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La
décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi « énergie »
vient de tomber. Elle autorise sous certaines conditions – et quelles
conditions ! - la privatisation de GDF, tout en jugeant incompatible le
maintien de tarifs administrés avec le droit européen de la concurrence.
On pourrait croire qu’elle est un échec pour tous ceux qui, comme moi,
s’opposent résolument à ce processus d’ensemble de démantèlement du
service public de l’énergie en France.
Or, il n’en est
rien, tout au contraire.
D’abord, sur la
forme, en repoussant la privatisation proprement dite après l’élection
présidentielle, elle offre ainsi une occasion unique de débat devant les
Français sur l’avenir de l’énergie, empêchant les candidats d’esquiver.
Ensuite, et c’est
au moins tout aussi important, les arguments juridiques des neuf Sages,
qui ont le mérite de la franchise, démontrent sur le fond que ce qui est
en cause, c’est bien plus l’avenir du service public de l’énergie menacé
par la libéralisation européenne, que la seule privatisation de GDF (en
attendant sans doute celle d’EDF) qui n’est en quelque sorte que la
conséquence naturelle de la politique de Bruxelles.
C’est le point de
vue que j’ai développé ces derniers mois, à grand renfort
d’argumentaires et de conférence de presse qui, curieusement, n’a
recueilli aucun écho dans la presse écrite nationale. Un peu comme si
cette vérité n’était pas bonne à dire, dans un Landernau où la critique
contre l’Europe supranationale relève du blasphème.
Vous remarquerez
d’ailleurs qu’aucun quotidien national ne pousse très loin le
raisonnement sur les répercussions politiques de la décision du Conseil
dans la campagne présidentielle naissante : d’un côté, on s’interroge
sur l’embarras de Nicolas Sarkozy, qui avait promis en 2004 de maintenir
le caractère public de GDF et EDF, et qui va devoir expliquer pourquoi
il est toujours favorable à cette privatisation alors que la décision du
Conseil constitutionnel lui offre l’opportunité de la remettre en cause.
De l’autre, ces mêmes journaux se contentent d’évoquer le triomphalisme
d’une gauche qui promet de renationaliser et de fusionner EDF et GDF si
elle l’emporte en 2007. Mais… sans s’interroger sur le bien-fondé de
cette promesse dans le contexte de libéralisation, ni surtout sur sa
compatibilité avec le droit européen de la concurrence. Et, comme vient
de la rappeler le Conseil constitutionnel, c’est là que le bât blesse…
En effet, quel
serait l’intérêt d’un grand groupe de l’énergie composé d’EDF et GDF
sans le monopole public national qui va avec ? Admettons, pure
hypothèse, que Ségolène Royal l’emporte en mai prochain et renationalise
EDF / GDF, mais sans remettre en cause l’ouverture à la concurrence
voulue par Bruxelles. Que se passerait-il ? L’Etat redeviendrait
l’actionnaire unique d’un opérateur énergétique dont les tarifs
s’aligneraient obligatoirement par le haut sur ceux de ses concurrents
européens, pour leur permettre de vendre en France leur énergie
aujourd’hui beaucoup plus chère que la nôtre. Il engrangerait ainsi des
plus-values colossales sur le dos des Français en invoquant l’obligation
faite par Bruxelles de rehausser ses prix. Ces bénéfices gigantesques,
dont bénéficiaient collectivement jusqu’à présent les Français, seraient
versés au budget de l’Etat. Ce serait sans doute un moindre mal, que de
les verser à des actionnaires privés, comme cela se produira si la
privatisation de GDF se produit finalement. Mais cela n’en constituera
pas moins une sorte de prélèvements obligatoires nouveaux, s’ajoutant
aux 43,5% du PIB existants !
Au lieu de
claironner, Ségolène Royal ferait mieux de dire si oui ou non elle
sortira la France de cette politique européenne insensée de l’énergie,
décidée dans notre dos par Chirac et Jospin en mars 2002 (un mois avant
le 21 avril !), lors du sommet de Barcelone.
Pour ma part, je
n’ai jamais varié là-dessus, il ne fait aucun doute que je dénoncerai ce
mauvais accord qui heurte frontalement l’intérêt supérieur de la France,
dépossède les Français et leurs entreprises d’un avantage comparatif
acquis à la loyale, grâce à notre industrie électronucléaire bâtie par
le général de Gaulle.
J’en appelle donc
aux Maires de France pour me permettre d’obtenir les 500 signatures
nécessaires à ma candidature et de forcer les candidats du PS comme de
l’UMP à dire la vérité aux Français sur l’avenir de notre service public
national de l’énergie. J’entends souvent dire que les élus locaux
hésitent à signer pour ma candidature par crainte des représailles que
leur ferait subir les grands appareils partisans. Mais la réalité
n’est-elle pas plutôt que leurs administrés, hostiles à 80% à la
privatisation de GDF, leur seraient reconnaissants d’avoir contribué à
démasquer ce qui apparaît comme la plus grande arnaque de ce début de
XXIème siècle ? |