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"Faire réviser les Traités existants qui ont motivé le NON"

  

  •  Intervention  de Gérard Lafay, Professeurs des universités à Paris II

Comment sortir la France de la régression économique et sociale, illustrée par l'échec du projet Giscard le 29 mai 2005 ? Il faut d'abord s'interroger sur les causes d'une telle situation, puis retracer les perspectives offertes à l'élection présidentielle par les candidats du NON, et enfin analyser la façon dont les candidats du OUI ont tenu compte du message délivré par les électeurs.

  • Les causes de l'échec du projet Giscard

Le 29 mai 2005, le peuple français a refusé par 55 % le projet de constitution préparé sous l'égide de Valéry Giscard d'Estaing. Ce projet a été rejeté par référendum, car si l'électorat demeure favorable à l'union des nations européennes et à l'ouverture internationale, il est de plus en plus mécontent de la dérive subie depuis deux décennies. On peut certes retracer des pistes de redressement, par exemple en proposant une cotisation sociale sur la valeur ajoutée (CSVA), ou en trouvant de nouvelles sources de financement pour les entreprises, spécialement les très petites entreprises et les PME innovantes. Mais, quelle qu'elle soit, toute tentative de redressement national est étranglée par le carcan européiste, que le projet Giscard ne faisait qu'aggraver, et qui en fait est hérité des Traités antérieurs sous la double forme du marché unique et de la monnaie unique.

Le marché unique avait été présenté, avant son instauration, comme l'instrument d'une croissance plus forte à partir de 1993. Or il n'a donné qu'une croissance médiocre, signe de déclin économique et de chômage de masse. Au nom de l'harmonisation, ce marché unique multiplie les règles bureaucratiques, renforce la centralisation, désarme l'Europe face à la mondialisation, et il promeut une politique de la concurrence illimitée, érigée en dogme. Giscard prétendait même rendre cette politique irréversible, en la gravant dans le marbre de la constitution. Autant une saine concurrence peut être utile, autant il est funeste d'ignorer aussi bien les différences structurelles entre les pays (voir les articles de Maurice Allais) que le rôle nécessaire de l'État dans les branches stratégiques qui exigent une vision du long terme (exemple illustré aujourd'hui dans le secteur énergétique que l'on voudrait privatiser).

La monnaie unique prétendait accélérer la croissance après 1999. Or la zone euro n'a cessé de voir son poids relatif décliner, à mesure que son taux de change réel augmentait (un euro "fort" est en réalité un euro "cher"). Ce n'est pas le principe même de l'euro qui est condamnable, mais son mode de gestion qui comporte trois défauts essentiels. On applique d'abord les mêmes règles de fonctionnement à douze pays qui sont déjà trop différents entre eux, par leurs structures comme par leurs comportements, et qui le seront encore plus si l'on prétend élargir la zone euro. On attribue ensuite à la Banque Centrale Européenne une mission exclusivement anti-inflationniste, sans tenir compte du soutien épisodique de la croissance, de sorte que ses taux d'intérêt directeurs sont souvent trop élevés. Enfin, l'absence de toute stratégie de taux de change se traduit par une tendance à la surévaluation de l'euro, et donc par les coûts salariaux les plus élevés du monde, ce qui défavorise automatiquement l'investissement productif et la croissance.

  • Qu'en est-il des candidats qui ont préconisé le NON ?

En dehors de Nicolas Dupont-Aignan, aucun des autres candidats potentiels, favorables au NON, n'offre une alternative crédible au maintien d'une situation anti-démocratique, où les autorités françaises continuent à se soumettre aux diktats de Bruxelles, Francfort et Luxembourg.

A l'extrême gauche, les postulants trotskistes ou communistes ne manifestent qu'un vote protestataire, qui a perdu toute crédibilité depuis l'effondrement de l'empire soviétique, et qui va, au second tour, être canalisé vers le candidat du OUI de gauche.

A gauche, Laurent Fabius a échoué dans la transformation de son essai. Il a visiblement perdu ses chances au sein du parti socialiste, et n'a plus de crédibilité depuis qu'il s'est efforcé de se rapprocher de la thématique de l'extrême gauche, allant ainsi à l'encontre de son image ancienne.

A droite, Philippe de Villiers a commis une erreur symétrique, en voulant chasser sur les terres du Front national, perdant ainsi toute possibilité d'attirer un électorat qui n'est pas marqué politiquement, sans pour autant réussir à affaiblir Le Pen.

A l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen est parvenu à consolider un électorat populaire par des critiques souvent judicieuses, mais son anti-sémitisme viscéral transparaît périodiquement dans ses déclarations provocantes. Il suscite ainsi, à juste-titre, une opposition des autres hommes politiques, de sorte qu'il ne sert que de repoussoir (instrumentalisé à maintes reprises par François Mitterrand, et utilisé maintenant par les candidats du système européiste).

  • Qu'en est-il des candidats qui ont préconisé le OUI ?

Les médias dominants prévoyaient en 2005 une large victoire du OUI. Aujourd'hui, ils essaient de faire croire que l'élection présidentielle ne peut opposer que deux candidats officiels, alors que ceux-ci ne représentent en fait qu'une minorité. Pour 2007, la question qui se pose est de savoir si les candidats qui ont naguère préconisé le OUI ont vraiment compris les leçons du 29 mai.

A gauche, le PS se déchire actuellement sur des questions de personnes, la montée de Ségolène Royal étant vue d'un mauvais œil tant par Lionel Jospin que par Dominique Strauss-Kahn ou Jack Lang. Mais si la première s'efforce de chasser sur certaines terres marquées à droite, ni elle, ni aucun des autres postulants socialistes favorables au OUI, ne s'attaque de front aux règles de fonctionnement du marché unique et de la monnaie unique, qui ont été instituées par les Traités signés par François Mitterrand, et que le projet Giscard voulait pérenniser.

Au centre, François Bayrou prétend offrir une alternative alors qu'il est le plus compromis de tous dans la dérive européiste qui a été condamnée par le peuple français.

A droite, Nicolas Sarkozy a réussi a évincer ses concurrents de l'UMP, dont il apparaît désormais comme le candidat officiel. Au début de sa candidature, il se plaçait dans une logique ultra-libérale, atlantiste et communautariste, mais, depuis cet été, il a semblé infléchir son orientation, par son discours d'Agen et par le recrutement d'anciens conseillers "séguinistes" (Henri Guaino et Nicolas Baverez). Que faut-il en penser ? Nicolas Sarkozy maintient l'ambiguïté car, parallèlement, il conserve dans son équipe des européistes patentés (comme Michel Barnier), va faire allégeance à Bruxelles, n'envisage aucunement de faire réviser les Traités existants, avalisés par Jacques Chirac, promet au contraire de faire ratifier par le parlement une tranche du projet Giscard, en excluant tout nouveau référendum. Jusqu'à preuve du contraire, la "rupture" sarkozyste est condamnée à l'échec par le carcan européiste. En digne héritier de Chirac, Sarkozy ne semble ainsi penser qu'à une chose : se faire élire. Guaino et Baverez ont toutes les chances d'être dupés, comme ils l'ont déjà été par Chirac en 1995.

Conclusion

Le clivage gauche-droite existe toujours et, dans le futur, il reprendra immanquablement ses droits. Mais aujourd'hui, pour l'élection présidentielle de 2007, nous sommes dans une situation exceptionnelle, comparable à celle connue en France pendant l'occupation allemande. Le clivage traditionnel, normal dans une démocratie, doit temporairement s'effacer devant une ligne de partage majeure.

La question essentielle, qui domine tout le reste, est la suivante : OUI ou NON, pouvons-nous continuer à subir passivement, et sans aucune révision de fond, les Traités européens existants ? Ceux-ci rendent illusoire tout projet politique et sont de plus en plus rejetés par les peuples. Si un référendum avait été organisé partout, on sait qu'il aurait été négatif dans une grande majorité de pays de l'Union européenne.

Il faut donc élire en 2007 un Président capable de dire à nos partenaires : cessons de jouer la politique de l'autruche, tirons les leçons de la démocratie, négocions ensemble une révision drastique des Traités défectueux de l'Acte unique et de Maastricht.

Au delà du clivage gauche-droite, devenu temporairement secondaire,

Seul Nicolas Dupont-Aignan est capable d'incarner la vraie rupture, qui est celle du NON