Communiqué du 25 octobre 2008

 

Les Français veulent un capitalisme encadré

 
  • Selon un sondage TNS Sofres pour « La Croix », 61 % de nos concitoyens estiment que le capitalisme est le moins mauvais système, mais qu’il faut l’améliorer

Le capitalisme, le moins mauvais des systèmes ? Les Français continuent à en être persuadés. Ni la crise financière internationale, ni la faillite du système bancaire, ni le retour en force de l’intervention de l’État dans l’ensemble des démocraties occidentales ne semblent avoir ébranlé leur foi dans l’économie de marché, même s’ils aspirent à davantage de règles et de contrôles.

Selon le sondage TNS Sofres réalisé pour La Croix sur « Les Français, la crise et la réforme du capitalisme », 61 % d’entre eux estiment en effet que l’économie de marché est « le système le moins mauvais » et qu’« il faut l’améliorer ».

Une proportion qui n’a guère évolué depuis l’année dernière. Ils étaient déjà 65 % à le penser lors d’une précédente enquête réalisée sur le sujet pour Le Nouvel Observateur. « De ce point de vue, la crise n’a pas chamboulé les grands équilibres, commente Guillaume Petit, directeur d’études chez TNS Sofres. Les événements de ces dernières semaines n’ont pas provoqué de rupture entre les Français et le capitalisme. »

Faute d’alternative identifiable, le consensus reste donc fort autour de l’idée qu’il faut garder le système actuel tout en l’améliorant, et ce aussi bien à droite qu’à gauche. Les proches du Parti socialiste sont 65 % à le penser, ils sont 66 % chez les partisans du MoDem, et 69 % chez les sympathisants de droite. Preuve, s’il en était encore besoin, que l’aggiornamento du PS en faveur de l’économie de marché est bien une réalité dans les esprits, même s’il l’est un peu moins dans les discours de certains de ses dirigeants.

Néanmoins, le doute est aujourd’hui plus fort chez nos concitoyens à l’égard d’un système qui a fait la démonstration qu’il était aussi capable de générer les pires excès. La proportion de ceux qui considèrent qu’il faut changer de système a progressé de 13 points entre les deux enquêtes.

Ils étaient 16 % des Français à le penser en juillet 2007, ils sont aujourd’hui 29 %, soit près d’un tiers des personnes interrogées. Une proportion non négligeable qui montre à quel point l’ampleur de la crise a marqué les esprits, notamment dans les catégories les plus fragiles de la population – ceux qui travaillent à temps partiel – et chez les moins diplômés.

Du coup, « il y a une demande forte des Français en faveur d’une régulation de l’État, qui est en phase avec les interventions de Nicolas Sarkozy sur la crise », observe Guillaume Petit. Les trois quarts des Français (76 %) ont en effet le sentiment que l’économie sera d’ici une dizaine d’années plus réglementée qu’elle ne l’est aujourd’hui, alors qu’ils n’étaient que 51 % il y a huit ans, peu de temps après l’explosion de la bulle Internet.

Un bond spectaculaire de 25 points – rare dans ce type d’enquête – qui montre que nos concitoyens semblent croire aux bonnes résolutions prises par les chefs d’État européens et américain depuis le début de la crise. Surtout les plus jeunes d’entre eux, puisque 82 % des moins de 35 ans estiment qu’il y aura de plus en plus de règles.

Quatre grandes mesures ont massivement la préférence des Français pour réformer le capitalisme. 92 % sont favorables à ce qu’on réglemente et contrôle davantage les banques, les fonds d’investissement et les fonds de pension ; 89 % sont pour le plafonnement des rémunérations des dirigeants des banques et la suppression des parachutes dorés en cas de mauvais résultats ; 89 % veulent inciter les entreprises à fixer des objectifs de rentabilité moins élevés ; 86 % se prononcent en faveur de la lutte contre les paradis fiscaux.

Mesures emblématiques de la lutte contre les excès du capitalisme financier, la fin des parachutes dorés et la lutte contre les paradis fiscaux emportent largement l’adhésion, puisque les sondés sont respectivement 69 % et 59 % à juger qu’il s’agit d’une « très bonne idée ».

Plus surprenant : si l’hypothèse d’une nationalisation des banques et des organismes de crédit, qui est au cœur de la question de l’intervention de l’État dans l’économie, divise les Français, elle n’est pas complètement écartée. 48 % des personnes interrogées jugent qu’il s’agit d’une mauvaise idée, contre 45 % qui y sont au contraire favorables.

Là encore, le clivage droite/gauche n’explique pas tout. En regardant les réponses dans le détail, on trouve autant de sympathisants socialistes qui y sont favorables qu’opposés (46 %). Et si à droite on y est majoritairement défavorable, il se trouve quand même 41 % des sympathisants de l’UMP pour qui il s’agit d’une bonne idée.

À l’évidence, les nationalisations d’établissements bancaires intervenues depuis le début de la crise, notamment aux États-Unis et en Angleterre, ont contribué à lever ce qui était devenu politiquement tabou, y compris au PS. Mais l’intervention de l’État a une limite. 64 % des Français sont hostiles à la proposition d’Olivier Besancenot de regrouper dans chaque pays les banques en un seul service public bancaire.

D’une manière globale, le sondage montre une large adhésion de nos concitoyens à des mesures de régulation du capitalisme. « Il y a une nécessité maintenant pour nos dirigeants de traduire ces discours en actes s’ils ne veulent pas décevoir les attentes, conclut Guillaume Petit, au risque de provoquer cette fois une vraie rupture. »


Céline ROUDEN (La Croix.com)