Législatives 1967

Retour                                                                                                        Mis en ligne le 15 juillet 2008

Début 1946, le général de Gaulle s'est retiré à Colombey.

 

La IVème république affronte les épreuves dans lesquelles elle va sombrer. Le 7 mai 1954, la chute de Dien Bien Phu signe la fin de notre influence et de notre présence dans l'ancienne Indochine. Le gouvernement Laniel tombe, remplacé le 14 juin par Mendès France. Celui-ci dont les qualités d'homme d'Etat sont indéniables, réglera à Genève les modalités de Paix. Puis, alors que nos deux protectorats due Tunisie et du Maroc sont entrés dans une période d'agitation, il se rend à Tunis, accompagné du maréchal Juin, pour engager la France dans la voie des négociations vers l'indépendance. Mais le 1er novembre, de sanglants attentats en Algérie ouvrent ce qui d'une révolte passera bientôt à une véritable guerre de libération. On cherche une solution, l'Assemblée n'en connaît qu'une : elle renverse le gouvernement Mendès France.

 

Edgar Faure qui lui succède voit la situation s'aggraver encore. Censuré, il fait jouer pour la première fois depuis 80 ans, depuis Mac-Mahon, la dissolution. Mais il n'est pas possible d'obtenir un résultat décisif du fait du scrutin proportionnel. Un courant se manifeste en faveur de Mendès France ; cependant comme celui-ci ne peut s'appuyer que sur le modeste parti radical, c'est la SFIO à laquelle il s'est allié qui fait figure de vainqueur, et Guy Mollet devient président du Conseil. Il se rend aussitôt à Alger, avec l'intention d'engager une négociation ; mais une émeute éclate dès son arrivée, à l'initiative de la population française ; il bat en retraite et envoie le contingent en Algérie. Puis il lance avec les Britanniques, une opération pour reprendre le canal de Suez que vient de nationaliser le dictateur égyptien, Nasser. Français et Anglais désavoués par les Etats-Unis et menacée par l'Union soviétique doivent se replier piteusement. Guy Mollet ne se maintiendra pas longtemps au pouvoir, remplacé en juin 57 par le radical Bourgès-Maunoury puis, quelques mois plus tard, par Félix Gaillard. Celui-ci ne durera que jusqu'au 15 avril 1958 et il faut presqu'un mois avant que l'Assemblée investisse un successeur, le MRP Pierre Pflimlin. Pflimlin, dans son discours d'investiture, le 13 mai, évoque au détour d'une phrase l'éventualité de négociations avec les rebelles algériens. Sur le champ, les Français d'Algérie constituent des Comités de salut public, auxquels des officiers de haut grade apportent publiquement leur soutien. Le gouvernement général à Alger est occupé par l'armée.

 

La République tremble sur ses bases.

 

Dans tout le pays, les regards se tournent vers de Gaulle. Que va-t-il dire ? Que va-t-il faire ? Le 14 mai, le Comité de salut public d'Alger, avec le général Massu à sa tête, lance un appel à de Gaulle pour qu'il constitue un gouvernement de salut public. Le lendemain, 15 mai, de Gaulle publie une déclaration dans laquelle il annonce qu'il se tient "prêt à assumer les pouvoirs de la République". Veut-il tous les pouvoirs ? Dans une éblouissante conférence de presse au palais d'Orsay à Paris, le 19 mai, il rassure : "Croit-on qu'à soixante-sept ans je vais commencer une carrière de dictateur ?", mais il confirme qu'il est prêt, dans ce drame, à gouverner le pays.

 

Sa tactique pour accéder au pouvoir est logique et simple. Il fait savoir aux militaires qu'en aucun cas il n'accepterait un putsch. Si un tel écart se produisait, il resterait à Colombey. Mais il a fait comprendre aux politiques que si ceux-ci veulent éviter ce coup d'Etat militaire, qui serait une véritable tragédie pour la France, qu'ils se tournent donc vers lui et lui donnent les moyens de gouverner, naturellement dans le respect des principes républicains. Comme le bruit continue à courir d'une opération militaire, Pinay d'abord, puis quelques jours plus tard, Guy Mollet se rendent à Colombey pour demander des assurances au Général avant de répondre à ses exigences. A Paris, il rencontrera le Troquer, président de l'Assemblée et Monnerville, président du Sénat, ainsi que Pflimlin qui démissionne le 28 mai. Le président Coty peut alors se tourner vers de Gaulle, et annoncer qu'il a décidé de faire appel "au plus illustre des Français".

 

Le 1er juin, de Gaulle constitue un ministère dont tous les portefeuilles ne sont pas attribués, mais il faudra que l'Assemblée se contente de cette liste provisoire avec Michel Debré à la Justice, et Malraux ; quatre ministres d'Etat représentent les grandes tendances politiques, Mollet, Pflimlin et, pour la droite modérée, Jacquinot, ainsi que l'Africain Houphouët-Boigny ; aux autres postes des hauts fonctionnaires, Couve de Murville aux Affaires étrangères, le préfet Pelletier à l'Intérieur, Guillaumat, alors président du Commissariat à l'énergie atomique, à la Défense. Dans les semaines suivantes, on complètera le gouvernement.

 

Ce même jour, de Gaulle lit à l'Assemblée une brève déclaration, puis quitte la séance, laissant les députés en débattre. En soirée, il a obtenu l'investiture avec trois cinquièmes de votes favorables. C'est le lendemain que tout va se jouer, le Parlement se pliant aux exigences du nouveau chef du gouvernement. Premièrement, de Gaulle obtient des deux assemblées les pleins pouvoirs, ce qui n'était pas le plus difficile car depuis le début de l'affaire algérienne, il en avait été ainsi pour tous les gouvernements qui s'étaient succédé. Deuxièmement, son gouvernement préparera une réforme constitutionnelle qui sera soumise à référendum. Enfin, comme il l'avait exigé, la session du Parlement est suspendue jusqu'à la reprise de la session ordinaire, en octobre.

 

De Gaulle a donc quatre mois devant lui pour jeter les bases d'une nouvelle République. L'élaboration de la Constitution sera la mission primordiale, car il en aura besoin pour gouverner autrement. Mais auparavant, il lui faut se rendre en Algérie. Le voici le 4 juin au balcon du gouvernement général à Alger devant une foule immense où se côtoient les deux communautés. Et il lance cet appel qui fait vibrer tous ceux qui l'entendent : "Je vous ai compris ! Je sais ce qui s'est passé ici. Je vois ce que vous avez voulu faire. Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c'est celle de la réconciliation et de la fraternité." Il n'a en vérité rien dit et rien promis. Mais il est là avec son incomparable stature. On sait qu'avec lui les choses vont avancer.

 

Sur-le-champ, il faut se mettre à la tâche pour élaborer la nouvelle constitution. Tout doit être accompli avant que ne s'ouvre la prochaine et éventuelle session du Parlement. C'est Michel Debré (photo), fidèle du Général depuis le temps de la Résistance, sénateur et désormais en charge de la Justice, qui va accomplir cette mission à laquelle il est préparé de longue main. "Autour de Michel Debré, une jeune équipe du Conseil d'Etat", comme l'écrira le Général dans ses Mémoires d'espoir, se réunit chaque matin et prépare un chapitre du texte constitutionnel. Chaque soir, cette ébauche est soumise au Général entouré de son directeur de cabinet Georges Pompidou, de son directeur adjoint Olivier Guichard, du vice-président du Conseil d'Etat René Cassin, ancien de la France libre, plus Michel Debré et les quatre ministres d'Etat. Et le matin suivant, "la jeune équipe" reprend ses travaux. L'ardeur de tous est telle que le texte est prêt avant la fin du mois de juillet. Il est alors présenté à un comité consultatif constitutionnel composé de treize députés, treize sénateurs et treize personnalités désignées par le gouvernement ; la présidence en était assurée par Paul Reynaud qui en cette circonstance fit tout son devoir envers le Général. Le texte initial, fort peu remanié, fut délibéré en Conseil des ministres durant le mois d'août. Et le général de Gaulle présenta publiquement le projet définitif le 4 septembre, date symbolique, sur la place de la République, lieu symbolique.