Communiqué du 13 décembre 2006

 

La monnaie unique a repassé le cap de 1,30 dollar

 
  • Euro : moins fort, SVP !

L’euro fort permet, notamment en allégeant la facture des matières premières, d’entraver l’inflation. Hantise des gnomes de Francfort, il constitue, à coup de hausse des taux directeurs dès que frémit la reprise, l’alpha et l’oméga de la politique monétaire européenne. Mais, dans le même temps, l’euro fort pénalise lourdement les exportations — demandez ce qu’il en coûte à Airbus et EADS — et avantage inversement les importations. En d’autres termes, alors que des pans entiers de nos économies sont délocalisés en Asie et ailleurs, la Banque centrale européenne, agit donc comme si elle subventionnait les produits importés suite à ces délocalisations !

On sait depuis longtemps ce qu’il en coûte en termes de croissance et d’emplois et chacun constate quotidiennement que l’effet sur le pouvoir d’achat est contre-productif... Devant cette absurdité, la Banque centrale européenne s’obstine — en vertu de ses statuts — et la Commission européenne l’encourage. Cette dernière en effet a adopté, le 22 novembre dernier, une communication faisant le bilan de l’économie européenne en 2006, intitulée Le renforcement de la zone euro : priorités politiques principales. Ces priorités consistent à : accélérer les réformes structurelles et promouvoir l’intégration ; renforcer les situations budgétaires et améliorer la qualité des budgets nationaux ; renforcer la coordination de la zone euro ; promouvoir l’expansion de la zone euro ; convaincre les citoyens. Bref, poursuivre, amplifier une stratégie qui ne crée que du chômage et « convaincre les citoyens » qu’ils y gagnent ! Et, au passage, l’euro vient de franchir le seuil de 1,30 dollars, ce qui pourrait coûter encore, selon Éric Dubois, économiste à l’INSEE, 0,1 à 0,3 point de croissance en 2007.

« Moins d’exportation et plus d’importation, c’est moins de production nationale, donc moins d’emplois, donc moins de consommation, donc moins de demande aux entreprises, donc moins d’investissements, etc. », renchérit Éric Dubois, rejoint par Marc Touati, chef économiste chez Natixis. Non content d’avoir un effet déplorable sur la croissance à court terme, la surévaluation de l’euro joue aussi à la longue sur la confiance des investisseurs et pénalise donc la croissance à long terme. Nicolas Baverez le clamait déjà dans Le Point en janvier 2004, en s’alarmant de ce que l’euro avait atteint en quelques mois la parité de... 1,30 dollars. Il concluait alors : « Il est urgent de casser la spirale haussière de l’euro. » et « Face au danger majeur que représente la surévaluation de l’euro, les gouvernements de l’Euroland sont fondés à faire jouer l’article 111 du traité de Maastricht, qui permet au Conseil des ministres de fixer les orientations générales de la politique de change. » Les eurosceptiques ne disaient pas mieux depuis des années, alors que la monnaie unique était encore dans les limbes...

Dans son discours de Saint-Étienne, le 9 novembre dernier, Nicolas Sarkozy dénonçait « l’absence de gouvernement économique qui fait de l’euro une monnaie sans boussole et sans objectifs partagés, [...] et une politique monétaire qui reste sourde aux évolutions préoccupantes de la parité avec d’autres grandes monnaies mondiales ». Le matin même, dans Les Échos, il trouvait « très curieux que les Européens se soient donné tant de mal à créer une monnaie puissante et qu’ils s’acharnent autant à ne pas s’en servir ». De son côté, Ségolène Royal reproche à la BCE une « toute-puissance » qui en vient à « casser la croissance ». Qu’attendent-ils pour en tirer toutes les conséquences ?

Frédéric BECK
Revue républicaine