Communiqué du 09 août 2007

 

PMU et Europe, rien ne va plus

 
  • Par Louis Giscard d'Estaing, Jacques Myard et François Sauvadet, respectivement député (UMP) du Puy-de-Dôme, député (UMP) des Yvelines et député (Nouveau Centre) de Côte-d'Or.  (Le Figaro du 9 août 2007)

Bruxelles vient d'adresser à la France un avis motivé (article 226 du traité CE) l'enjoignant de modifier sa législation sur les jeux pour le PMU et La Française des jeux.

Le commissaire européen, Charlie McCreevy, considère que la législation française est en infraction au regard de la libre circulation des services. La Commission estime que si les jeux sont dangereux, ils le sont pour tout le monde et doivent être interdits. La France ne peut donc en confier la gestion à un monopole, elle doit ouvrir ces activités à la concurrence.

Il s'agit là d'un sophisme, aux antipodes de la réalité de ce que sont les jeux en France et de l'intérêt général. La loi du 21 mai 1836 a édicté la prohibition des loteries. La loi du 2 juin 1891 a soumis les courses de chevaux à autorisation préalable des pouvoirs publics. Elle a autorisé les Sociétés de courses à organiser les paris hippiques sur leurs courses afin d'en assurer le financement.

Le contrôle de l'État sur ces activités s'est traduit par la mise sur pied du Pari mutuel urbain, groupement d'intérêt économique créé par les Sociétés de courses qui gère les paris hippiques pour leur compte pour les courses de chevaux, dans lequel tout le produit des paris revient aux gagnants, défalqué des taxes, du coût de gestion du PMU et des allocations pour l'encouragement de la race chevaline.

Aucun dividende n'est versé à des actionnaires privés. Le système fonctionne sur le mode associatif au profit de la filière hippique qui est devenue un secteur économique englobant plus de 120 000 personnes : avec 62 000 emplois directs de l'élevage aux entraîneurs et jockeys, et autant d'emplois indirects. Ces règles assurent une gestion transparente, sûre, qui évite le recyclage d'argent sale.

Est-il souhaitable de remettre en cause ce modèle au regard du dogme de la libre circulation des services ?

La Commission oublie plusieurs éléments :

Le traité CE reconnaît aux États le droit d'introduire des dérogations aux règles des marchés pour des raisons d'ordre public (article 30). Les activités de jeux ne sont pas une activité ordinaire mais doivent être contrôlées au nom même de la sécurité publique, notion également reconnue par l'article 30.

C'est bien là le fondement de la loi de 1891. De plus, la loi Evin interdit aux sociétés de tabac ou d'alcool de parrainer des manifestations sportives, donc les courses de chevaux, et renforce la notion d'ordre public comme l'a voulu le législateur français.

L'organisation des jeux et son contrôle relèvent pleinement de la préservation de l'ordre public. Cela n'a pas échappé à la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur qui exclut « les activités de jeux d'argent, y compris les loteries et paris, de son champ d'application, compte tenu de la spécificité de ces activités qui entraînent de la part des États membres la mise en œuvre de politiques touchant à l'ordre public et visant à protéger les consommateurs ».

La Cour de cassation aurait été inspirée de relire ce considérant avant de faire prévaloir, dans son arrêt du 10 juillet, la libre prestation des services (article 49 CE) sur la loi française et de casser l'arrêt de la cour d'appel de Paris, lequel avait appliqué la loi française et opposé le monopole des Sociétés de courses sur le PMU à une société privée de paris en ligne installée à Malte. La haute juridiction en imposant au juge des référés de vérifier si, à Malte, l'intérêt général n'est pas sauvegardé par les règles auxquelles est soumis le prestataire de services revient à nier le principe de subsidiarité et la notion d'ordre public national. Prétendre que l'État, en prélevant des taxes, n'assure pas une mission d'intérêt général, rappelle l'insolence des Parlements d'Ancien Régime, alors que ces prélèvements versés au budget général assurent le paiement des magistrats ! Le raisonnement de la Cour de cassation est surréaliste !

Économiquement, le système des jeux est organisé au bénéfice exclusif des joueurs de la filière équine, aucun bénéfice n'est prélevé au profit d'actionnaires. L'institution des courses est totalement neutre dans la prise de paris, à l'inverse des bookmakers. À travers le PMU, la filière hippique est intégralement financée par les jeux.

Livrer ce secteur à la libre concurrence en autorisant les paris en ligne, c'est l'assurance de détruire la filière hippique, qui est une filière d'excellence portant la France aux premiers rangs mondiaux pour les courses et l'élevage, ainsi qu'un outil irremplaçable pour l'aménagement du territoire. Les exemples allemand et belge sont probants : depuis l'instauration du régime de la libre concurrence, le nombre des courses a baissé de 36 %, celui des chevaux au départ de 40 %, en raison de l'évaporation des ressources tirées des paris au profit des bookmakers, souvent installés dans des paradis fiscaux.

Les attaques de la Commission contre le système français des jeux sont un mauvais procès qui ne profiterait qu'à des opérateurs privés de jeux, souvent en marge de la légalité : le directeur de Ladbrokes, l'un des grands bookmakers anglais, Chris Bell, déclarait, en mai 2004, qu'une course par jour était truquée en Angleterre du fait des échanges de paris. Pourquoi casser un système transparent, efficace et sûr, qui fonctionne au profit de tous, parieurs et acteurs de la filière hippique, si ce n'est au nom de principes dogmatiques, gros de risques évidents, et pour le plus grand profit d'opérateurs peu scrupuleux ?

La France doit faire entendre raison à Bruxelles.