Communiqué du 22 janvier 2007

 

L'abbé Pierre s'est éteint à 94 ans... les Français lui disent merci !

 

 

L'abbé Pierre est mort la nuit dernière à Paris, où il était hospitalisé depuis quelques jours. Le fondateur de la Communauté d'Emmaüs avait 94 ans.

L'abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, était hospitalisé depuis le 14 janvier pour une infection pulmonaire. Il est décédé ce matin, à 5 h 25, entouré de quelques proches.

Personnalité préférée des Français pendant de nombreuses années, il a fait de sa vie un combat pour aider les plus démunis. Dès l'âge de 18 ans, il avait rejoint les Capucins, le plus pauvre des ordres mendiants.

Sous l'Occupation, il participe activement à la Résistance, dont il gardera en héritage son pseudonyme "l'abbé Pierre". A la Libération, il devient député chrétien-démocrate (MRP) de Meurthe-et-Moselle, jusqu'à sa démission en 1951.

En 1949, il fonde les Compagnons d'Emmaüs, s'appuyant sur l'idée que les exclus peuvent pourvoir eux-mêmes à leurs besoins en récoltant les surplus des nantis. Emmaüs International fédère désormais 500 associations dans 40 pays.

L'appel de 1954

En 1954, il lance un appel qui fera date. A la suite du décès en pleine rue d'une sans-abri, l'abbé Pierre appelle à "l'insurrection de la bonté" sur les ondes de Radio-Luxembourg. L'élan de générosité qui suit lui fera comprendre le poids des médias.

Il consacre sa vie à lutter contre la pauvreté, souvent par la voie de coups de gueule dans la presse, et en malmenant les politiques de tous bords. Il soutient Coluche et les Restaurants du Cœur dans les années 80, bouscule les maires des grandes villes en 1994 et 2004, demande à Mitterrand une intervention militaire en Bosnie en 1993, est aux côtés des Africains de l'église Saint-Ambroise en 1996... En janvier 2006, il intervenait encore à l'Assemblée nationale.

Il sera 17 fois la "personnalité préférée des Français" entre 1989 et 2003, selon le classement IFOP/Journal du dimanche. Il demandera en 2004 à ne plus apparaître dans ce classement, "des plus jeunes occupent cette première place".

 

  • Texte de l'appel, lancé en février 1954, sur les ondes de Radio-Luxembourg en faveur des sans-abri

« Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée cette nuit à 3 heures » : c'est ainsi que commençait l'abbé Pierre, le 1er février 1954, en lançant, sur les ondes de Radio-Luxembourg, un appel pour les sans-abri qui devait devenir le symbole de son combat pour le droit au logement.


« Mes amis, au secours... Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l'avait expulsée...

Chaque nuit, ils sont plus de 2 000 recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d'un presque nu. Devant l'horreur, les cités d'urgence, ce n'est même plus assez urgent !

Ecoutez-moi : en trois heures, deux premiers centres de dépannage viennent de se créer : l'un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève ; l'autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s'accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l'on lise sous ce titre « Centre fraternel de dépannage », ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprend espoir, ici on t'aime. »

La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l'hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre les hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure.

Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l'âme commune de la France. Merci !

Chacun de nous peut venir en aide aux « sans abri ». Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : 5 000 couvertures, 300 grandes tentes américaines, 200 poêles catalytiques. Déposez-les vite à l'hôtel Rochester, 92, rue de la Boétie. Rendez-vous des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir à 23 heures, devant la tente de la Montagne-Sainte-Geneviève.

Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l'asphalte ou sur les quais de Paris.

Merci ! »