22  juin
2009

 

Après le voile, la burqa

 
  • Cinq ans après le voile, le débat monte d'un cran : c'est la burqa, aujourd'hui, qui pose problème. Tragique.

La dépêche de l’AFP est tombée hier (17 juin), peu après 18 heures 30 : « Une soixantaine de députés, emmenés par le député PCF de Vénissieux (Rhône) André Gérin, ont demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le port en France de la burqa ou du niqab, le voile intégral revêtu par certaines femmes musulmanes, au risque de relancer une « guerre du voile ». Cinq ans après la loi sur le port du voile à l’école, le débat ne porte donc plus sur un foulard qui cache les cheveux (et le cou, dans certains cas), mais sur un vêtement qui recouvre l’intégralité du corps des femmes, de la tête aux orteils, ne laissant apparaître que les mains (gantées) et les yeux (et encore, pas toujours). Comment a-t-on pu en arriver là ?

« Epiphénomène monté en épingle », diront les sempiternels Amélie Poulain des banlieues — sociologues bien-pensants, associatifs aveugles, etc. « Islamophobie », diront les communautaristes — l’UOIF est d’ailleurs déjà montée au créneau  et dénonce « une nouvelle manœuvre propre à encourager les amalgames » selon son secrétaire général Fouad Alaoui.

Ont-ils raison ? Non. Le problème existe. Certes, lorsqu’on parle de burqa ou de niqab, ce sont les images des femmes afghanes ou iraniennes qui viennent à l’esprit de beaucoup de Français. Mais ceux qui vivent dans les cités de Roubaix,  de Vénissieux, de Val de Reuil, de Nanterre ou d’ailleurs pensent, eux, à celles qu’on surnomme dans certaines villes les « Belphégor », ces sombres silhouettes fantomatiques et saisissantes dont la seule vision fait bondir le cœur dans la poitrine. Eh oui : il est des endroits en France où  le spectacle de ces femmes sans visage, qui toujours se hâtent pour se dérober aux regards des passants— sauf quand elles sont accompagnées de leur mari — fait partie du quotidien. Des quartiers où le port de la burqa ou du niqab se banalise. C’est ce que dénoncent André Gérin et les 57 autres parlementaires de tous bords (communistes, socialistes, UMP, Nouveau centre, non-inscrits). « Nous sommes aujourd’hui confrontés, dans les quartiers de nos villes, au port par certaines femmes musulmanes de la burqa, voilant et enfermant intégralement le corps et la tête dans de véritables prisons ambulantes ou du niqab qui ne laisse apparaître que les yeux », écrit le maire de Vénissieux dans sa proposition.

Peu à peu, élus et associatifs lui emboîtent le pas, comme s’ils avaient attendu cette occasion pour évoquer un problème dont ils avaient connaissance depuis longtemps. Xavier Darcos, interrogé ce matin sur I-Télé, a qualifié la burqa de forme « d’oppression ». Valérie Létard, secrétaire d’Etat à la solidarité, se dit favorable à une proposition qui « a pour intérêt de mieux creuser la question pour mieux comprendre et agir ». Fadela Amara considère que c’est « une bonne initiative » et que « la démocratie et la République » doivent se donner « les moyens de stopper la propension de la burqa. » La secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, se dit «profondément choquée» par la situation. Le recteur de la Mosquée de Paris Dalil Boubakeur a « déploré », sur Europe1, que le port de la burqa se développe en France, signe évident pour lui d'une « radicalisation ».

Le débat n’est donc pas de savoir si la burqa se développe en France : 24 heures après la dépêche de l’AFP, personne ou presque ne le nie plus. La polémique porte dorénavant sur la nécessité, ou non, d’interdire ce « vêtement » dégradant. Cinq ans après la loi sur le voile à l’école, voilà où nous en sommes : déterminer si le port de la burqa à l’Afghane ou du niqab à l’Iranienne relève ou non de la simple liberté individuelle. Finalement, la laïcité est peut-être en train de perdre définitivement la partie.

 

Bénédicte Charles (www.marianne2.fr)