Communiqué du 6 juillet 2007

 

La "participation gaulliste"                                                                                                                                          de NICOLAS CUZACQ

 
  • NICOLAS CUZACQ est maître de conférences en droit privé à l'université Paris-XII Val-de-Marne.

... où les salariés pourraient avoir davantage de poids 

La loi pour le développement de la participation du 30 décembre 2006 n'est pas une loi inutile. Pour autant, il s'agit d'un texte minimaliste. Il n'est pas à la hauteur des ambitions du général de Gaulle, qui considérait l'association du capital et du travail comme un projet de société. Ne déclarait-il pas, lors d'un entretien télévisé du 7 juin 1968 : « Il y a une troisième solution [autre que le capitalisme ou le communisme] : c'est la participation. » Selon lui, la participation des salariés doit concerner les résultats de l'entreprise, son capital (actionnariat salariés), mais aussi sa gestion. Ce dernier objectif implique notamment la nomination de salariés au sein des conseils d'administration ou de surveillance.

Sur ce point, les ambitions de la loi du 30 décembre 2006 sont ténues, voire inexistantes. Parfois, on peut même parler de régression. Il en est ainsi lorsque cette loi réduit aux seules sociétés anonymes cotées l'obligation de représentation des salariés actionnaires au sein des conseils d'administration ou de surveillance lorsque ces salariés actionnaires détiennent plus de 3 % du capital de l'entreprise. Auparavant, l'ensemble des sociétés anonymes était concerné. L'exposé des motifs du projet de loi explique ce choix par la volonté de « ne pas dissuader les PME d'ouvrir leur capital ». Cet argument n'emporte pas la conviction car l'on ne parvient pas à comprendre pourquoi les droits des salariés actionnaires des PME seraient réduits alors que leur investissement est souvent plus risqué.

Un débat adjacent concerne l'opportunité d'admettre une représentation de l'ensemble des salariés, actionnaires ou non, dans les conseils d'administration ou de surveillance. Actuellement, les représentants du comité d'entreprise, qui assistent aux conseils, ont une voix consultative. Au contraire, un administrateur salarié a une voix délibérative. Les partisans de la représentation des salariés au sein des conseils font valoir qu'une entreprise utilise du capital et du travail. En conséquence, ils considèrent comme logique que le choix de la stratégie, ou au moins son contrôle, soit réalisé par les actionnaires mais également par les salariés. D'ailleurs, l'amendement Capitant-Le Douarec, qui a instauré en droit français en 1966 une nouvelle organisation des sociétés anonymes distinguant nettement la gestion de sa surveillance, avait notamment comme objectif de favoriser une cosurveillance. René Capitant, considéré comme un gaulliste de gauche, avait indiqué qu'il souhaitait voir le comité d'entreprise devenir l'égal du conseil de surveillance. Ainsi, en 1968, il déclare sans ambages : « Le comité d'entreprise, élu par l'assemblée des travailleurs, sera l'instrument du contrôle ouvrier comme le conseil de surveillance est celui du contrôle des actionnaires. »

La société anonyme avec conseil de surveillance est inspirée du droit allemand et c'est également le modèle rhénan qui avait suggéré au député UMP François Guillaume de proposer, à l'occasion des travaux parlementaires relatifs à la loi du 30 décembre 2006 pour la participation, une représentation obligatoire des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance. Ce dispositif destiné aux entreprises de plus de deux cents salariés n'a pas été adopté par sa majorité. Actuellement, en droit français, la représentation des salariés au sein du conseil d'administration ou de surveillance des sociétés anonymes est en principe facultative car elle est décidée par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires. Par contre, elle est obligatoire si la société anonyme appartient au secteur public. D'ailleurs, la loi du 30 décembre 2006 pérennise la représentation des salariés dans les conseils des sociétés qui ont été privatisées. En conséquence, les sociétés privées ne sont pas assujetties aux mêmes obligations selon l'histoire de leur actionnariat. Si la nomination d'administrateurs salariés est pertinente pour les unes, pourquoi ne l'est-elle pas pour les autres ? Ces contradictions du droit reflètent la confrontation qui oppose les partisans de cette représentation à ses pourfendeurs. Ces derniers évoquent le risque d'une dilution des pouvoirs. Cette volonté d'une unité du pouvoir avait déjà suscité des escarmouches au sein même du RPF au début des années cinquante. Quant aux libéraux, ils contestent la légitimité d'une représentation des salariés dans les conseils en considérant que le droit de propriété doit rester le fondement du pouvoir au sein des entreprises. En conséquence, seuls les actionnaires doivent être décisionnaires car ils ont pris un risque en confiant leur épargne à une société. Il est possible de rétorquer que les salariés subissent le risque de perdre leur emploi en cas de faillite voire de récession. Le débat est donc complexe et riche. On peut par exemple proposer de maintenir un système facultatif à l'égard des sociétés anonymes privées et de le rendre plus attractif. Actuellement, les entreprises généreuses à l'égard de leurs salariés lors du partage de leur résultat bénéficient dans certains cas d'un avantage fiscal sous la forme d'une provision pour investissement. On peut envisager de moduler cette dernière selon le degré de représentation des salariés au conseil d'administration ou de surveillance. Ainsi, conformément à la logique gaulliste, la participation aux résultats serait associée à la participation à la gestion.