Éditorial

Une France souveraine dans une Europe indépendante

 

04/12/2003

L’Assemblée Nationale vient d’adopter le projet de loi autorisant la ratification du traité d’adhésion de dix nouveaux membres, portant ainsi le nombre d’Etats membres de 15 à 25.

Demain, la « constitution » européenne concoctée par la Convention présidée par Valéry Giscard D’Estaing sera présentée pour adoption.

De quelle façon ?

  • Les uns proposent la voie parlementaire. Ils sont les plus nombreux.

  • Les autres souhaitent une consultation référendaire.

  • Enfin, un certain nombre espère ne pas avoir à se dévoiler.

Dans la classe politique, de plus en plus nombreux sont ceux qui excluent le référendum sous prétexte que le peuple ne peut comprendre un dossier d’une telle complexité. Ils proposent une adoption par le Congrès réuni à Versailles, une large majorité de l’UMP et du PS y étant acquise pour de multiples raisons. Ils savent pertinemment que sur ce sujet les notions de droite et de gauche ne tiennent pas la route et que le peuple peut avoir deux visions de l’Europe indépendamment des sensibilités habituelles droite-gauche. Ainsi, en préconisant l’adoption par le Congrès, ils évitent un débat difficile au sein même de leurs partis respectifs.

Différente est l’approche de certains élus issus d’horizons divers : gaullistes de conviction, gauche républicaine, souverainistes, communistes… Ils s’appuient sur une évidence : une telle évolution fédéraliste de l’Europe ne peut être validée que par le peuple souverain. De plus, une campagne référendaire ouvrirait [enfin !] le débat sur l’Europe qui nous a été interdit depuis Maastricht. Seraient alors identifiées deux conceptions de l’Europe : l’une fédéraliste tendant à étouffer les nations par la création d’une Europe supranationale, l’autre, de conception confédérale, respectant les nations en instituant des politiques communes déterminées et des coopérations renforcées, préférant des délégations de souveraineté aux transferts.

Par ailleurs, l’adoption d’une telle constitution fédérale peut-elle se faire sans, au préalable, sans modifier la constitution française ? Le transfert de souveraineté, fondement même du projet fédéral, est incompatible avec certains articles de la constitution, notamment l’article 88.1 , lequel précise que l’Europe est formée d’Etats qui, librement et en applications de traités qu’ils ont entérinés, exercent « en commun certaines de leurs compétences », la constitution ne le permettant pas de manière globale et définitive.

Il est donc impératif, si l’on veut que la construction européenne soit portée par la majorité de nos concitoyens, que la nation s’exprime par référendum. Objectif-France qui ne cache pas ses références gaullistes se situe, sans ambiguïté, parmi ceux de plus en plus nombreux qui revendiquent le droit au débat et à l’expression populaire.

Qu’en pense le Président de la République, lui qui au cours de sa campagne a pris l’engagement solennel de le faire. Dans l’état actuel des choses, on ne peut que regretter son silence. A-t-il besoin de l’autorisation des partis politiques pour respecter sa parole ? Les prises de position de certains leaders de la majorité, mais également de la nébuleuse socialiste sont autant de signes avant-coureurs d’un renoncement à la plus élémentaire des règles démocraties (le référendum) doublé d’une stratégie de « botte en touche ». Le projet devant être, dans un premier temps, approuvé par les gouvernements puis, dans un second temps, ratifié par tous les états membres pour être validé, on comprend mieux le coup de frein présidentiel. Laisser à d’autres la responsabilité d’une hypothétique rupture suivie d’une renégociation et éviter ainsi des débats gênants, en vue des toutes prochaines échéances électorales ainsi que de celles plus lointaines, telle semble être l’orientation de l’Elysée. Le courage politique en action !

Objectif-France réclame un débat et une consultation nationale. Cette position n’est pas commandée uniquement par un souci de démocratie. Objectif-France entend aussi lutter contre ce projet de constitution fédérale, mais en proposant une autre alternative : une Europe confédérale. Il est particulièrement indécent, pour ne pas dire malhonnête, de faire croire que ceux qui refusent une constitution fédérale sont de vulgaires anti-européens. En fait, la très grande majorité de ceux qui veulent dire non au projet qui nous est présenté souhaite une Europe différente basée sur un principe intangible : la souveraineté se délègue, elle ne se transfère pas. A qui peut-on faire croire que la position de la France concernant le dossier Irakien aurait été la même si la France avait été muselée dans une Europe supranationale ? A qui peut-on faire croire que notre siège permanent à l’ONU, avec son droit de veto, nous sera conservé si, demain, la France ne reste pas indépendante, soumise qu’elle serait à la règle majoritaire dans une Europe à 25 ?

Ceux qui se résignent à cette hypothèse justifient leur soumission au fait que la France n’est plus importante. Désolation, écœurement. « Comme nous ne sommes plus une grande puissance, si nous n’avons pas une grande politique, nous ne serons plus rien » confiait le Général de Gaulle à Philippe de Saint Robert.

Méditons !

Alain KERHERVE