Communiqué du 24 septembre 2006

 

Sarkozy : la rupture avec le gaullisme !

 

"Sarkozy est le candidat des Etats-Unis. Il ferait mieux de ne pas trop le dire"...

"Or, Nicolas Sarkozy, tout comme Ségolène Royal et la plupart des dirigeants politiques d'aujourd'hui, pense que la France n'a pas les moyens d'être indépendante..."

"Depuis 1940, je ne fais aucune confiance aux élites françaises. Je les méprise"...

"Je fais confiance au peuple français"

Pierre Messmer, ancien Premier ministre, Grand chancelier de l'Ordre de la Libération.

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"Marianne", 23-29 septembre 2006 - Thomas Vallières

Le numéro deux du gouvernement a spectaculairement rompu avec la politique étrangère gaulliste poursuivie par Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac. Explication en six points.

Il y a quelques années, feu Georges Marchais s'était rendu en Union soviétique. Depuis Moscou, il avait approuvé l'intervention russe en Afghanistan. Cela avait fait scandale. Et que répondirent les néostaliniens à ceux qui avaient manifesté leur indignation ? Qu'ils se rendaient coupables d'« antisoviétisme primaire ». Rebelote.

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Des voix s'étant élevées pour critiquer les propos de Nicolas Sarkozy choisissant, depuis New York et Washington, l'Amérique de Bush contre la France de Chirac, le député UMP "bushiste" Pierre Lellouche stigmatise leur « anti-américanisme primaire ». D'une imbécillité l'autre ! Mais qu'a dit, ou fait, Nicolas Sarkozy précisément ?

Qu'il se soit rendu aux Etats-Unis, qu'il y ait témoigné sa solidarité à l'égard des victimes du 11 septembre 2001, c'est non seulement son droit, mais c'est une heureuse initiative. Il en a profité (aux frais des contribuables ?) pour mener sa campagne électorale ? Ce n'est franchement pas tragique. Il a fait des pieds et des mains pour avoir sa photo avec Bush ? C'est enfantin et, sans doute, politiquement idiot, mais ce n'est pas scandaleux. En fait, ce sont les "démocrates" américains qui ont été le plus choqués, d'autant que Bush ne reçoit pas ceux qui, tel l'Espagnol Zapatero, ont exprimé la moindre critique à son endroit. Si donc Sarkozy en était resté là, il n'y aurait pas de quoi fouetter un caniche.

 

Mais voilà, le numéro deux du gouvernement a multiplié les initiatives et les déclarations qui constituent autant de provocations inouïes, et sans précédent, dans l'histoire de la Ve République :

1. Clairement et sans la moindre ambiguïté, il a fait entendre qu'il était hostile, non seulement à la menace française d'opposer son veto à la résolution présentée au Conseil de sécurité pour légaliser la guerre d'Irak, mais également, au discours « grandiloquent » de Dominique de Villepin à l'ONU, qui avait été applaudi par les opinions publiques du monde entier.

2.  En insistant, à plusieurs reprises, sur le fait que la France ne devait, sous aucun prétexte, entrer en crise ouverte avec les Etats-Unis, et que s'imposait à elle, dans tous les cas de figure, une totale solidarité à l'égard de son grand allié (quitte à exprimer quelques remarques en coulisses), Sarkozy a fait savoir, en creux, que la France n'aurait pas dû s'opposer publiquement à la guerre d'Irak et qu'en conséquence il s'"aligne", lui, non sur la position de Chirac, mais plutôt sur celle du Britannique Blair, de l'Espagnol Aznar et de l'Italien Berlusconi.

3. Il a été encore plus loin en stigmatisant (et cela toujours depuis le territoire américain) « ceux qui se réjouissent des malheurs de nos partenaires ». Autrement dit, au lieu de reconnaître que les événements ont donné raison à Chirac, donc à la France, il accuse, comme les néoconservateurs de Washington, Chirac et Villepin de s'être réjouis de l'échec américain !

4. Pis ! Devant une assemblée de notables américains, il a critiqué ouvertement son propre pays, dont il a fustigé « l'arrogance » et la tendance à la « grandiloquence » (visant Villepin), sans faire, en revanche, la plus petite allusion à l'arrogance de l'actuelle administration américaine qui est pourtant dénoncée, aujourd'hui, dans le monde entier.

5. Non seulement, donc, Sarkozy, cas quasi unique, s'est démarqué totalement à l'étranger du gouvernement dont il est le numéro deux, et sans être sanctionné (pour moins que cela, Lionel Jospin, après un voyage en Israël et en Palestine, avait été convoqué à l'Élysée pour se faire remonter les bretelles) ; mais, en outre, il s'est livré à une surenchère avec Tony Blair en ce qui concerne le problème du Proche-Orient et avec Bush lui-même en ce qui concerne la crise iranienne. Il a tenu, en prime, sur le Hezbollah, des propos que l'on peut certes approuver, mais qui sont en contradiction avec la position européenne et mettent en danger nos soldats engagés au Liban.

6. En conclusion, et c'est ce qui donne sa dimension considérable à l'événement, Nicolas Sarkozy, depuis le territoire américain, a rompu spectaculairement avec la politique étrangère gaulliste poursuivie par Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac, remettant même en cause, implicitement, la position du général de Gaulle au moment de la guerre du Vietnam (et, bien sûr, son retrait de l'Otan). "Sarko l'Américain", sous l'influence du député Pierre Lellouche, de l'essayiste Patrick Wajsman (ses conseillers en matière diplomatique) et de quelques intellectuels néoconservateurs français, a abattu ses cartes : il rejoint, en matière de politique étrangère, les positions de Blair, Aznar et Berlusconi.

 

En soi, ce "coup d'Etat" diplomatique est déjà extraordinaire. Ce qui l'est plus encore, c'est que les grands médias ont (dans un premier temps du moins) choisi d'occulter ce formidable "incident" qui constituera pourtant un élément clé de la future campagne électorale présidentielle.

Comment expliquer cette incroyable initiative de Sarkozy qui risque de lui retomber sur le nez ? Par sa psychologie en partie, mais pas seulement.

Pour le coup, on ne peut pas douter qu'il exprime ainsi une profonde conviction ! Dont acte.