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Leur
but : exister, défendre leurs idées. Leur arme : prendre la parole,
contrer, manœuvrer. Pour faire face au rouleau compresseur Sarkozy, ils
tentent la résistance. Mais qu'on s'appelle Dominique de Villepin ou
Nicolas Dupont-Aignan, pas facile. Qu'importe, c'est une question de
survie pour eux.
Le
PS l'a fait, l'UMP s'y met. Ou du moins essaie. Du débat, en veux-tu, en
voilà. Lors du conseil national de la formation majoritaire, la semaine
dernière, la date de dépôt des candidatures à l'investiture pour 2007 a
été repoussée au 31 décembre. En prime, des forums régionaux. Au premier
abord, un geste à l'égard de Michèle Alliot-Marie. Et ce week-end,
Nicolas Sarkozy d'annoncer « la magie du rassemblement » dans les « cinq
mois à venir. » Mais gare aux faux-semblants. Car cette paix est une
paix armée, et derrière cette trêve, la fronde est toujours là, à
droite, prête à repartir de plus belle.
Une fronde, une résistance même, face à Nicolas Sarkozy, qui existe chez
les « gros » – Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie – comme chez
les plus modestes Nicolas Dupont-Aignan ou Christine Boutin. « Il s'agit
de résister à un rouleau compresseur qui agit contre ses propres
intérêts, qui réduit au silence tout ceux qui ne partagent pas la ligne
directrice. Nicolas Sarkozy verrouille absolument toute forme
d'expression dans le mouvement », déplore à Marianne2007.info le député
villepiniste Georges Tron. « Ce n'est pas une résistance contre
l'ennemi, mais une résistance intellectuelle. Ou plutôt une compétition,
un complément d'offre », confirme l'ancienne secrétaire d'Etat aux
personnes handicapées de Raffarin, Marie-Anne Montchamp, député du
Val-de-Marne et soutien de Michèle Alliot-Marie.
Craintes pour la victoire
D'un côté, Nicolas Sarkozy presse ses concurrents à rentrer dans la
danse de l'investiture, à se déclarer. De l'autre, on remarque surtout
son allergie à cette même concurrence. « Il a du mal à l'accepter. Ça
entraîne des réactions très fortes chez lui », souligne Georges Tron. «
Dans un premier temps, « c'est j'aime pas ! », une réaction brutale,
comme au conseil national après le discours de Michèle Alliot-Marie.
Puis dans un second temps, il construit », veut croire Marie-Anne
Montchamp.
Car la construction, la coopération, voilà bien ce qui fait défaut au
ministre de l'Intérieur pour « les autres » de l'UMP. Ils reprochent un
projet trop fermé. « Du Sarkozy pur jus » pour Georges Tron, qui
regrette que la sensibilité villepiniste n'ait pas été associée à son
élaboration : « Les conventions étaient complètement cloisonnées. » Pour
Rachid Kaci, ancien de Démocratie libérale, fondateur de la Droite libre
et jusqu'à présent seul candidat officiel face à Sarkozy pour
l'investiture, « le projet législatif n'est pas suffisamment libéral et
n'incarne pas la rupture comme il l'avait décrite à un moment donné. »
Résultat : leur crainte quant à la capacité du leader de l'UMP, et donc
de la droite, d'aller jusqu'à la victoire, se multiplient. « Chaque
prisme personnel doit apporter sa lecture de l'attente des Français pour
une lecture complète. Si Sarkozy n'en tient pas compte, je pense qu'on
est trop juste, qu'on ne rassemble pas suffisamment au second tour. A
droite, tout le monde ne se reconnaît pas en lui », avertit Marie-Anne
Montchamp. « Sa situation personnelle réduit nos chances. A force de
personnaliser les choses à outrance, le référendum pour ou contre
Sarkozy va remplacer l'élection », craint Georges Tron.
«
Hold-up démocratique »
Nicolas
Dupont-Aignan
(Photo
gaullisme.fr - cliquez pour agrandir),
lui, a choisi depuis longtemps d'exprimer sa différence en dehors du
parti. Toujours membre de l'UMP, il a déjà pris la décision d'être
candidat. Trop de « différence sur l'Europe » et un projet « pas assez
républicain » pour le fondateur de Debout la République. Il accuse même
Nicolas Sarkozy de « hold-up démocratique » avec l'investiture par les
adhérents de l'UMP : « 300 000 adhérents fortement influencés vont
choisir à la place de 30 millions d'électeurs. On vide le sens du
premier tour. » Aujourd'hui, la mise en place d'un débat le « fait
hurler de rire. » « Sarkozy comme Juppé ont tué la démocratie à l'UMP en
tuant les courants d'idées à la création du parti », rage le député de
l'Essonne.
Christine Boutin fait aussi partie de ces « rebelles » de la droite. En
2002, elle avait déjà franchi le pas, en se présentant à l'élection
présidentielle. Sans grand succès, avec 1,19 % des suffrages. Cette fois
encore, celle qui veut représenter le volet social et humain de la
droite menace de remettre ça, soutenue par son Forum des républicains
sociaux (FRS). Mais la situation est différente aujourd'hui. « Nicolas
Sarkozy lui fait des appels du pied », explique Christian Dupont,
responsable de la communication du FRS. Néanmoins, Christine Boutin
n'exclut pas de se présenter », avertit-il. Mais on sent que Christine
Boutin va réfléchir à deux fois avant d'y aller. La peur des
représailles ?
Sarkozy fait régner la peur sur son camp
Car quand on ose faire face à l'empire sarkozyste, ce n'est pas sans
conséquences, ni sans risques. Le crime de lèse-Sarkozy est puni, qu'on
le sache. « On est personna non-grata à l'UMP, de façon très claire »,
lâche Georges Tron, qui a connu un traitement particulier : « Dans les
élections interne au mouvement, tout a été fait pour nous faire battre.
J'ai été démissionné du poste de secrétaire départemental de l'UMP de
l'Essonne dont j'étais titulaire depuis 7-8 ans, à deux mois de la fin
de mon mandat, sans aucune forme de procès. Pas le temps de dire ouf. Je
me suis alors représenté. Les instances nationales du parti ont tout
fait pour me barrer la route, y compris des changements de règles de
dernier moment sur les modalités de l'élection. Mais j'ai gagné. »
Nicolas Dupont-Aignan n'a plus eu une conversation avec Nicolas Sarkozy
depuis presque un an. « Il m'a dit que je l'attaquais personnellement
sur la discrimination positive, que ce n‘était pas bien. La conversation
a un peu déraillé. On s'est bien engueulé », se souvient-il.
Et
si elles ne sont pas directes, les pressions sont intériorisées par les
membres de l'UMP. Plus discret et efficace. En faisait régner une sorte
de peur sur son propre camp, Sarkozy freine les volontés de liberté, ou
même de simple écart, face à la ligne officielle. Rachid Kaci en fait
l'expérience dans sa recherche des 70 signatures de conseillers
nationaux nécessaires pour se présenter à l'investiture : « Quand on
leur demande de nous parrainer, les types ont peur. Ils flippent. Ils se
disent « Holala, mais comment Sarkozy va-t-il interpréter le fait que je
te soutienne ? » » La raison pour Rachid Kaci : « La droite est très
imprégnée du culte du chef issu du RPR et du gaullisme. »
Stratégie du pire
Reste à savoir si ces multiples frondes anti-Sarkozy peuvent faire
vaciller la machine. Pas évident. L'équation dépend aussi de la volonté
des chiraquiens. Les supporteurs de Michèle Alliot-Marie jurent qu'elle
n'ira pas contre Nicolas Sarkozy. « Villepin n'a jamais évoqué
l'hypothèse d'une candidature face à Sarkozy », assure de son côté
Georges Tron. Mais des deux côtés, on laisse présager le doute. « Si le
débat interne à l'UMP est libre, Michèle Alliot-Marie est fondée à avoir
un score extrêmement intéressant, si elle se présente à l'investiture »,
lance Marie-Anne Montchamp. « Le meilleur système consiste à ce que le
parti apporte son investiture le plus tardivement possible, étant
entendu que chacun est libre de se déclarer comme il le souhaite et hors
parti », assure Georges Tron. Continuant à jouer avec les nerfs des
sarkosystes, il ajoute, sibyllin : « La situation du 14 janvier (jour de
l'investiture du candidat UMP NDLR) ne sera pas une table de la loi qui
va s'imposer quoi qu'il en soit. Si on constate que le candidat désigné
décroche, il est envisageable d'y aller. Mais ça ne veut pas dire pour
autant qu'on va le susciter. » A voir.
Car si tous jurent vouloir avant tout la victoire de leur camp,
certains, comme Rachid Kaci, craignent que leur attitude ait un autre
dessein : « Les uns et les autres ne jouent pas forcément leur victoire.
Je ne veux pas passer pour un sarkozyste en disant cela, mais tel que je
vois les choses, ils jouent la défaite de Sarkozy car ils ont assimilé
l'idée qu'ils ne pouvaient pas gagner. Par contre, ils savent que si
Sarkozy gagne la présidentielle, ils sont morts politiquement. » Ce
serait donc la politique du pire ? « Oui. Mais dans le camp chiraquien,
ils ont déjà fait cela dans le passé contre Chaban-Delmas et Giscard. Je
pense qu'ils sont prêts à tout. »
Mercredi 29 Novembre 2006
François Vignal
www.marianne2007.info
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