|
Ils détiennent
la clef des candidatures à la présidentielle.
La IVème
république prend sa revanche.
Le parti
charnière revit de ses cendres.
Et si les
Français envoyaient tout balader ?
Par
Nicolas Domenach,
directeur adjoint de la rédaction de Marianne.
Pour
un peu on aurait cru hier que José Bové allait démonter le Conseil
Constitutionnel. Il avait la moustache Mac Do, le candidat à la
candidature altermondialiste, en rage contre ce système « injuste et
anti-démocratique » qui veut que, pour être en mesure de se présenter à
l'élection présidentielle, le prétendant doive fournir 500 signatures
d'élus venant de plus de 30 départements. Signatures que le Conseil
Constitutionnel rendra publiques, perspective qui a réduit
singulièrement le nombre des élites volontaires.
C'était d'ailleurs le but de la manœuvre : faire en sorte que les 47 000
députés, sénateurs et maires n'accordent plus facilement leur paraphe,
afin de réduire le nombre de candidats. Cette procédure restrictive
n'avait pas empêché qu'il y ait 16 impétrants en lice lors du dernier
scrutin présidentiel. Mais, cette fois, leur nombre risque d'être
beaucoup plus restreint. D'abord, parce qu'il y a eu le 21 avril 2002,
l'élimination de Jospin. Les partis refusent de s'exposer désormais à
une si traumatisante mésaventure. « On ne veut pas être cocu et payer la
chambre », lâche Hollande qui, cette fois, a passé un ordre qu'il
réitère régulièrement : pas de signatures pour Besancenot ni pour
Voynet.
A l'UMP et à l'UDF, on a fait passer des consignes identiques. Plus
question de se livrer à ces sombres manœuvres de scribouilles et de
gribouilles qui avaient permis d'empêcher la candidature de Pasqua - le
RPR lui avait promis des signatures qui lui auraient été retirés au
dernier moment – et de favoriser la présence de concurrents susceptibles
d'affaiblir la gauche. C'est ainsi en effet que la radicale Christiane
Taubira et l'écologiste Corinne Lepage avaient bénéficié de paraphes
fournis par des missi dominici de l'Elysée, ainsi que Bruno Mégret qui,
lui, devait mettre en difficulté censément Jean-Marie Le Pen.
Cette fois donc, promis juré, tout se passerait au grand jour. Ce qui
effarouche, on s'en doute, les élus, en particulier les édiles de
petites communes, qui se sont faits tancer par leurs administrés,
parfois menacer, pour avoir signé en faveur de l'extrême droite mais
aussi de l'extrême gauche. « Afin de préserver, l'harmonie du conseil
municipal », beaucoup de petits maires gardent les mains dans les poches
avec d'autant plus de détermination qu'ils dépendent, pour le
financement de leurs travaux municipaux, de communautés de communes ou
du conseil général, toutes instances où les partis font la pluie et le
beau temps. En conséquence de quoi, beaucoup de prétendants ne disposent
pas, aujourd'hui, du nombre de paraphes requis.
Certes, Arlette Laguiller prétend avoir franchi la barre de
qualification des 500. Jean-Marie Le Pen aurait également passé ce seuil
mais tout juste, et, pour se victimiser, il prétend que le compte n'y
est pas encore. Mais tous les petits candidats « galèrent », comme ils
disent, et sont victimes d'une double peine. D'abord le système
électoral ne leur permet pas de bénéficier d'élus et donc d'argent.
Ensuite, n'ayant ni notables, ni moyens financiers, ils ne peuvent
participer à la mère de toutes les batailles politiques. Même les Verts
de Dominique Voynet, qui ont pourtant des élus, brûlent de l'encens
chaque matin devant les sacs postaux en priant que les Dieux de la
nature soient généreux. Ceux-là, pourtant implantés, ne comptent pas
plus de 449 signatures. Corinne Lepage en annonce 440, Nicolas
Dupont-Aignan 430, Olivier Besancenot 455, Philippe de Villiers 430.
Bref, tous sont dans la dernière ligne droite d'un marathon qui les a
épuisés physiquement, psychologiquement et financièrement. Sans être
sûrs, loin s'en faut, d'en sortir vainqueur.
À l'arrivée, il se pourrait tout à fait que les courants gaullistes,
écologistes, souverainistes, altermondialistes voire trotskistes ne
soient pas représentés, et que la démocratie censément pluraliste soit
réduite à sa trop simple expression. C'était pour conjurer ce risque que
les uns et les autres ont mobilisé leurs militants qui vont quadriller
ces semaines à venir la campagne pour recueillir ces fameux formulaires
de quatre pages à réexpédier au Conseil Constitutionnel dûment remplis.
Pas raturés, pas tâchés, pas froissés ! Faute de quoi, ils sont annulés.
Certains maires renvoient directement leurs formulaires au Conseil, ce
qui complique encore la tâche. Mais il faudra attendre sans doute
jusqu'au 16 mars pour savoir qui sera, in fine, sélectionné et avec
l'appui de qui. Car la perversion de ce système, c'est de mettre les
petits dans la main des grands. C'est ainsi que certains maires de l'UMP
ont fait savoir qu'ils aideraient volontiers Besancenot à se présenter
rien que pour embêter Royal, et que d'autres songent à aider Lepage pour
gêner Bayrou. Quant au PS, il a clairement signifié aux Verts qu'il leur
accorderait ce qu'il faudrait… s'ils se montraient gentils, accommodants
dans les futures négociations sur les législatives. Pas question, leur
ont répondu Dominique Voynet et Cécile Duflot, la petite nouvelle. Mais
dans quelques semaines, s'il leur manque 20-30 paraphes, pourront-ils
encore refuser de signer avec le diable ?
|