Le
drame de la vallée de Tagab était malheureusement prévisible. La France
paie au prix fort dans la chair de ses soldats les conséquences de son
alignement sur les Etats-Unis. Nicolas Sarkozy avait pourtant annoncé,
durant le temps de sa campagne électorale, qu’une fois à l’Elysée, il la
désengagerait d’Afghanistan. Il n’a pas fallu longtemps pour vérifier
qu’il ne s’agissait que d’une promesse électorale en totale
contradiction avec sa volonté d’effacer la politique d’indépendance de
la France vis-à-vis de Washington.
Les
limites de sa mission en Afghanistan avaient été clairement fixées à
l’armée française. Elle devait contrôler Kaboul et participer à la
formation de l’armée afghane. Malgré les pressions de George W. Bush,
Jacques Chirac s’était refusé à élargir cet engagement. Nicolas Sarkozy
ne s’est pas tenu à cette sage politique. Au printemps dernier, il
annonçait, à Bucarest, le prochain retour de la France dans l’OTAN. En
parallèle, la décision était prise de renforcer le dispositif militaire
français en Afghanistan et d’en élargir les missions. Des militaires
français prendraient la place d’unités américaines dans certaines zones
de combat. C’est exactement ce qui s’est passé dans la zone où dix de
nos soldats ont été tués.
A-t-on remarqué par ailleurs comme Nicolas Sarkozy joue au clone de
George W. Bush ? Ce mimétisme est frappant dans les mots et les
arguments qu’il emploie pour justifier sa politique. A Kaboul, il a
appelé les soldats français à « continuer le travail » (« the job » dit
George W. Bush). L’armée française, explique-t-il, est engagée en
Afghanistan pour y défendre la « liberté » et la « démocratie ». On
croit entendre le président américain face au conflit irakien.
Il
faut dans un premier temps que la lumière soit faite sur les conditions
dans lesquels ces dix jeunes soldats sont morts. Les témoignages des
survivants contredisent la version officielle avancée par le ministre de
la Défense dès l’annonce de la nouvelle. Nos soldats ont-ils été aussi
victimes d’erreurs de l’aviation américaine ? La question mérite
d’autant plus d’être posée qu’il y a des précédents. On se rappelle
comment des militaires canadiens furent tués par des tirs « amis ».
Il
faut ensuite qu’un vaste mouvement s’organise pour exiger l’arrêt de
cette politique. Déjà, à l’annonce de l’envoi de nouveaux contingents en
Afghanistan, une large majorité de l’opinion s’y était déclarée hostile.
L’histoire nous apprend que jamais une intervention militaire étrangère
n’a été victorieuse en Afghanistan. Les Anglais, puis les Soviétiques en
ont fait l’expérience. Faudra-t-il que la liste des cercueils s’allonge
pour que le pouvoir se rende à cette évidence ?
Jean-Paul BLED
(photo)
Président d’honneur du RIF |