Mis en ligne le  09 janvier 2007

 

Le modèle social français                                                                                                                                                        Texte au format PDF

 
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 Tribune libre  de Guy Martin,

 

« A l’aide ! » Cette formule est l’une des plus importantes de l’histoire de la pensée occidentale. Dès que les hommes commencent à s’entraider, la société accède à l’existence.» Alan Wolfe, in Salon Magazine, San Francisco, septembre 2005 – repris dans Courrier International, dossier Katrina, n°775, 8 septembre 2005.

 

Trop d’Etat, trop d’impôts, une sécurité sociale trop coûteuse, trop de rigidité du code du travail, un salaire minimum trop élevé, une insuffisante durée de travail … Le pays est trop endetté, vit « au-dessus de ses moyens », « La France qui tombe »[1], c’est son modèle social qui est épuisé. Il faut être modernes, « bâtir un nouveau modèle social français».[2]

La « rupture avec le modèle social français » sera sans doute un thème central des prochaines élections nationales. De nombreux acteurs politiques présentent cette rupture comme la conséquence mécanique d’un simple « réalisme économique »,   « substituant à la question sociale la dictature des faits ».[3] Une telle abdication du politique est on ne peut plus problématique. D’une part, il n’y a qu’un pas de la dictature des faits à la dictature tout court. Mais d’autre part, un tel sens de l’évolution, un tel renoncement au progrès social ne peuvent qu’entraîner plus avant l’Humanité sur la voie du nihilisme, qui se manifeste déjà de façon inquiétante.[4]

C’est pourquoi il nous faut s’évader de cette « pensée unique ».  Interroger l’Histoire pour mettre en perspective le temps présent. Quelles sont les origines du modèle social français ? Comment a-t-il pu acquérir une dimension universelle ? Qu’est-il aujourd’hui devenu ?

 

Quelles sont les origines du modèle social français ?

C’est au fil de ses expériences, dans le courant de l’Histoire, qu’un grand corps social se forge une identité, nécessairement complexe, parcourue des forces contradictoires qui animent les organismes vivants. Ainsi des épreuves terribles ont-elles alimenté la mémoire collective de générations de Français. Il y a eu des guerres de religion, effroyables, des famines, des catastrophes sanitaires, climatiques ;  il y a eu le Roi soleil et Les Lumières, la Révolution de 1789 et l’Empire napoléonien, la Commune de Paris et l’Ordre moral…

Au XXème siècle, surtout, il y a eu la séparation des églises et de l’Etat, le Front populaire, puis des gouvernements réactionnaires, jusqu’au régime collaborationniste, réactionnaire et raciste de Vichy, et il y a eu le Conseil national de la Résistance ; l’Occupation, puis la Libération : c’est de la suprême leçon de la mort et de la résurrection de la France que naît le modèle social français au sortir de la seconde guerre mondiale.

Dès le 3 août 1940, le général De Gaulle considère que « cette grande guerre (…) est aussi une grande révolution. »[5]  « Pour la France, en particulier, où le désastre, la trahison, l’attentisme ont disqualifié beaucoup de dirigeants et de privilégiés, et où les masses profondes du peuple sont au contraire restées les plus vaillantes et les plus fidèles, il ne serait pas acceptable que la terrible épreuve laissât debout un régime social et moral qui a joué contre la nation. »[6] « Car c’est une révolution, la plus grande de son Histoire, que la France, trahie par ses élites dirigeantes et par ses privilégiés, a commencé d’accomplir ».[7] Pour le général de Gaulle, « l’aboutissement, pour chacun des Français, (doit en être) une condition telle qu’il lui soit possible de vivre, de penser, de travailler, d’agir, dans la dignité et dans la sécurité. »[8] De Gaulle esquisse dès lors « l’édifice futur des institutions françaises », en même temps que le nouveau modèle social français :  « un régime économique et social  tel qu’aucun monopole et aucune coalition ne puissent peser sur l’Etat, ni régir le sort des individus, où, par conséquent, les principales sources de la richesse commune soient ou bien administrées, ou, tout au moins contrôlées par la Nation, où chaque Français ait, à tout moment, la possibilité de travailler suivant ses aptitudes, dans une condition susceptible d’assurer une existence digne à lui-même et à sa famille, où les libres groupements de Travailleurs et de Techniciens soient associés organiquement à la marche des entreprises, telle est la féconde réforme dont le pays renouvelé voudra consoler ses enfants ».[9]

Le programme d’action adopté le 15 mars 1944 par le Conseil national de la Résistance[10]  est fondé sur les mêmes bases. Ce programme prévoyait pour la période de guerre de « traquer et punir les agents de la Gestapo et de la Milice de DARNAND ainsi que les mouchards et les traîtres » ou d’organiser « la solidarité envers les familles de toutes les victimes de la terreur hitlérienne et vichyssoise ». Mais pour la reconstruction du pays une fois la victoire obtenue, le Conseil national de la Résistance programmait notamment :

*       « l'établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;

*       la pleine liberté de pensée, de conscience et d'expression ;

*       la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l'égard de l'État, des puissances d'argent et des influences étrangères ;

*       la liberté d'association, de réunion et de manifestation ;

*       l'inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;

*       le respect de la personne humaine ;

*       l'égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ; (…)

*       l'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l'éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l'économie ; (…)

*       le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurances et des grandes banques ; (…)

*       le développement et le soutien des coopératives de production, d'achats et de ventes, agricoles et artisanales ; (…)

*       le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l'amélioration du régime contractuel du travail ; (…)

*       un rajustement important des salaires et la garantie d'un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d'une vie pleinement humaine ;

*       un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'État ; (…)

*       la sécurité de l'emploi, la réglementation des conditions d'embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d'atelier ».

En creux, on peut lire dans ce programme le catalogue des dérèglements économiques, politiques et sociaux qui avaient conduit la France, l’Europe et le monde à l’horreur de la seconde guerre mondiale.

Comment le modèle social français a acquis une dimension universelle.

Une fois à la tête de la France libérée, le général de Gaulle et le gouvernement issu du Conseil national de la Résistance accomplissent en dix-huit mois,  d’août 1944 à janvier 1946, une œuvre considérable, et la France connaît alors « une des mutations législatives les plus profondes de son histoire » [11] : attribution du droit de vote aux femmes, création de la Sécurité sociale et des comités d’entreprises, nationalisation des houillères et du crédit, création d’Air-France et de la Régie Renault, du commissariat au Plan, statut du fermage, nationalisation de l’électricité et du gaz. Il y a rupture avec les politiques libérales d’avant-guerre, par l’intervention d’un Etat redistributeur des richesses qui, grâce à l’impôt progressif et aux cotisations sociales, vise à corriger la dynamique inégalitaire du capitalisme, à impulser l’effort de recherche et les investissements productifs, à soutenir le pouvoir d’achat et donc la demande, à assurer la sécurité sociale et le plein emploi.[12]

Ce modèle social français n’est absolument pas isolé dans le monde de l’après-guerre, car c’est sur la même pensée des Lumières que l’Humanité s’appuie alors pour se construire des modèles sociaux et un ordre international capables de la prémunir de son côté obscur.

La création  de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), à la suite de la conférence de Bretton Woods en juillet 1944, procède ainsi de la même démarche que celle du programme du Conseil national de la résistance en France : « Dans sa conception initiale ( …), le FMI était fondé sur une constatation première : on avait compris que les marchés, souvent, ne fonctionnent pas bien – qu’ils peuvent aboutir au chômage massif et se révéler incapables de procurer aux pays les fonds nécessaires pour les aider à redresser leurs économies. On a créé le FMI parce qu’on estimait nécessaire une action collective au niveau mondial pour la stabilité économique ».[13] De même, sur le plan politique,  pour l’adoption de la Charte et de la constitution de l’Organisation des Nations Unies (O.N.U.) en 1945,  la création  par l’O.N.U. en 1946 de l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) dans le but de réaliser les conditions d’ « un état de bien être physique, mental et social pour tout être humain », la création  de l’UNESCO « chargée de resserrer par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre les nations ».

Proclamée par l’assemblée générale des Nations Unies, à Paris, le 10 décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de l’Homme a elle-même été plus directement inspirée par la Résistance française.

« Par le vocabulaire et l’esprit de son préambule, (cette déclaration) se pose en fille des Lumières ».[14] En effet, dès son premier article, elle fonde un modèle social  universel très proche du modèle social français :

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de conscience et de raison et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

Puis la Déclaration décline les conséquences de cette fraternité ; article 22 : « Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques , sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre  développement de sa personnalité (…) » ; article 23 : « 1°) Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ; 2°) Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal ; 3°) Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale ; 4°) Toute personne a le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts » ; article 24 : « Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques » ; article 25 : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas le chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. »

 

Qu’est aujourd’hui devenu  le modèle social français ?

Dès son origine, ce modèle social fit l’objet du travail de sape de ceux dont il heurtait de front les stratégies.  « Le général de Gaulle se contente d’écrire dans ses Mémoires que les privilégiés accueillent « mélancoliquement » les réformes de 1945, mais c’est peu dire. Dans certains milieux patronaux, dans certains milieux bancaires règne à l’égard du gouvernement une atmosphère de rancune et de peur, comparable à la grande peur de juin 1936. (…) Le « grand capital » n’a pas pardonné au général de Gaulle la grande peur qu’il a éprouvée en 1944 et qui le rendit d’ailleurs à l’époque très discret et très malléable » , conclut l’historien Jean Touchard. [15]

Depuis la fin de la guerre, un certain nombre de Français, les « privilégiés » au sens où l’entendait le général de Gaulle, c’est-à-dire des membres de la haute bourgeoisie, n’ont jamais aimé cette France, n’ont jamais accepté ce modèle social et n’ont eu de cesse de le démanteler. Ils ont été servis dans leur entreprise aussi bien par des acteurs politiques de droite - se réclamant du « gaullisme » ! que par des acteurs se disant « de gauche ». Mais ils se sont surtout appuyés sur l’Union européenne ou d’autres instances internationales, comme l’Organisation Mondiale du Commerce ou le Fonds Monétaire International, placés au-dessus du processus démocratique par des « milieux  patronaux ou bancaires » qui, quelles que soient leurs nationalités, poursuivent au plan international les mêmes stratégies. 

 

Car, telle qu’elle est organisée, la mondialisation actuelle des échanges de marchandises et de capitaux n’est qu’un moyen de mettre en concurrence les modèles sociaux les plus progressistes, ceux qui répartissent le mieux les richesses, avec des sociétés moins avancées, maintenues à un bas niveau de développement social et démocratique. La théorie évidemment périmée d’Adam Smith, selon qui la « main invisible » des marchés régulerait parfaitement les activités humaines en l’absence d’intervention des Etats,  est ici recyclée au service des mêmes intérêts que Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie et ancien économiste en chef de la Banque mondiale, a bien rappelés. Cette concurrence inéquitable, prolongement du fait colonial, permet tout à la fois aux quelques familles qui l’organisent de tirer vers le bas les modèles sociaux les plus avancés, grâce au chômage et au chantage à la délocalisation, et de réaliser des bénéfices inédits sur les marchés des pays développés grâce aux salaires de misère et aux conditions de travail inhumaines acceptées dans les pays sous-développés.

 

C’est dans ce contexte qu’a pu s’accélérer le démantèlement du modèle social français depuis la fin des années 1980.

A partir de ces années-là, les privatisations restaurent en France les  « grandes féodalités économiques et financières » d’avant-guerre auxquelles, en 1944, le Conseil national de la Résistance et le général de Gaulle avaient voulu reprendre les leviers de commande et les ressources nécessaires à la fondation d’un modèle social nouveau. Ces privatisations ont ainsi concerné le crédit, de grands secteurs industriels comme les houillères ou l’acier, l’automobile avec l’ouverture du capital de la régie Renault, le transport avec Air-France ou la SNCM, ainsi que la haute technologie ou l’armement, l’énergie avec le pétrole ou le gaz, l’électricité, les télécommunications, les sociétés d’exploitation des autoroutes.[16]

Parallèlement, les « puissances d'argent et (les) influences étrangères » ont rétabli sur la presse et les médias français l’emprise que rejetait le Conseil national de la Résistance. Ainsi, parmi les quinze familles qui en 2005 possèdent 35 % des valeurs de la bourse de Paris, cinq - dont deux industriels de l’armement et un géant du bâtiment et des travaux publics - contrôlent des médias essentiels, tandis qu’un groupe anglo-saxon détient plusieurs télévisions et radios nationales ainsi qu’un florilège de magazines.[17]

Le démantèlement du modèle social français issu de la Libération a également touché la Sécurité sociale. Pour réduire les « charges sociales » qui nuisent à la « compétitivité » des entreprises françaises[18], les réformes qui se sont succédées depuis 1995 « renforcent (…) la logique d’individualisation et de privatisation de la protection sociale ».[19] Les déremboursements successifs ont sensiblement réduit le niveau de couverture de l’assurance maladie, et les Français sont de plus en plus dépendants de la protection sociale complémentaire, en termes de santé comme de retraite. De ce fait, le système français de couverture sociale est devenu plus inégalitaire.[20]

D’une façon générale la libre concurrence, au nom des « lois du marché », a supplanté la valeur républicaine de fraternité. La société française est devenue très inégalitaire.

On sait que le nombre de chômeurs est de 2,5 millions en juillet 2005, et de 3,9 millions si l’on additionne toutes les catégories répertoriées par l’Agence nationale pour l’emploi. Mais il faut ajouter à ce nombre 1,2 millions de personnes percevant le revenu minimum d’insertion et qui, bien que sans emploi, sont sorties des statistiques régulièrement publiées par le gouvernement. Par ailleurs, la proportion des emplois à bas salaire, du temps partiel, de l’intérim augmente, et la France est un des pays européens où l’emploi réduit le moins le risque de pauvreté.[21] Les associations caritatives voient monter le nombre de ceux qui ne peuvent plus ni se loger, ni même se nourrir. Un nouveau mobilier urbain est spécialement mis au point pour empêcher les miséreux devenus trop voyants de s’attarder dans les espaces publics des centres-villes.[22] Et dans le même temps, les dirigeants des grandes firmes s’attribuent des revenus d’un niveau jusqu’alors inédit, le commerce des grosses cylindrées ou des navires de plaisance est florissant.

La « fracture sociale » s’élargit, et le phénomène est tel que, pour compenser les carences des organismes officiels en la matière, le monde associatif ces dernières années a créé en France deux observatoires des inégalités.[23]

 

Dans ces conditions, qui nierait que le modèle social français doit évoluer ? Reste à se demander dans quel sens, avec quels objectifs.

Bien sûr, les « privilégiés » continuent leurs attaques contre ce qui reste du modèle social français de la Libération. Ainsi Laurence Parisot, présidente du Mouvement des entreprises de France, militent-elle pour une détérioration du régime contractuel du travail, car « la précarité est une loi de la condition humaine »[24] De même s’interroge-t-elle sur la pertinence d’une limitation légale de la durée du travail. Ainsi, les éditorialistes du très libéral Financial Times considèrent-ils que le salaire minimum en France, à 8,03 € de l’heure, est trop élevé …

Les pays du Nord de l’Europe, Finlande, Suède, Danemark, fournissent des exemples de modèles sociaux où les revenus sont nettement plus égalitaires et plus élevés qu’en France, où des impôts – notamment sur le revenu –  beaucoup plus élevés financent un plus haut niveau de protection sociale et d’indemnisation du chômage, ainsi que d’investissement dans l’éducation, la formation professionnelle et la recherche, et où, malgré une durée moyenne d’emploi parmi les plus faibles du monde, les salariés ne craignent pas les périodes de chômage mais éprouvent au contraire un fort sentiment de sécurité.[25] 

A l’opposée, le modèle américain révèle de temps à autre ses  limites : « Les Etats-Unis, après vingt-cinq ans d’allégements d’impôts et de réductions en tout genre, ont ôté au secteur public toute capacité d’œuvrer pour le bien commun. Le mauvais entretien des infrastructures publiques, la destruction des services sociaux, la fin du filet de sécurité, le mythe de la privatisation, l’idée néfaste qui, depuis l’ère Reagan, voudrait que le gouvernement soit l’ennemi, tout cela nous a conduits au résultat contemplé (à l’occasion de l’ouragan Katrina) (…). Les questions clés de ces prochaines échéances sont déjà là (…). Si les candidats cherchent à les ignorer, les citoyens devront les contraindre à s’y intéresser : le rôle du gouvernement, l’impôt vu non comme un fléau, mais comme le fondement du bien commun, ou encore l’éradication de la pauvreté en Amérique. »[26]

 

Tous les choix demeurent donc possibles, malgré les fausses évidences que proclament certains, tel M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, selon qui « tout le monde sait que l’on vivra avec moins de garanties, moins d’acquis, moins de bonheur que les générations précédentes »[27].

Cependant, la montée de la violence, des extrémismes politiques et des fondamentalismes religieux devraient désormais être pris en compte pour construire un nouveau modèle social, où que ce soit dans le monde. Dans cette période troublée, où un ministre de l’Intérieur – français, hélas – « réfléchit à un fichier ethnique des délinquants »[28], où la « guerre contre le terrorisme » tient lieu de politique sur la scène internationale, la France et le monde ne se trouvent-ils pas revenus à un point de départ, et de nouveau confrontés à ces mêmes dérèglements qui provoquèrent les horreurs de la seconde guerre mondiale ?

 


[1] Baverez Nicolas, La France qui tombe. Paris, Perrin éd., 2003, 135p.

[2] « Sarkozy : un programme taille président ». Var-Matin, 8 septembre 2005.

[3] « Occident contre Occident. En Europe, le mouvement social ranime le débat politique ». Anne-Cécile Robert, Le Monde diplomatique, mai 2006.

[4] La désagrégation du contrat social, la violence généralisée, la consommation croissante de drogues licites ou illicites, la montée des suicides, le terrorisme en sont autant de fruits.

[5] Charles de Gaulle, discours prononcé le 3 août 1940. Touchard Jean. Le gaullisme, 1940-1969. Paris, Seuil éd., 1978, 379p (p 64).

[6] Charles de Gaulle, discours prononcé le 18 juin 1942. Ibidem, p 66.

[7] Charles de Gaulle, discours prononcé le 1er avril 1942. Ibidem, p 65.

[8] Charles de Gaulle, discours prononcé le 15 novembre 1941. Ibidem, p 65.

[9] Charles de Gaulle, discours prononcé le 20 avril 1943. Ibidem, p 66.

[10] Le Conseil national de la Résistance fut initié par Jean Moulin à l’instigation du général  De Gaulle. « L’organisme regroupe 8 représentants des mouvements de résistance, 6 des partis ou tendances politiques,
2 des syndicats. (…) La présence de partis politiques comme les radicaux (Marc Rucart) et surtout l’Alliance démocratique (Joseph Laniel) ou la Fédération républicaine (Jacques Debu-Bridel), netement situées à droite, exprimait la volonté d’ouvrir la Résistance à des forces politiques devant faire contrepoids à l’influence communiste. »  « L’esprit de la Résistance toujours d’actualité ». Serge Wolikoff, Le Monde diplomatique, mars 2004.

[11] Touchard Jean, ibidem, p 75.

[12] « Deux siècles de développement de l’Etat. » Gérard Vindt, Alternatives économiques hors série n°61, 3ème trimestre 2004, « L’Etat », pp 16 à 18.

[13] Stiglitz Joseph. La grande désillusion. Paris, Fayard éd., 2002, 324p., p37.

[14] Anne-Cécile Robert, article cité.

[15] Ibidem.

[16] A ces occasions, les transactions n’ont pas toujours été à l’avantage de l’Etat – l’exemple le plus révélateur étant celui du groupe Thomson, qui faillit être cédé pour un Franc symbolique à un Sud-Coréen aujourd’hui  en faillite. Autre exemple intéressant : la vente de la société des Autoroutes du Sud de la France, pour laquelle il n’y a eu qu’un seul acheteur : Vinci, n°1 mondial du BTP. La privatisation est maintenant aux portes de la société nationale des chemins de fer français, de la poste,  de l’agence nationale pour l’emploi, ou même de certains services actuellement rendus gratuitement par le ministère des finances et que le gouvernement envisage de transférer aux notaires.

[17] Bertelsmann : : « VSD », « Ça », « Capital », « Géo », « Gala », « Prima », « Voici », « Femme actuelle », « National geographic », « Télé-loisirs », « Télé2semaines », « Classique gourmand », « Management »,  RTL, M6, … « En France, une affaire de familles ». Marie Bénilde, Manière de voir n°80, avril-mai 2005 : Combats pour les médias, pp 36 à 39. « Médias en crise ». Ignacio Ramonet, Le Monde diplomatique, janvier 2005.  Carte du PPA (Parti de la presse et de l’argent). Le Plan B n°1, mars 2006 www.leplanb.org .

[18] Charges sociales qui  pèsent sur le travail mais quasiment pas sur le capital.

[19] « Le système français de protection sociale : architecture et évolutions ». Bruno Palier, Cahiers français n°330 : « Le modèle social français », pp 9 à14.

[20] Dans le même temps, pour réduire des charges fiscales qui pèsent aux plus fortunés, l’Etat réduit son rôle en matière de redistribution de la richesse nationale. Il se prive de recettes importantes qui font défaut à des services publics pourtant fondamentaux : l’hôpital où les pompes anti-douleur, notamment, sont financées par les quêtes de piécettes organisées par l’épouse du président de la République, et dont les urgences sont sinistrées., l’Education nationale, la recherche, le réseau ferré en voie de décrépitude, la justice dont les lenteurs et les approximations retombent toujours sur les plus modestes, les prisons qui non seulement ne permettent plus de reconstruire des êtres sociaux équilibrés, mais dégradent encore la conscience citoyenne de ceux qui y sont détenus dans des conditions « inhumaines ».  « Des prisons françaises inhumaines ». Le commissaire aux droits

de l’Homme du Conseil de l’Europe, Alvaro Gil-Robles, a dénoncé l’état déplorable des prisons françaises. Nice-Matin, 23 septembre 2005.

[21] Dossier : « La Crise du modèle français. » « La fracture sociale s’approfondit – La France est beaucoup plus inégalitaire qu’on ne le croit ». Guillaume Duval, Alternatives économiques n°238, juillet-août 2005,
pp 6 à 13 (p 8).

[22] « Quand le mobilier urbain sert aussi à chasser les SDF : bancs inclinés, plots ou pointes métalliques devant les vitrines, fontaines arrosoirs, sièges brûlants, etc. Tout est bon pour embellir les villes … » Le professeur Jean-Pierre Garnier (Ecole spéciale d’architecture) et le plasticien Gilles Paté ont recensé « le mobilier urbain qui, destiné à chasser les pas-convenables, nuit en fait à tout le monde ». Jérôme Canard, Le Canard-Enchaîné, 17 août 2005.

[23] Observatoire des inégalités www.inegalites.org . Réseau d’alerte sur les inégalités www.snui.fr/rai.htm

[24] France-Inter, 3 septembre 2005, Var-Matin du 4 septembre 2005.

[25] Cahier français, op. cit., « Le modèle nordique », Alain Lefèbvre, pp 21 à  26.

[26] « La vérité sort de l’œil du cyclone ». James Carroll, The Boston Globe, repris dans Courrier International n°775 du 8 septembre 2005.

[27] Le Figaro, 25 mars 2006.

[28] « Sarkozy réfléchit à un fichier ethnique des délinquants ». Var-Matin du 15 février 2006.