12/10/2002

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De Bordeaux à Londres via la Bretagne :
 
le chemin de l’honneur.

  

5 juin 1940 :

Charles de Gaulle est nommé Sous-secrétaire d'État  à la Guerre et à la Défense .

 

Photo de droite : le gouvernement Reynaud, avec un nouveau sous-secrétaire d'Etat, le général de Gaulle

14 juin 1940. Au petit matin, le Général de Gaulle et son aide de camp, le lieutenant Geoffroy de Courcel arrivent à Rennes par la route.

La veille, à Bordeaux, Paul Reynaud a décidé d’envoyer son sous-secrétaire d’Etat à Londres pour une ultime tentative. Comme aucun avion n’était disponible, le Général et le lieutenant empruntent une automobile.

De Rennes, de Gaulle passe par Paimpont où il embrasse sa mère dont la santé est chancelante. Puis, par Morlaix, Carhaix, il atteint Carantec où Yvonne de Gaulle attend avec ses trois enfants et la gouvernante, Marguerite Potel. « Soyez prêts à partir », dit le Général, avant de filer sur Brest où, avec de Courcel, il embarque sur le « Milan ».

16 juin. Débarqués à Plymouth au petit matin, les deux hommes rejoignent Londres. Là, le Général va prendre sa première décision historique. Sans l’avis du gouvernement, il ordonne que le « Pasteur » venant des USA vers la France avec une cargaison d’armes (dont 1000 canons de 75) soit détourné dans un port anglais. Pour lui, les dés sont-ils jetés ?

Pas tout à fait. Dans un hôtel de Hyde Park – à proximité de l’Ambassade de France – Jean Monnet, président du comité de guerre franco-britannique et l’ambassadeur Charles Corbin viennent lui proposer un projet d’union entre les deux pays. Ce projet, rédigé en collaboration avec Arthur Salter et le Rennais René Pleven, est assez révolutionnaire, puisqu’il prévoit une fusion des deux Etats – administrativement et militairement – jusqu’à la victoire finale. Ainsi, Anglais et Français seraient concitoyens !

A 16h40, ce même jour, de Gaulle obtient Reynaud au téléphone et lui lit le texte. Le président du Conseil n’en croit pas ses oreilles et Churchill doit lui en confirmer lui-même la véracité : "Allo! Raynaud! de Gaulle a raison! Notre proposition peut avoir de grandes conséquences. Il faut tenir!" (Mémoires de guerre -L'Appel). Rendez-vous est pris pour un conseil suprême le 17 juin à Concarneau. Il n’aura jamais lieu…

A bordeaux, à 17h, le Conseil des Ministres se réunit sous la présidence d’Albert Lebrun. A peine Reynaud a-t-il terminé sa communication que Pétain s’exclame : « C’est un mariage avec un cadavre ». La proposition, mise au voix, est refusée. Au contraire, une majorité se dégage pour demander les conditions d’Armistice aux Allemands.

A Londres, à 18h30, de Gaulle qui ignore ce douloureux dénouement, s’envole à bord de l’avion personnel de Churchill.

20h., Bordeaux. Le Président du Conseil, Paul Reynaud, présente sa démission au Président de la République qui l’accepte.

Le Maréchal Pétain, sollicité pour former le nouveau gouvernement, propose Laval aux Affaires étrangères e, Weygand à la défense, Darlan à la Marine, Bouthillier aux Finances…

21h30, Mérignac, aérodrome de Bordeaux. Le Général de Gaulle est informé par le Colonel Humbert et Auburtin, membres de son cabinet, des dernières nouvelles. Sa décision est prise.

17 juin. Le Général de Gaulle s’est assuré des ultimes formalités. Sa femme et ses enfants, qui le rejoindront plus tard, recevront leurs passeports à Carantec. Quant à Paul Reynaud, qui a finalement décidé de rester, il remet 100.000 F, provenant de ses fonds secrets, au « chargé de mission ».

9h. Trois hommes prennent place dans l’avion qui les a amenés la veille : de Gaulle, de Courcel et le Général Edward Spears, ami de Churchill. Personne ne prête attention à eux.

Plus tard, Charles de Gaulle relatera dans ses Mémoires de guerre  :  « Nous survolâmes La Rochelle et Rochefort. Dans ces ports brûlaient des navires incendiés par les avions allemands. Nous passâmes au-dessus de Paimpont, où se trouvait ma mère, très malade. La forêt était toute fumante des dépôts de munitions qui s’y consumaient (…) Je m’apparaissais à moi-même, seul et démuni de tout, comme un homme au bord de l’océan qu’il prétendrait franchir à la nage ».   

Pourtant, ce soir du 17 juin, à Londres, au cours du dîner, Mme Jean Monnet l’interroge sur sa « mission », le Général réplique : « Je ne suis pas en mission, Madame. Je suis ici pour sauver l’honneur de la France ».