Communiqué du 08 mars 2007

 

AIRBUS ET EADS : UNE INDUSTRIE DE SOUVERAINETÉ

 

 AIRBUS ET EADS : UNE INDUSTRIE DE SOUVERAINETÉ QUI DOIT RESTER SOUS LE CONTRÔLE DE L'ETAT

Le Monde donne une lecture sans ambiguïté de la crise d'Airbus, sous la plume d'Eric le Boucher « Ce que révèle la crise d'Airbus est affreux à voir : le nationalisme survit, tapi derrière les fronts bas, y compris dans l'entreprise phare de l'Union. Ce que révèle la crise d'Airbus est simple à voir : il faut s'en débarrasser une fois pour toutes, (…) supprimer la gestion binationale franco-allemande, paralysante; mettre fin aux guerres intestines absurdes entre les nationalités; ouvrir le capital pour le banaliser; installer une gouvernance normale au poste de pilotage de Louis Gallois, le PDG. »

Ah, si c'était si « banal » ! Balayons rapidement la question de la « gouvernance normale » de la firme qu'appelle de ses vœux Eric le Boucher : c'est la gestion inconséquente de ses dirigeants, Noël Forgeard en tête, avec le scandale de ses stock-options, et des actionnaires attachés à leur 15% de rentabilité annuelle qui est à l'origine de la crise. La « gouvernance normale », la firme en sort, avec les résultats que l'on voit. Pour faire accepter par le Conseil d'administration de se contenter d'un salaire de 15000 euros par mois - ce qu'il avait à la SNCF - sans mettre en difficulté la nomenklatura de cadres supérieurs bien mieux payés que lui, Louis Gallois a du finalement accepter sur le papier le salaire mirobolant de Noël Forgeard en en faisant verser la différence à des œuvres caritatives ! Recevoir un salaire « normal » de PDG n'est donc pas si « banal » pour en être réduit à de telles acrobaties !

Plus fondamentalement, EADS et AIRBUS ne peuvent avoir une « gouvernance normale » parce que ce n'est pas une industrie normale que l'on peut « banaliser »: c'est une industrie de souveraineté, ce qui, M. Le Boucher, n'a rien à voir avec le « nationalisme ». Nos citoyens savent peu que le Président Chirac a pu prendre une des rares bonnes décisions de sa vie politique en refusant de suivre Mr Bush en Irak grâce aux renseignements fournis par les satellites Helios, construits par EADS, qui ont pu l'assurer que les images d'armes de destruction massive fournies par les Américains étaient fausses. L'accès à l'espace est donc indispensable pour rester maître de nos décisions d'engagement. A défaut, nous serons dépendants des contes de fées que voudra bien nous raconter Mr Bush.

Au-delà de l'utilisation militaire, l'industrie spatiale est devenue une « utilité essentielle » tout comme l'électricité : il est impossible de s'en passer pour faire fonctionner une économie. Là encore, nos concitoyens savent peu qu'immédiatement après l'attaque du 11 septembre, les fonctionnalités du GPS ont été réduites à leur strict minimum par l'administration Bush, laissant navires et bien d'autres modes de transport soudainement aveugles. Sa ns industrie spatiale, pas de cartographie du territoire, pas de cadastre à jour, ou plutôt si, il le sera, mais en d'autres mains ! Sans satellites, il sera impossible de garantir l'accès à l'Internet haut débit tout le territoire, là où l'équipement en fibres optiques devient hors de prix pour couvrir les zones rurales reculées.

Quel rôle jouait AIRBUS dans cette industrie ? C'était la vache à lait qui a permis de financer le développement du spatial : elle disparaît, et pourquoi ?

Tout d'abord la stupide politique de l'euro cher qui fait que les Airbus coûte 20% plus chers que les Boeing et ce, quels que soient les gains de productivité de l'entreprise. Il est inutile d'en blâmer M. Trichet comme le fait Ségolène Royal, aiguillonnée par ce pauvre Chevènement : M. Trichet ne fait qu'appliquer la mission de la BCE telle que définie par les traités adoptés par tous les gouvernements de l'UMPS.

Ensuite une incohérence industrielle : elle est le produit de l'idéologie européiste qui a voulu masquer la réalité des différences entre nations, différences de culture, de talents industriels, et bien sûr d'intérêts. Les retards de livraison d'Airbus proviennent de l'impossibilité d'adopter des standards de fabrication communs aux sites allemands et français, les Allemands tenant à conserver leurs standards nationaux, hérités des heures glorieuses de Messerschmitt ! Là, oui, M. Le Boucher, il faudrait une « gouvernance normale » à l'entreprise : le problème est que l'anomalie vient de l'idéologie eurolibérale que vous vénérez.

Airbus et EADS ont pu fonctionner tant qu'il s'agissait de projets de coopération interétatique et interindustriels qui n'ont rien à voir avec l'usine à gaz de l'Organisation de Bruxelles. Mais de tels projets ont leurs limites naturelles qui sont celles de la réalité des nations. Après le Kosovo, l'Allemagne a redécouvert son rôle géopolitique en Europe centrale et a souhaité réalisé son satellite pour elle seule. Puis les Italiens et les Espagnols ont fait de même. La seule réalité, c'est l'Europe des nations qui n'exclut pas des coopérations industrielles, bien au contraire : il faut une stratégie de « duplo » où les projets industriels nationaux sont des pièces servant à la construction de technologies communes, comme le projet Galileo sans lequel nous resterons dépendants du GPS américains. Et bientôt chinois, puisque la Chine vient de décider de construire son propre Galileo … et sur la même fréquence que le projet européen !

De Gaulle l'a dit il y a bien longtemps : on ne peut construire l'Europe que sur des réalités. Airbus et EADS, réussites industrielles, meurent de l'idéologie eurolibérale qui nie les nations et le caractère stratégique de l'industrie aérospatiale. C'est l'abandon de stratégies industrielles nationales, la politique de l'euro cher multiplié par la corruption du capitalisme eurolibéral qui nous mène à la faillite. Ce sont les travailleurs d'AIRBUS qui payent les premiers la facture, tant en France qu'en Allemagne. Mais derrière eux, il y a la poursuite de la désindustrialisation. Ce n'est effectivement qu'un début et le combat doit continuer !

Que faire ? Bien évidemment à court terme renationaliser l'entreprise, puisque les actionnaires actuels ont failli et veulent se retirer. Puis reconstruire une réelle logique industrielle en discutant avec nos partenaires allemands sur ce qu'ils veulent faire et ne veulent pas faire, et éliminer la corruption de la gouvernance de l'entreprise et, à terme, rebâtir un actionnariat approprié à une politique de compétitivité sur les marchés mondiaux et à la défense de nos intérêts nationaux - ce que fait fort bien le gouvernement américain avec Boeing !

Mais tout cela n'a de sens que dans une véritable politique industrielle qui tourne le dos à l'eurolibéralisme et à la politique de l'euro cher.