicolas Sarkozy en ce qui
concerne les jeux olympiques en Chine, les droits de l'homme et sa
rencontre avec le dalaï-lama. (Revue-Républicaine)
A
la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Pékin, Nicolas Sarkozy
était le seul chef d'État présent parmi ceux des grands pays d'Europe
occidentale. Il est aussi le seul à n'avoir jamais rencontré le
dalaï-lama (qui a déjà été reçu à Washington, à Londres et à Berlin). En
bonne logique, la France devait donc être au cours des prochains mois le
partenaire privilégié de Pékin.
A ce qu'il semble, il n'en est rien. Il se murmure dans les milieux
diplomatiques pékinois qu'une fois le temps des politesses olympiques
passé, la France va payer au prix fort son attitude envers l'Empire du
milieu. Non seulement le président s'est mis à dos les Chinois, mais en
paraissant s'incliner devant le diktat de Pékin, il a déçu les
défenseurs des droits de l'homme. Tels sont les effets de
l'invraisemblable accumulation de maladresses qui a marqué les relations
franco-chinoises depuis un an.
La première fut de laisser présenter la participation du Président
français comme un enjeu politique majeur. Boycotterait-il ou non les
Jeux Olympiques ? se demandait-on il y a un an, sans que personne en
haut lieu n'ait la prudence de désamorcer la question. Le terme de
boycott avait jusque-là une signification pour les athlètes, on ignorait
qu'il en eut pour les invités. Mais si les seconds veulent voler la
vedette aux premiers...
Nicolas Sarkozy n'aurait jamais manqué
l'événement
Quand les Jeux Olympiques eurent lieu à Rome en 1964, le général de
Gaulle, chef de l'État, ne s'y rendit pas, sans que cela ait revêtu une
quelconque signification pour les relations franco-italiennes. Voilà ce
qu'on aurait pu rappeler, le Président se réservant de se déterminer au
dernier moment « en fonction de son emploi du temps ». Silvio Berlusconi
a bien su invoquer la météo pour ne pas aller à Pékin. Déconnection
d'autant plus nécessaire que Nicolas Sarkozy était sans doute décidé dès
le départ, avec son fils, à ne pas manquer l'événement.
Soit-dit en passant, ceux qui tiennent les Jeux olympiques pour une
manifestation purement sportive noteront que la question de la
participation des autorités politiques à la cérémonie d'ouverture ne se
pose pas quand les jeux ont lieu dans État démocratique, à Atlanta ou à
Sydney. Ce n'est que quand ils ont lieu dans un État non-démocratique
que la question se pose : cela seul suffit à faire la différence entre
les pays d'accueil.
Pour durcir encore l'enjeu, la France préside cette saison l'Union
européenne et à travers elle, c'est l'attitude de l'Europe entière qui a
semblé en cause, alors même que le gouvernement français, sur cette
question, en droit, n'engageait que lui. Cela non plus n'a jamais fait
l'objet d'une mise au point.
Soumission et repentance, le double-jeu français
A cette première erreur s'ajoute l'incroyable réaction de soumission
intervenue lorsque le gouvernement chinois a élevé la voix contre les
manifestations ayant accompagné en avril le parcours de la flamme
olympique sur notre territoire. Là où il eut fallu rappeler sèchement
que dans un pays comme la France, à la différence d'autres, les
manifestations de rue ne sont pas téléguidées par le gouvernement, on
envoya au contraire une délégation de haut niveau, le président du Sénat
et un ancien Premier Ministre, rien de moins, pour « renouer le dialogue
». Tout cela avait, qu'on le veuille ou non, l'air d'une repentance et
donc d'un aveu de culpabilité. Alors même que notre police avait fait
plus que du zèle contre les manifestants, laissant même agir sur notre
territoire, au mépris de toutes les règles de souveraineté, un obscur
service d'ordre chinois.
Enfin
comment ne pas trouver insupportables les avertissements arrogants de
Pékin mettant en demeure le gouvernement français de ne pas accueillir
le dalaï-lama lequel, on l'a dit, l'a déjà été dans les grandes
capitales occidentales ? Bernard Kouchner heureusement l'a rappelé. Mais
ces avertissements ont eu leur effet : Nicolas Sarkozy a annoncé à la
veille de son départ pour Pékin qu'il ne recevrait pas le chef religieux
tibétain immédiatement. Là aussi coup double : d'un côté on paraît
s'incliner devant les dirigeants chinois, de l'autre on les mécontente
en laissant supposer que le dalaï-lama sera reçu un peu plus tard.
Comment ces dirigeants n'auront-ils pas eu l'impression, tout au long de
cette histoire, qu'on les prenait pour des imbéciles ?
La
question chinoise illustre les limites de la méthode Sarkozy. On peut
penser beaucoup de mal des hommes qui gouvernent à Pékin mais à la
différence des militants UMP, on ne peut pas leur faire gober tout et
son contraire. C'est la même chose des autres grands dirigeants
étrangers. Mais le dommage est là moins apparent : Washington se réjouit
trop d'un alignement inconditionnel pour faire le difficile. Les
Européens sont déjà habitués à nos pitreries – et d'ailleurs ils en ont
déjà vu d'autres avec ces grands communicants qui ont pour nom Blair ou
Berlusconi. Poutine, pour des raisons qui restent à expliquer,
s'accommode bien du caractère de notre Président. Bien des dégâts ont
déjà été faits en Afrique et en Amérique latine, mais qui s'en préoccupe
aujourd'hui ?
Avec
la Chine, on est tombé sur un os. La somptueuse ouverture des jeux a
montré, s'il en était besoin, que ce pays tient aujourd'hui son rang.
Sans doute fallait-il marquer le coup au sujet du Tibet mais pas avec
tant de légèreté, Monsieur le Président ! Car ces gens-là ne rigolent
pas ! |