La loi « HADOPI[1] » :
traque des internautes et archaïsme au service d’intérêts particuliers
Alors que le
téléchargement et le « P2P » (transmission d’ordinateur à ordinateur)
sur Internet deviennent des phénomènes de société, tant les « ados » se
séparent difficilement de leur lecteur MP3 ou MP4, le précédent
gouvernement et Renaud Donnedieu de Vabres s’étaient déjà illustrés par
la fameuse « DADVSI » (loi sur le Droit d’Auteur et les Droits Voisins
dans la Société de l’Information ».
Dépassée dès son adoption, il y a seulement deux
ans, le 30 juin 2006, cette DADVSI n’était qu’une énième façon pour le
Gouvernement français de se plier aux ordres de Bruxelles en transposant
servilement une de ses innombrables « Directives ».
L’essentiel « de
l’époque » consistait donc à interdire le droit à la copie privée des
DVD et le « P2P » et même le droit d’écouter en voiture un CD,
légalement acheté, mais déjà apprécié au salon.
On légalisait donc
des verrous numériques (« MTP » ou « DRM »), dont les étudiants de
première année d’informatique rient encore.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille
jeter le droit d’auteur aux orties et revenir au droit prévalant avant
Beaumarchais !
La création de l’esprit doit être rémunérée, tant
par équité envers les auteurs que pour soutenir toutes les formes
d’écriture et d’art.
Reste à répondre à cette question par une solution
adaptée aux techniques d’aujourd’hui et à l’internationalisation
d’Internet…
À cet égard, la
LICENCE GLOBALE, fugacement adoptée par l’Assemblée Nationale fin 2005
-avec Nicolas DUPONT-AIGNAN, avant la contre-attaque de Donnedieu de
Vabres, reste une piste intéressante, quoiqu’en disent 50 artistes.
50 « artistes » sur 60 millions de Français,
donnant des leçons de vertus aux internautes qui téléchargent sans
payer 2 €, quand nombre d’entre eux vivent en Suisse pour ne PAS payer
l’impôt ni contribuer à la solidarité nationale…
En tout cas, le
projet « Création et Internet », surnommé « HADOPI », déposé par
Christine ALBANEL sous la férule de l’Élysée, ne prend le chemin ni de
l’efficacité ni de la justice.
De fait, ce texte est non seulement liberticide,
mais il instaure une justice privée inéquitable et techniquement
dépassée.
I/ Une loi LIBERTICIDE
Le projet de Loi
HADOPI est triplement liberticide :
1/ Il établit une justice privée
2/ Il introduit une responsabilité collective
3/ Il instaure une présomption de responsabilité
1/ Une justice privée
Un article du projet donne la possibilité à
l'Hadopi d'exiger des
fournisseurs d'accès qu'ils filtrent l'accès à certains sites, sur
demande des ayants droit (SACEM, etc.).
Or, jusqu'à présent, seul un tribunal disposait de
ce pouvoir.
Cette évolution correspond à la volonté de « déjudiciariser
le traitement » de ces questions, selon les
propres termes de la ministre de la Culture Christine Albanel.
Autrement dit, quand une société privée, ayant
surveillé Internet, pensera qu’un téléchargement est illicite, il lui
suffira d’alerter une « Commission » dotée de pouvoirs coercitifs, sans
passer par un juge…
2/ L’instauration d’une responsabilité collective
Devant l’échec de la
DADVSI (si peu crédible que la « Haute Autorité de Régulation des
Mesures Techniques » qu’elle prévoyait n’a jamais été mise en place !),
la loi mise en débat devant la représentation nationale met un terme aux
« verrous numériques », morts nés.
Est-ce un progrès ? Non, car la loi « HADOPI »
promet bien pire !
En effet, chacun sait que, dans chaque ménage, un
seul contrat « Internet » conclu, au nom d’un des parents, est ensuite
utilisé par la famille entière, les enfants et les amis.
Or, du simple courriel à la consultation de
données, chaque connexion est repérable par la véritable identité du
titulaire du contrat : le fameux n° « IP » (Internet Protocol).
Déjà, par ce code et
par son suivi demandé par des sociétés privées, chaque français
internaute pourra désormais être légalement espionné par la
HADOPI (Haute Autorité de la Diffusion des Œuvres et de la Protection
des droits sur Internet).
Mais encore, si
l’invité du fils de la famille « va sur le net » et télécharge en
« P2P illégal» une chanson, ou un film, c’est le titulaire du contrat
qui sera, de plein droit, coupable d’une infraction toute nouvelle :
« non surveillance de connexion Internet » ! …
Responsable pour autrui…
3/ Introduction d’une présomption de culpabilité
Non seulement la HADOPI rendra le titulaire d’un
contrat Internet coupable d’un délit de non-surveillance, mais elle
posera une présomption de culpabilité par rapport aux téléchargements
interdits.
En effet, contrairement au droit commun, la HADOPI
n’aura pas à prouver la culpabilité du titulaire du contrat et,
formidable régression du DROIT, ce renversement de la charge de la
preuve s’opèrera à l’encontre du faible (l’internaute face à la SACEM),
qui devra prouver l’inverse !
Présumé coupable,
car titulaire d’un contrat Internet !
Or, c’est à partir de cette présomption que la
prétendue « riposte graduée » pourra se mettre en marche, sans qu’un
juge puisse y mettre obstacle.
Il faut donc que les
Français sachent qu’une « Autorité Administrative » aura désormais plus
de pouvoir sur eux que le juge et même que la CNIL, car la HADOPI pourra
les mettre sur « liste noire » pendant un an, et empêcher toute
tentative de réabonnement chez un autre fournisseur…
Big brother est de retour !
Sous prétexte de surveiller les téléchargements
illégaux (viol du droit d’auteur) en P2P, tous les citoyens pourront
être tracés !
II/ Une justice privée dépassée et inéquitable
1/ Des principes dépassés
La moindre des nécessités du législateur est
d’observer l’époque et ses modèles économiques. Ainsi, la « gratuité »
est en train d’en devenir un, notamment quand, au lieu de vendre de
l’information à un lecteur de journal payant, on vend de plus un
consommateur de publicité -sur journal gratuit- à des annonceurs…
Ainsi, la « vente » de musique sur le net, à
l’heure des serveurs installés partout dans les pays de non-droit
devient une vision archaïque. C’est ainsi, mais peut-on condamner
moralement plus un smicard, téléchargeant sans vouloir payer, qu’un
artiste richissime partant pour l’étranger en refusant de payer…
l’impôt ?
Dans ce contexte, malgré son archaïsme, la HADOPI
a t-elle au moins le mérite de pouvoir sauver le droit d’auteur sur le
Net ?
Certes non, car, dès maintenant, des serveurs
situés hors de nos frontières effacent les adresses IP, rangent les
fameux logiciels « e-mule et autres « kazaa » au rayon des antiquités,
et permettent le suivi du téléchargement illégal !
À l’évidence, pendant quelques mois, certains
adolescents continueront à se faire « pincer » et à entraîner leurs
parents dans d’affreux ennuis. Mais pour qui ?
Non pas pour des auteurs anonymes, mais pour des
« majors », titulaires des « droits voisins », et instrumentant quelques
artistes bien en cour « chez qui vous savez ».
Ce sont donc ces « majors » qui retireront le
profit de ce médiocre texte, rédigé par l’ancien PDG de la FNAC, Denis
OLIVENNES, cas unique où la République a officiellement demandé à une
partie prenante intéressée de rédiger un projet « d’intérêt général » !
Enfin, ce texte est
également dépassé en matière de « création », car on observera que, si
50 artistes déjà chenus défendent la loi dont ils espèrent une rente,
aucun des jeunes talents auxquels le téléchargement sert de publicité et
de rampe de lancement n’est pris en compte…
2/ Des sanctions inéquitables
Au moment où la « WI-FI »
permet facilement de « détourner » l’accès Internet d’un tiers, et de
lui faire supporter une présomption quasi irréfragable de culpabilité de
téléchargement, la HADOPI est également fort inéquitable.
La connexion INTERNET des « coupables » pourra
être coupée pour un an, sans même qu’un appel soit suspensif !
Même les pédopornophiles n’ont pas droit à tel
traitement !
Les personnes ainsi traitées perdront le droit de
recevoir des mèls, de remplir leurs déclarations en ligne, de faire des
recherches sur la « toile », etc.
Pour cinquante « artistes » établis, « votant
virtuellement bien » à partir de la Suisse, la HADOPI apportera quelques
royalties supplémentaires très provisoires, pendant les quelques mois
nécessaires aux informaticiens pour la contourner. Bref, comme la
DADVSI : rien…
Mais après ?
Le droit d’auteur ne sera toujours pas plus
protégé qu’avant, tandis que la HADOPI aura eu le temps de constituer un
formidable fichier d’internautes, loin de la CNIL.
Gageons qu’à l’heure où des référendums se perdent
grâce à Internet, ces adresses IP ne seront pas perdues pour tout le
monde !
La vérité est que le droit d’auteur doit se servir
de la liberté du Net au lieu de tenter ridiculement de la bloquer, de
façon aussi obsolète qu’inquisitoriale !
Conclusion
À l’heure de ces lignes, nul ne sait encore
comment le texte de Madame ALBANEL sortira des débats au Parlement. Il
ne saurait guère être pire.
En tout cas, alors qu’un rideau de fumée est tiré
pour évoquer la mise en place d’une « riposte graduée » (contraire aux
recommandations du Parlement Européen se préoccupant de Droits de
l’Homme !), chacun doit savoir que le Président de la République et
Madame ALBANEL veulent protéger quelques privilégiés en allant jusqu’à
la privation collective, familiale, de l’accès à Internet.
Non seulement cette volonté contredit la LCEN (Loi
de Confiance en l’Économie Numérique) de mai 2004, et son principe de
« liberté de communication sur Internet », mais elle va même jusqu’à
ridiculiser la toute neuve « LME » de Madame LAGARDE, qui souhaite
instaurer le haut débit pour chaque Français.
Or, à quoi sert le HAUT DÉBIT, si ce n’est au
téléchargement ???
Faut-il pour
quelques « majors » en perte de vitesse -et en mal d’imagination
mercatique- bafouer le droit des contrats (résiliation des contrats
FAI), instaurer une responsabilité pour autrui (quasi-délit pour autrui,
au-delà de l’art. 1384 du Code civil) et menacer les libertés
fondamentales ?
La réponse tient dans la question !
Au reste, Jacques Attali dit pis que pendre du
projet HADOPI. N’écrit-il pas, dans son célèbre rapport :
« Il convient de
faire verser par les fournisseurs d’accès Internet une contribution aux
ayants droit auprès des différentes sociétés de gestion collective des
droits d’auteur, sous la forme d’une rémunération assise sur le volume
global d’échanges de fichiers vidéo ou musicaux.
Cette contribution, qui pourra être répercutée sur
les usagers, assurera une rémunération juste des artistes, en complément
des revenus du spectacle vivant, des CD, des DVD, (nous ajoutons
lecteurs MP3 etc.) des abonnements au téléchargement et de toute autre
source de revenu à venir, sans pour autant pénaliser le développement
d’Internet. »
Autrement dit, l’un des ouvriers de
« l’ouverture » appelle à la licence globale et condamne d’avance
l’HADOPI pour entrave à la croissance et obsolescence immédiate.
L’intérêt général est celui des millions
d’internautes, et non pas celui d’un groupe minoritaire d’artistes
installés.
La protection des droits d’auteurs et des droits
voisins doit s’y adapter en changeant d’assiette et en quittant le
domaine du support et de la connexion unitaire, pour gagner la taxation
forfaitaire des abonnements, voire des appareils d’enregistrement.
Point n’est besoin d’espionner les citoyens pour
ça, ni de les priver d’un mode de communication unique, au centre d’une
économie numérique qu’on prétend par ailleurs favoriser !
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