Communiqué du 23 juillet 2007

 

Pêche : du chômage obligé                                                                                                                                                       par Patrick Bonte

 

 

« Pas d’anchois, mais 15 millions d’euros ». C’est sous ce titre révélateur que Le Figaro publia le 19 juillet 2007, l’interdiction que venait de prononcer la Commission européenne ; aux pêcheurs français du golfe de Gascogne  de pêcher l’anchois. En contrepartie, les fonctionnaires de la Commission européenne ont, comme à leur habitude, décidé de dépenser de l’argent pour empêcher ces pauvres pêcheurs d’en gagner: ils bénéficieront d'un plan de soutien (15 millions d'euros).

Pour tenter de compenser l'impact économique et social de la fermeture de la pêche, alors que la profession est déjà très touchée, Bruxelles et Paris avaient annoncé la veille l'octroi de cette subvention qui proviendrait de « crédits nationaux et européens ». Nul n’a  précisé à Paris, ni Bruxelles la répartition qui sera faites entre les concours nationaux  qui seraient prélevés sur l’argent des Français et accroitraient le déficit budgétaire et l’apport des fonds de l'Union gérés de manière quasiment discrétionnaire par la Commission.

Pourtant, on sait que les bancs d’anchois demeurent suffisants pour assurer la reproduction de l’espèce dans le golfe de Gascogne ; nul n'ignore qu’il était possible d’obliger les pêcheurs à pêcher plus loin en mer afin de permettre en tout état de cause, aux bancs proches du rivage de se reconstituer si les fonctionnaires souhaitaient adopter une attitude très prudente. On sait également que le nouveau ministre de la pêche français, M Michel Barnier, avait assuré les pêcheurs de son soutien une semaine plus tôt.

Il n’en fit rien. Cet ancien commissaire européen qui connaît donc bien ces questions, ce ministre qui avait défendu le renforcement des pouvoirs de la Commission en préconisant l’adoption du Traité qui était destiné à établir une Constitution pour l'Europe, retrouva les accents de l’ancien commissaire aux régions qu’il avait été. Il expliqua le 19 juillet à 12:40 sur la 3ème chaîne de télévision les raisons de la décision de la Commission :

1. « La pêche est une politique communautaire »  (ndlr :c'est-à-dire une politique dont les gouvernements sont dépossédés et qui est conduites par les instances fédérales européennes (16) qui n’ont en ces matières aucun compte à rendre à personne ;

2. Il précisa donc qu’il avait simplement « relayé » à Bruxelles les préoccupations des pêcheurs français dont il venait de se voir confier la charge. Le choix du mot « relayer » fit bien apparaître aux yeux des téléspectateurs qu’il n’avait au contraire de ses promesses une semaine plus tôt, pas défendu les exigences, ni les contre-propositions des pêcheurs français. Le ministre français avait été de son propre aveu, un relais, une courroie de transmission des doléances de ses compatriotes puisque le gouvernement était en réalité dessaisi de cette compétence par l’organisation fédérale de l’Europe (16). Il précisa en outre que le Président de la République et le Premier Ministre français (c’est M Fillon) étaient également intervenus français auprès de M Barroso (l’inflexible Président de la Commission qui prétend toujours défendre la culture du compromis quand il ne peut décider seul) et que cela n’avait pas permis de modifier la décision prise par les fonctionnaires européens puisque cette politique est communautaire (*).

3. Il est donc compréhensible qu’il déclare simplement comme s'il s'agissait d'un simple constat : « la pêche est interrompue ». Il le déclara comme s’il était encore un commissaire ou un porte-parole de la Commission, puisque « la pêche est une politique communautaire »   ;

4. Et c’est sur le même ton du constat qu’il précisa : « nous allons aider comme pour du chômage obligé ». C’est en effet ce qui venait d’être décidé par les fonctionnaires de la Commission : créer du chômage obligé.  Les représentants de la profession interrogés par les journalistes de FR 3 déplorèrent en effet que la moitié de la flottille du Golfe serait détruite ; autant d’emplois sacrifiés et de drames familiaux provoqués par cette «politique communautaire ».

 

5. Se souvenant que M Barnier avait déclaré deux ans plus tôt en qualité de Ministre des Affaires Etrangères qu’il n’y avait pas de plan alternatif au traité constitutionnel européen, le présentateur du journal télévisé demanda au ministre de la pêche s’il était envisagé d’établir un plan B pour préserver la pêche à l'anchois dans cette région de notre cher pays. M Barnier déclara sans surprise –et sans doute était-il irrité des souvenirs déplaisants pour lui du Traité qui était destiné à établir une Constitution pour l'Europe- qu’il n’y aurait pas de plan B pour les pêcheurs  français non plus. On en connaît le motif : cela résulte du fait que « la pêche est une politique communautaire » (*).

(*) « Le mot ‘‘communautaire’’ veut dire exactement la même chose que  fédéral » (Valéry Giscard d'Estaing présente la Constitution pour l’Europe, Albin Michel, oct.  2003, pp.  32, 34 et le Figaro magazine, 27 sept. 2003, interview).