... où les salariés
pourraient avoir davantage de poids
La loi pour le développement
de la participation du 30 décembre 2006 n'est pas une loi inutile. Pour
autant, il s'agit d'un texte minimaliste. Il n'est pas à la hauteur des
ambitions du général de Gaulle, qui considérait l'association du capital
et du travail comme un projet de société. Ne déclarait-il pas, lors d'un
entretien télévisé du 7 juin 1968 : « Il y a une troisième solution
[autre que le capitalisme ou le communisme] : c'est la participation. »
Selon lui, la participation des salariés doit concerner les résultats de
l'entreprise, son capital (actionnariat salariés), mais aussi sa
gestion. Ce dernier objectif implique notamment la nomination de
salariés au sein des conseils d'administration ou de surveillance.
Sur ce point, les ambitions
de la loi du 30 décembre 2006 sont ténues, voire inexistantes. Parfois,
on peut même parler de régression. Il en est ainsi lorsque cette loi
réduit aux seules sociétés anonymes cotées l'obligation de
représentation des salariés actionnaires au sein des conseils
d'administration ou de surveillance lorsque ces salariés actionnaires
détiennent plus de 3 % du capital de l'entreprise. Auparavant,
l'ensemble des sociétés anonymes était concerné. L'exposé des motifs du
projet de loi explique ce choix par la volonté de « ne pas dissuader les
PME d'ouvrir leur capital ». Cet argument n'emporte pas la conviction
car l'on ne parvient pas à comprendre pourquoi les droits des salariés
actionnaires des PME seraient réduits alors que leur investissement est
souvent plus risqué.
Un débat adjacent concerne
l'opportunité d'admettre une représentation de l'ensemble des salariés,
actionnaires ou non, dans les conseils d'administration ou de
surveillance. Actuellement, les représentants du comité d'entreprise,
qui assistent aux conseils, ont une voix consultative. Au contraire, un
administrateur salarié a une voix délibérative. Les partisans de la
représentation des salariés au sein des conseils font valoir qu'une
entreprise utilise du capital et du travail. En conséquence, ils
considèrent comme logique que le choix de la stratégie, ou au moins son
contrôle, soit réalisé par les actionnaires mais également par les
salariés. D'ailleurs, l'amendement Capitant-Le Douarec, qui a instauré
en droit français en 1966 une nouvelle organisation des sociétés
anonymes distinguant nettement la gestion de sa surveillance, avait
notamment comme objectif de favoriser une cosurveillance. René Capitant,
considéré comme un gaulliste de gauche, avait indiqué qu'il souhaitait
voir le comité d'entreprise devenir l'égal du conseil de surveillance.
Ainsi, en 1968, il déclare sans ambages : « Le comité d'entreprise, élu
par l'assemblée des travailleurs, sera l'instrument du contrôle ouvrier
comme le conseil de surveillance est celui du contrôle des actionnaires.
»
La société anonyme avec
conseil de surveillance est inspirée du droit allemand et c'est
également le modèle rhénan qui avait suggéré au député UMP François
Guillaume de proposer, à l'occasion des travaux parlementaires relatifs
à la loi du 30 décembre 2006 pour la participation, une représentation
obligatoire des salariés dans les conseils d'administration ou de
surveillance. Ce dispositif destiné aux entreprises de plus de deux
cents salariés n'a pas été adopté par sa majorité. Actuellement, en
droit français, la représentation des salariés au sein du conseil
d'administration ou de surveillance des sociétés anonymes est en
principe facultative car elle est décidée par l'assemblée générale
extraordinaire des actionnaires. Par contre, elle est obligatoire si la
société anonyme appartient au secteur public. D'ailleurs, la loi du 30
décembre 2006 pérennise la représentation des salariés dans les conseils
des sociétés qui ont été privatisées. En conséquence, les sociétés
privées ne sont pas assujetties aux mêmes obligations selon l'histoire
de leur actionnariat. Si la nomination d'administrateurs salariés est
pertinente pour les unes, pourquoi ne l'est-elle pas pour les autres ?
Ces contradictions du droit reflètent la confrontation qui oppose les
partisans de cette représentation à ses pourfendeurs. Ces derniers
évoquent le risque d'une dilution des pouvoirs. Cette volonté d'une
unité du pouvoir avait déjà suscité des escarmouches au sein même du RPF
au début des années cinquante. Quant aux libéraux, ils contestent la
légitimité d'une représentation des salariés dans les conseils en
considérant que le droit de propriété doit rester le fondement du
pouvoir au sein des entreprises. En conséquence, seuls les actionnaires
doivent être décisionnaires car ils ont pris un risque en confiant leur
épargne à une société. Il est possible de rétorquer que les salariés
subissent le risque de perdre leur emploi en cas de faillite voire de
récession. Le débat est donc complexe et riche. On peut par exemple
proposer de maintenir un système facultatif à l'égard des sociétés
anonymes privées et de le rendre plus attractif. Actuellement, les
entreprises généreuses à l'égard de leurs salariés lors du partage de
leur résultat bénéficient dans certains cas d'un avantage fiscal sous la
forme d'une provision pour investissement. On peut envisager de moduler
cette dernière selon le degré de représentation des salariés au conseil
d'administration ou de surveillance. Ainsi, conformément à la logique
gaulliste, la participation aux résultats serait associée à la
participation à la gestion.
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