Communiqué du 25 juin 2008

 

La loi HADOPI                                                                                                                                                             par Christian Lechevalier

 
  • Tribune libre de notre ami Christian Lechevalier  pour gaullisme.fr

La loi « HADOPI[1] » : traque des internautes et archaïsme au service d’intérêts particuliers

Alors que le téléchargement et le « P2P » (transmission d’ordinateur à ordinateur) sur Internet deviennent des phénomènes de société, tant les « ados » se séparent difficilement de leur lecteur MP3 ou MP4, le précédent gouvernement et Renaud Donnedieu de Vabres s’étaient déjà illustrés par la fameuse « DADVSI » (loi sur le Droit d’Auteur et les Droits Voisins dans la Société de l’Information ».

Dépassée dès son adoption, il y a seulement deux ans, le 30 juin 2006, cette DADVSI n’était qu’une énième façon pour le Gouvernement français de se plier aux ordres de Bruxelles en transposant servilement une de ses innombrables « Directives ».

L’essentiel « de l’époque » consistait donc à interdire le droit à la copie privée des DVD et le « P2P » et même le droit d’écouter en voiture un CD, légalement acheté, mais déjà apprécié au salon.

On légalisait donc des verrous numériques (« MTP » ou « DRM »), dont les étudiants de première année d’informatique rient encore.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille jeter le droit d’auteur aux orties et revenir au droit prévalant avant Beaumarchais !

La création de l’esprit doit être rémunérée, tant par équité envers les auteurs que pour soutenir toutes les formes d’écriture et d’art.

Reste à répondre à cette question par une solution adaptée aux techniques d’aujourd’hui et à l’internationalisation d’Internet…

À cet égard, la LICENCE GLOBALE, fugacement adoptée par l’Assemblée Nationale fin 2005 -avec Nicolas DUPONT-AIGNAN, avant la contre-attaque de Donnedieu de Vabres, reste une piste intéressante, quoiqu’en disent 50  artistes.

50 « artistes » sur 60 millions de Français, donnant des leçons de vertus aux internautes qui téléchargent sans payer  2 €, quand nombre d’entre eux vivent en Suisse pour ne PAS payer l’impôt ni contribuer à la solidarité nationale…

En tout cas, le projet « Création et Internet », surnommé « HADOPI », déposé par Christine ALBANEL sous la férule de l’Élysée, ne prend le chemin ni de l’efficacité ni de la justice.

 

De fait, ce texte est non seulement liberticide, mais il instaure une justice privée inéquitable et techniquement dépassée.

 

I/ Une loi LIBERTICIDE

 

Le projet de Loi HADOPI est triplement liberticide :

1/ Il établit une justice privée

2/ Il introduit une responsabilité collective

3/ Il instaure une présomption de responsabilité

 

1/ Une justice privée

Un article du projet donne la possibilité à l'Hadopi d'exiger des fournisseurs d'accès qu'ils filtrent l'accès à certains sites, sur demande des ayants droit (SACEM, etc.).

Or, jusqu'à présent, seul un tribunal disposait de ce pouvoir.

Cette évolution correspond à la volonté de « déjudiciariser le traitement » de ces questions, selon les propres termes de la ministre de la Culture Christine Albanel.

Autrement dit, quand une société privée, ayant surveillé Internet, pensera qu’un téléchargement est illicite, il lui suffira d’alerter une « Commission » dotée de pouvoirs coercitifs, sans passer par un juge…

 

2/ L’instauration d’une responsabilité collective

Devant l’échec de la DADVSI (si peu crédible que la « Haute Autorité de Régulation des Mesures Techniques » qu’elle prévoyait n’a jamais été mise en place !), la loi mise en débat devant la représentation nationale met un terme aux « verrous numériques », morts nés.

Est-ce un progrès ? Non, car la loi « HADOPI » promet bien pire !

En effet, chacun sait que, dans chaque ménage, un seul contrat « Internet » conclu, au nom d’un des parents, est ensuite utilisé par la famille entière, les enfants et les amis.

Or, du simple courriel à la consultation de données, chaque connexion est repérable par la véritable identité du titulaire du contrat : le fameux n° « IP » (Internet Protocol).

Déjà, par ce code et par son suivi demandé par des sociétés privées, chaque français internaute pourra désormais être légalement espionné par la HADOPI (Haute Autorité de la Diffusion des Œuvres et de la Protection des droits sur Internet).

Mais encore, si l’invité du fils de la famille « va sur le net » et télécharge en « P2P illégal» une chanson, ou un film, c’est le titulaire du contrat qui sera, de plein droit, coupable d’une infraction toute nouvelle : « non surveillance de connexion Internet » ! …

Responsable pour autrui…

 

3/ Introduction d’une présomption de culpabilité

Non seulement la HADOPI rendra le titulaire d’un contrat Internet coupable d’un délit de non-surveillance, mais elle posera une présomption de culpabilité par rapport aux téléchargements interdits.

En effet, contrairement au droit commun, la HADOPI n’aura pas à prouver la culpabilité du titulaire du contrat et, formidable régression du DROIT, ce renversement de la charge de la preuve s’opèrera à l’encontre du faible (l’internaute face à la SACEM), qui devra prouver l’inverse !

Présumé coupable, car titulaire d’un contrat Internet !

Or, c’est à partir de cette présomption que la prétendue « riposte graduée » pourra se mettre en marche, sans qu’un juge puisse y mettre obstacle.

Il faut donc que les Français sachent qu’une « Autorité Administrative » aura désormais plus de pouvoir sur eux que le juge et même que la CNIL, car la HADOPI pourra les mettre sur « liste noire » pendant un an, et empêcher toute tentative de réabonnement chez un autre fournisseur…

Big brother est de retour !

Sous prétexte de surveiller les téléchargements illégaux (viol du droit d’auteur) en P2P, tous les citoyens pourront être tracés !

 

II/ Une justice privée dépassée et inéquitable

 

1/ Des principes dépassés

La moindre des nécessités du législateur est d’observer l’époque et ses modèles économiques. Ainsi, la « gratuité » est en train d’en devenir un, notamment quand, au lieu de vendre de l’information à un lecteur de journal payant, on vend de plus un consommateur de publicité -sur journal gratuit- à des annonceurs…

Ainsi, la « vente » de musique sur le net, à l’heure des serveurs installés partout dans les pays de non-droit devient une vision archaïque. C’est ainsi, mais peut-on condamner moralement plus un smicard, téléchargeant sans vouloir payer, qu’un artiste richissime partant pour l’étranger en refusant de payer… l’impôt ?

Dans ce contexte, malgré son archaïsme, la HADOPI a t-elle au moins le mérite de pouvoir sauver le droit d’auteur sur le Net ?

Certes non, car, dès maintenant, des serveurs situés hors de nos frontières effacent les adresses IP, rangent les fameux logiciels « e-mule et autres « kazaa » au rayon des antiquités, et permettent le suivi du téléchargement illégal !

À l’évidence, pendant quelques mois, certains adolescents continueront à se faire « pincer » et à entraîner leurs parents dans d’affreux ennuis. Mais pour qui ?

Non pas pour des auteurs anonymes, mais pour des « majors », titulaires des « droits voisins », et instrumentant quelques artistes bien en cour « chez qui vous savez ».

Ce sont donc ces « majors » qui retireront le profit de ce médiocre texte, rédigé par l’ancien PDG de la FNAC, Denis OLIVENNES, cas unique où la République a officiellement demandé à une partie prenante intéressée de rédiger un projet « d’intérêt général » !

Enfin, ce texte est également dépassé en matière de « création », car on observera que, si 50 artistes déjà chenus défendent la loi dont ils espèrent une rente, aucun des jeunes talents auxquels le téléchargement sert de publicité et de rampe de lancement n’est pris en compte…

 

2/ Des sanctions inéquitables

Au moment où la « WI-FI » permet facilement de « détourner » l’accès Internet d’un tiers, et de lui faire supporter une présomption quasi irréfragable de culpabilité de téléchargement, la HADOPI est également fort inéquitable.

La connexion INTERNET des « coupables » pourra être coupée pour un an, sans même qu’un appel soit suspensif !

Même les pédopornophiles n’ont pas droit à tel traitement !

 

Les personnes ainsi traitées perdront le droit de recevoir des mèls, de remplir leurs déclarations en ligne, de faire des recherches sur la « toile », etc.

Pour cinquante « artistes » établis, « votant virtuellement bien » à partir de la Suisse, la HADOPI apportera quelques royalties supplémentaires très provisoires, pendant les quelques mois nécessaires aux informaticiens pour la contourner.  Bref, comme la DADVSI : rien…

Mais après ?

Le droit d’auteur ne sera toujours pas plus protégé qu’avant, tandis que la HADOPI aura eu le temps de constituer un formidable fichier d’internautes, loin de la CNIL.

Gageons qu’à l’heure où des référendums se perdent grâce à Internet, ces adresses IP ne seront pas perdues pour tout le monde !

La vérité est que le droit d’auteur doit se servir de la liberté du Net au lieu de tenter ridiculement de la bloquer, de façon aussi obsolète qu’inquisitoriale !

 

Conclusion

À l’heure de ces lignes, nul ne sait encore comment le texte de Madame ALBANEL sortira des débats au Parlement. Il ne saurait guère être pire.

En tout cas, alors qu’un rideau de fumée est tiré pour évoquer la mise en place d’une « riposte graduée » (contraire aux recommandations du Parlement Européen se préoccupant de Droits de l’Homme !), chacun doit savoir que le Président de la République et Madame ALBANEL veulent protéger quelques privilégiés en allant jusqu’à la privation collective, familiale, de l’accès à Internet.

Non seulement cette volonté contredit la LCEN (Loi de Confiance en l’Économie Numérique) de mai 2004, et son principe de « liberté de communication sur Internet », mais elle va même jusqu’à ridiculiser la toute neuve « LME » de Madame LAGARDE, qui souhaite instaurer le haut débit pour chaque Français.

Or, à quoi sert le HAUT DÉBIT, si ce n’est au téléchargement ???

Faut-il pour quelques « majors » en perte de vitesse -et en mal d’imagination mercatique- bafouer le droit des contrats (résiliation des contrats FAI), instaurer une responsabilité pour autrui (quasi-délit pour autrui, au-delà de l’art. 1384 du Code civil) et menacer les libertés fondamentales ?

La réponse tient dans la question !

Au reste, Jacques Attali dit pis que pendre du projet HADOPI. N’écrit-il pas, dans son célèbre rapport :

 « Il convient de faire verser par les fournisseurs d’accès Internet une contribution aux ayants droit auprès des différentes sociétés de gestion collective des droits d’auteur, sous la forme d’une rémunération assise sur le volume global d’échanges de fichiers vidéo ou musicaux.

Cette contribution, qui pourra être répercutée sur les usagers, assurera une rémunération juste des artistes, en complément des revenus du spectacle vivant, des CD, des DVD, (nous ajoutons lecteurs MP3 etc.) des abonnements au téléchargement et de toute autre source de revenu à venir, sans pour autant pénaliser le développement d’Internet. »

 

Autrement dit, l’un des ouvriers de « l’ouverture » appelle à la licence globale et condamne d’avance l’HADOPI pour entrave à la croissance et obsolescence immédiate.

L’intérêt général est celui des millions d’internautes, et non pas celui d’un groupe minoritaire d’artistes installés.

La protection des droits d’auteurs et des droits voisins doit s’y adapter en changeant d’assiette et en quittant le domaine du support et de la connexion unitaire, pour gagner la taxation forfaitaire des abonnements, voire des appareils d’enregistrement.

Point n’est besoin d’espionner les citoyens pour ça, ni de les priver d’un mode de communication unique, au centre d’une économie numérique qu’on prétend par ailleurs favoriser !

[1] Soumise au conseil des Ministres en juin 2008