Retour

 



Communiqué du 1er septembre 2006

 

Arrêtons la scandaleuse privatisation de Gaz de France

 

 

 

Par Jacques Cheminade *

* Président de Solidarité et Progrès

site : www.solidariteetprogres.org

 

Dans le cadre de l'examen du projet de loi sur l'énergie, la fusion de Gaz de France (GDF) et de Suez, et par conséquent la privatisation de GDF, sera à l'ordre du jour du Parlement le 7 septembre 2006. Personne ne sait exactement dans quelles conditions, tant les débats sont confus et les influences activées, mais toutes les options envisagées sont inacceptables et toutes les raisons données fausses ou mauvaises.

  • Cette opération se situe dans le contexte général d'une prise de contrôle de l'économie française (Arcelor, Euronext, Alcatel...) par les intérêts d'une oligarchie financière transnationale et du démantèlement de notre service public. La fusion Suez-GDF n'est pas ainsi un cas particulier mais un symptôme d'une politique de soumission plus générale, frappant notamment les sociétés du CAC-40 avec la complicité de nos « élites », qui estiment appartenir à un monde échappant à la morale commune.

  • Dans cette affaire, l'Etat se renie lui-même : la loi Sarkozy de 2004 prévoyait en effet que l'Etat devait détenir au moins 70% du capital de GDF. Aujourd'hui, on demande au Parlement de voter une autre loi pour abaisser cette part. Peu importe le chiffre finalement retenu, c'est cette baisse qui est scandaleuse et qui constitue un reniement. Directeur de cabinet adjoint de Jean-Pierre Raffarin et ancien conseiller économique de l'Elysée, M. Jean-François Cirelli a lui-même supervisé la loi Sarkozy de 2004 pour ensuite, nommé à la tête de GDF, tirer avantage de son influence pour la faire modifier, bafouant tous les critères de rigueur et d'honnêteté intellectuelle.

  • Suez, qui absorbera GDF, est une société internationale dont les principaux actionnaires relèvent d'une oligarchie sans frontières : Albert Frère, Paul Desmarais, le vicomte Etienne Davignon, Lord Simon of Highbury et Anne Lauvergeon. Gérard Mestrallet lui-même, son actuel patron, a accepté en 2002 le plan d'austérité qui lui était alors imposé par Félix Rohatyn, ancien ambassadeur des Etats-Unis en France et « père » des fusions-acquisitions depuis les années soixante, c'est à dire de la re-cartellisation de l'économie mondiale. Mestrallet et Rohatyn sont des partisans acharnés de « l'investissement transatlantique », qu'ils ont promu à la conférence du groupe Europlace qui s'est tenue à New York en octobre 2004.

  • MM. Mestrallet et de Villepin évoquent « l'indépendance énergétique de la France. » M. Mestrallet se vante de « l'addition des portefeuilles de contrats et des positions dans l'exploration et la production. » qui ferait de Suez-GDF le premier acheteur et le premier fournisseur de gaz européen. C'est ainsi définir une re-cartellisation financière, non une indépendance énergétique et industrielle. M. Mestrallet se flatte également, en détenant une flotte de 16 méthaniers et 5 terminaux gaziers, de pouvoir contrer le transport classique par pipe-line, c'est à dire la dépendance vis à vis des pays producteurs d'hydrocarbures (Algérie et Russie). C'est là décrire un rapport de forces, non un horizon de développement mutuel, d'entente et de coopération.
    De plus, l'indépendance énergétique de la France ne dépend pas à vrai dire du gaz, mais du nucléaire. Or Mme Anne Lauvergeon a fait nommer le néo-conservateur américain Spencer Abraham à la tête de la filière états-unienne d'Areva. Elle a ainsi remis les clefs de l'industrie nucléaire française à un ancien Secrétaire d'état états-unien à l'énergie, de surcroît membre de la Société Fédéraliste, qui justifie la théorie des pleins pouvoirs de la présidence américaine Bush-Cheney et le caractère légal des tribunaux d'exception.

  • Diverses garanties sont promises en faveur des acheteurs publics ou privés, allant de la poursuite des missions de service public jusqu'au maintien des tarifs régulés et la possibilité d'y revenir pour les PME qui n'y auront plus théoriquement accès à partir de fin 2007, ainsi qu'à la création d'un tarif spécial du gaz pour les plus démunis. Le problème est que ces garanties n'engagent que ceux qui y croient, comme hier les promesses de M. Pasqua ou celles de M. Sarkozy en 2004, car toute la logique de démission publique suivie va logiquement à leur encontre.

  • EDF se trouvera elle-même menacée : hier elle avait deux grands concurrents en France, GDF et Suez, demain elle se trouvera face à un géant sous contrôle de l'oligarchie financière. EDF devra donc se diversifier pour survivre et s'adosser à un partenaire en ouvrant son capital. Le candidat pourrait être Veolia ou Total, des entreprises nominalement françaises mais en fait, elles aussi, sous l'influence directe de l'oligarchie financière mondialisée.

Bref, cette fusion contredit tous les beaux discours sur l'indépendance économique et sur la belle et grande Europe intégrée. Les banques impliquées dans le projet de fusion sont Merrill Lynch, Lazard, Goldman Sachs et la Société Générale pour GDF, Rothschild, BNP Paribas, Morgan Stanley, JP Morgan, le Crédit Agricole et Toulouse associés (rachetée par Gerardo Braggiotti, ex administrateur d'Eurazeo et directeur-gérant de Lazard, devenu dirigeant du Gruppe Banca Leonardo, avec l'appui d'Eurazeo et de Michel David-Weill) pour Suez. D'autres maisons restées à l'écart de l'opération préparent des contre-projets, au sein d'un véritable bal de requins n'ayant d'autre logique que les rapports de force ou la volonté de puissance.

Nous disons « non », un non absolu à cette entreprise de liquidation de notre service public, des intérêts de nos consommateurs et de notre indépendance nationale. Un virage à 180° de politique est nécessaire, pour remettre en place des institutions susceptibles de nous défendre (banque nationale, planification indicative, contrôle des flux de capitaux, protectionnisme intelligent), dans la cadre d'un nouvel ordre financier et monétaire international -- un Nouveau Bretton Woods -- remettant l'argent au service de la production, du travail, des infrastructures et de la recherche.

Dans ce contexte, qui lui donne un sens, nous exigeons la mise en place d'un grand pôle public de l'énergie, regroupant les moyens et les activités d'EDF et de GDF.

Sans cette nouvelle politique, qui s'inscrit dans notre tradition républicaine, cette politique pour laquelle Jacques Cheminade se bat dans le cadre de la campagne présidentielle, la France perdra tout moyen de demeurer un état-nation et deviendra au mieux, avec Euronext et le New York Stock Exchange regroupés sous l'égide de Félix Rohatyn, un Liban financier voué à l'austérité sociale dans un monde livré à une guerre irrégulière permanente de tous contre tous.

   DITES NON AVEC NOUS A LA PRIVATISATION DE GDF, NON AU CHAOS FINANCIER, NON A UNE MONDIALISATION DE PREDATEURS !