Un
pouvoir insurrectionnel s'est établi en Algérie par un pronunciamiento
militaire.
Les coupables de l'usurpation ont exploité la passion des
cadres de certaines unités spécialisées, l'adhésion enflammée d'une
partie de la population de souche européenne qu'égarent les craintes et
les mythes, l'impuissance des responsables submergés par la conjuration
militaire.
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Extrait sonore |
Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en
retraite. Il a une réalité : un groupe d'officiers, partisans, ambitieux
et fanatiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire
expéditif et limité. Mais ils ne voient et ne comprennent la nation et
le monde que déformés à travers leur frénésie. Leur entreprise conduit
tout droit à un désastre national.
Car l'immense effort de redressement de la France, entamé
depuis le fond de l'abîme, le 18 juin 1940, mené ensuite jusqu'à ce
qu'en dépit de tout la victoire fût remportée, l'indépendance assurée,
la République restaurée ; repris depuis trois ans, afin de refaire
l'État, de maintenir l'unité nationale, de reconstituer notre puissance,
de rétablir notre rang au-dehors, de poursuivre notre œuvre outre-mer à
travers une nécessaire décolonisation, tout cela risque d'être rendu
vain, à la veille même de la réussite, par l'aventure odieuse et stupide
des insurgés en Algérie. Voici l'État bafoué, la Nation défiée, notre
puissance ébranlée, notre prestige international abaissé, notre place et
notre rôle en Afrique compromis. Et par qui ? Hélas ! Hélas ! par des
hommes dont c'était le devoir, l'honneur, la raison d'être, de servir et
d'obéir.
Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je
dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces
hommes-là, en attendant de les réduire. J'interdis à tout Français et,
d'abord, à tout soldat d'exécuter aucun de leurs ordres. L'argument
suivant lequel il pourrait être localement nécessaire d'accepter leur
commandement sous prétexte d'obligations opérationnelles ou
administratives ne saurait tromper personne. Les seuls chefs, civils et
militaires, qui aient le droit d'assumer les responsabilités sont ceux
qui ont été régulièrement nommés pour cela et que, précisément, les
insurgés empêchent de le faire. L'avenir des usurpateurs ne doit être
que celui que leur destine la rigueur des lois.
Devant le malheur qui plane sur la patrie et la menace qui pèse sur la
République, ayant pris l'avis officiel du Conseil constitutionnel, du
Premier ministre, du président du Sénat, du président de l'Assemblée
nationale, j'ai décidé de mettre en œuvre l'article 16 de notre
Constitution. A partir d'aujourd'hui, je prendrai, au besoin
directement, les mesures qui paraîtront exigées par les circonstances.
Par là même, je m'affirme, pour aujourd'hui et pour demain, en la
légitimité française républicaine que la nation m'a conférée, que je
maintien quoi qu'il arrive, jusqu'au terme de mon mandat ou jusqu'à ce
que me manquent, soit les forces, soit la vie, et dont je prendrai les
moyens d'assurer qu'elle demeure après moi.
Françaises, Français ! Voyez où risque d'aller la France,
par rapport à ce qu'elle était en train de redevenir.
Françaises, Français ! Aidez-moi ! |