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Communiqué du 01 décembre 2006

 

Cette droite qui dit «non» à Sarkozy

 

Leur but : exister, défendre leurs idées. Leur arme : prendre la parole, contrer, manœuvrer. Pour faire face au rouleau compresseur Sarkozy, ils tentent la résistance. Mais qu'on s'appelle Dominique de Villepin ou Nicolas Dupont-Aignan, pas facile. Qu'importe, c'est une question de survie pour eux.

Le PS l'a fait, l'UMP s'y met. Ou du moins essaie. Du débat, en veux-tu, en voilà. Lors du conseil national de la formation majoritaire, la semaine dernière, la date de dépôt des candidatures à l'investiture pour 2007 a été repoussée au 31 décembre. En prime, des forums régionaux. Au premier abord, un geste à l'égard de Michèle Alliot-Marie. Et ce week-end, Nicolas Sarkozy d'annoncer « la magie du rassemblement » dans les « cinq mois à venir. » Mais gare aux faux-semblants. Car cette paix est une paix armée, et derrière cette trêve, la fronde est toujours là, à droite, prête à repartir de plus belle.

Une fronde, une résistance même, face à Nicolas Sarkozy, qui existe chez les « gros » – Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie – comme chez les plus modestes Nicolas Dupont-Aignan ou Christine Boutin. « Il s'agit de résister à un rouleau compresseur qui agit contre ses propres intérêts, qui réduit au silence tout ceux qui ne partagent pas la ligne directrice. Nicolas Sarkozy verrouille absolument toute forme d'expression dans le mouvement », déplore à Marianne2007.info le député villepiniste Georges Tron. « Ce n'est pas une résistance contre l'ennemi, mais une résistance intellectuelle. Ou plutôt une compétition, un complément d'offre », confirme l'ancienne secrétaire d'Etat aux personnes handicapées de Raffarin, Marie-Anne Montchamp, député du Val-de-Marne et soutien de Michèle Alliot-Marie.

 

Craintes pour la victoire

D'un côté, Nicolas Sarkozy presse ses concurrents à rentrer dans la danse de l'investiture, à se déclarer. De l'autre, on remarque surtout son allergie à cette même concurrence. « Il a du mal à l'accepter. Ça entraîne des réactions très fortes chez lui », souligne Georges Tron. « Dans un premier temps, « c'est j'aime pas ! », une réaction brutale, comme au conseil national après le discours de Michèle Alliot-Marie. Puis dans un second temps, il construit », veut croire Marie-Anne Montchamp.

Car la construction, la coopération, voilà bien ce qui fait défaut au ministre de l'Intérieur pour « les autres » de l'UMP. Ils reprochent un projet trop fermé. « Du Sarkozy pur jus » pour Georges Tron, qui regrette que la sensibilité villepiniste n'ait pas été associée à son élaboration : « Les conventions étaient complètement cloisonnées. » Pour Rachid Kaci, ancien de Démocratie libérale, fondateur de la Droite libre et jusqu'à présent seul candidat officiel face à Sarkozy pour l'investiture, « le projet législatif n'est pas suffisamment libéral et n'incarne pas la rupture comme il l'avait décrite à un moment donné. »

Résultat : leur crainte quant à la capacité du leader de l'UMP, et donc de la droite, d'aller jusqu'à la victoire, se multiplient. « Chaque prisme personnel doit apporter sa lecture de l'attente des Français pour une lecture complète. Si Sarkozy n'en tient pas compte, je pense qu'on est trop juste, qu'on ne rassemble pas suffisamment au second tour. A droite, tout le monde ne se reconnaît pas en lui », avertit Marie-Anne Montchamp. « Sa situation personnelle réduit nos chances. A force de personnaliser les choses à outrance, le référendum pour ou contre Sarkozy va remplacer l'élection », craint Georges Tron.

 

« Hold-up démocratique »

Nicolas Dupont-Aignan (Photo gaullisme.fr - cliquez pour agrandir), lui, a choisi depuis longtemps d'exprimer sa différence en dehors du parti. Toujours membre de l'UMP, il a déjà pris la décision d'être candidat. Trop de « différence sur l'Europe » et un projet « pas assez républicain » pour le fondateur de Debout la République. Il accuse même Nicolas Sarkozy de « hold-up démocratique » avec l'investiture par les adhérents de l'UMP : « 300 000 adhérents fortement influencés vont choisir à la place de 30 millions d'électeurs. On vide le sens du premier tour. » Aujourd'hui, la mise en place d'un débat le « fait hurler de rire. » « Sarkozy comme Juppé ont tué la démocratie à l'UMP en tuant les courants d'idées à la création du parti », rage le député de l'Essonne.

Christine Boutin fait aussi partie de ces « rebelles » de la droite. En 2002, elle avait déjà franchi le pas, en se présentant à l'élection présidentielle. Sans grand succès, avec 1,19 % des suffrages. Cette fois encore, celle qui veut représenter le volet social et humain de la droite menace de remettre ça, soutenue par son Forum des républicains sociaux (FRS). Mais la situation est différente aujourd'hui. « Nicolas Sarkozy lui fait des appels du pied », explique Christian Dupont, responsable de la communication du FRS. Néanmoins, Christine Boutin n'exclut pas de se présenter », avertit-il. Mais on sent que Christine Boutin va réfléchir à deux fois avant d'y aller. La peur des représailles ?

 

Sarkozy fait régner la peur sur son camp

Car quand on ose faire face à l'empire sarkozyste, ce n'est pas sans conséquences, ni sans risques. Le crime de lèse-Sarkozy est puni, qu'on le sache. « On est personna non-grata à l'UMP, de façon très claire », lâche Georges Tron, qui a connu un traitement particulier : « Dans les élections interne au mouvement, tout a été fait pour nous faire battre. J'ai été démissionné du poste de secrétaire départemental de l'UMP de l'Essonne dont j'étais titulaire depuis 7-8 ans, à deux mois de la fin de mon mandat, sans aucune forme de procès. Pas le temps de dire ouf. Je me suis alors représenté. Les instances nationales du parti ont tout fait pour me barrer la route, y compris des changements de règles de dernier moment sur les modalités de l'élection. Mais j'ai gagné. »

Nicolas Dupont-Aignan n'a plus eu une conversation avec Nicolas Sarkozy depuis presque un an. « Il m'a dit que je l'attaquais personnellement sur la discrimination positive, que ce n‘était pas bien. La conversation a un peu déraillé. On s'est bien engueulé », se souvient-il.

Et si elles ne sont pas directes, les pressions sont intériorisées par les membres de l'UMP. Plus discret et efficace. En faisait régner une sorte de peur sur son propre camp, Sarkozy freine les volontés de liberté, ou même de simple écart, face à la ligne officielle. Rachid Kaci en fait l'expérience dans sa recherche des 70 signatures de conseillers nationaux nécessaires pour se présenter à l'investiture : « Quand on leur demande de nous parrainer, les types ont peur. Ils flippent. Ils se disent « Holala, mais comment Sarkozy va-t-il interpréter le fait que je te soutienne ? » » La raison pour Rachid Kaci : « La droite est très imprégnée du culte du chef issu du RPR et du gaullisme. »


Stratégie du pire

Reste à savoir si ces multiples frondes anti-Sarkozy peuvent faire vaciller la machine. Pas évident. L'équation dépend aussi de la volonté des chiraquiens. Les supporteurs de Michèle Alliot-Marie jurent qu'elle n'ira pas contre Nicolas Sarkozy. « Villepin n'a jamais évoqué l'hypothèse d'une candidature face à Sarkozy », assure de son côté Georges Tron. Mais des deux côtés, on laisse présager le doute. « Si le débat interne à l'UMP est libre, Michèle Alliot-Marie est fondée à avoir un score extrêmement intéressant, si elle se présente à l'investiture », lance Marie-Anne Montchamp. « Le meilleur système consiste à ce que le parti apporte son investiture le plus tardivement possible, étant entendu que chacun est libre de se déclarer comme il le souhaite et hors parti », assure Georges Tron. Continuant à jouer avec les nerfs des sarkosystes, il ajoute, sibyllin : « La situation du 14 janvier (jour de l'investiture du candidat UMP NDLR) ne sera pas une table de la loi qui va s'imposer quoi qu'il en soit. Si on constate que le candidat désigné décroche, il est envisageable d'y aller. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'on va le susciter. » A voir.

Car si tous jurent vouloir avant tout la victoire de leur camp, certains, comme Rachid Kaci, craignent que leur attitude ait un autre dessein : « Les uns et les autres ne jouent pas forcément leur victoire. Je ne veux pas passer pour un sarkozyste en disant cela, mais tel que je vois les choses, ils jouent la défaite de Sarkozy car ils ont assimilé l'idée qu'ils ne pouvaient pas gagner. Par contre, ils savent que si Sarkozy gagne la présidentielle, ils sont morts politiquement. » Ce serait donc la politique du pire ? « Oui. Mais dans le camp chiraquien, ils ont déjà fait cela dans le passé contre Chaban-Delmas et Giscard. Je pense qu'ils sont prêts à tout. »

Mercredi 29 Novembre 2006

François Vignal

www.marianne2007.info