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Dossier TVA SOCIALE
 

 

Quelle TVA sociale     par Pierre AUNAC                                                                                                                                                                                      Mis en ligne : 01/08//2006

 

Les articles concernant le problème du financement de notre système de protection sociale se multiplient dans la presse et il est souvent question de la “TVA sociale”. Mais ces termes sont à l’origine d’une grave méprise car ils désignent, en fait, deux modes de financement différents :

- suppression d’une part des charges sociales accompagnée à due concurrence d’une hausse de la TVA fiscale, comme le propose Jean Arthuis.

- modification du mode de calcul des charges sociales inspiré de celui de la TVA, les ressources collectées étant reversées directement par les entreprises aux organismes sociaux concernés, sans transiter par le budget de l’État, comme nous le proposons.

En théorie, ces deux modes ont des effet économiques identiques : allègement (voire suppression) des charges sociales, diminution des prix des produits exportés, augmentation de ceux des produits importés. Mais pratiquement, le premier se heurte à diverses difficultés qui en limitent étroitement l’application.

 

1) Le financement via le budget de l’État serait ressenti par les organisations syndicales comme une réduction du champ du paritarisme et de leurs responsabilités. Il y a gros à parier qu’ils seraient unanimement opposés à cette réforme.

2) Le budget de l’État obéit à un principe peu connu, celui de non-affectation des recettes. Toutes les recettes fiscales tombent dans un pot commun et peuvent être dépensées par les pouvoirs publics comme bon leur semble et détournées de leur objet initial en fonction des priorités du moment. Et les gouvernements ne s’en privent pas. On sait que le budget de l’assurance maladie affiche un déficit de 7 milliards, alors que, si l’Etat lui avait versé les 22 milliards promis, il serait largement excédentaire.

3) Le transfert des cotisations sur la TVA pose un problème redoutable d’ajustement des taux. En effet, l’assiette de la TVA est constituée par les prix hors taxes qui comprennent les cotisations sociales. Leur suppression – partielle ou totale – se traduirait donc par une diminution de l’assiette et, pour conserver l’intégralité des recettes, il faudrait réviser tous les taux à la hausse ! On imagine aisément les manifestations qui surgiraient de tous côtés.

4) Conséquence du phénomène ci-dessus, à l’augmentation des taux destinée au maintien des recettes fiscales, il faudrait ajouter la part nécessaire pour dégager les ressources sociales destinées à remplacer les cotisations supprimées. Est-il pensable de proposer aux français de remplacer, par exemple, les taux minorés (de 2,1 et 5,5 %) par des taux de 30 ou 40 %, même si ce n’est que l’effet d’un simple jeu arithmétique, sans courir le risque d’une redoutable explosion sociale ?

5) Compte tenu de l’ampleur de la réforme et du principe de non-affectation des recettes, il est probable que les instances européennes ne resteraient pas indifférentes et y opposeraient leur veto. Le cas du Danemark, souvent donné en exemple, n’est pas probant car, dans ce pays, c’est l’État qui perçoit les recettes et paie directement les retraites.

 

En résumé, pour toutes ces raisons, un transfert sur la TVA fiscale ne peut se concevoir qu’à la marge, et l’on comprend pourquoi Angela Merkel en Allemagne et Jean Arthuis en France limitent leur ambition à un transfert de 3 à 4 % environ.

Le mode de financement que nous proposons est un prélèvement distinct de la TVA fiscale. Il consiste simplement à modifier le mode opératoire des cotisations sociales qui serait identique à celui de la TVA, sans rien changer d’autre. Ce n’est qu’un remodelage des cotisations en vigueur. Ainsi,

- les recettes encaissées par les entreprises seraient versées directement aux organismes sociaux concernés.

- Les salaires nets ne seraient nullement affectés puisque les salariés ne perçoivent ni ne versent les cotisations.

- Il n’y aurait aucune interférence avec la TVA fiscale si l’on incorpore la TVA sociale dans son assiette comme le sont les cotisations.

- Ce financement est à l’abri des humeurs et des ingérences des instances européennes puisque, dans sa décision du 27 novembre 1985, la Cour de Justice de Luxembourg stipule que : « cette disposition [l’article 33 de la sixième directive] ne peut donc avoir pour objet de d’interdire aux États membres le maintien ou l’introduction de droits et taxes qui n’ont pas de caractère fiscal mais qui sont instituées spécifiquement pour alimenter des fonds sociaux et qui sont assis sur l’activité des entreprises ou de certaines catégories d’entreprises… »

Ces modalités confèrent à la TVA sociale, ainsi définie, des avantages considérables sur le terrain économique, dont le premier et le plus important, serait la restauration d’une compétitivité indispensable dans un marché largement ouvert à la concurrence internationale et mise à mal par l’ampleur des écarts entre les salaires horaires moyens existants. Ce prélèvement étant à l’abri des restrictions auxquelles le recours à la TVA fiscale est exposé, il est possible d’envisager une réforme de grande ampleur, appliquée à l’ensemble de cotisations, patronales et salariales. On peut calculer que les prix de nos  produits à l’exportation diminueraient de 25 % environ, tandis que ceux des produits importés augmenteraient de l’ordre de 34 %. Nos entreprises ne seraient plus incitées ou contraintes à débaucher ou à se délocaliser. On peut légitimement en attendre une forte reprise de l’activité, de l’emploi et des recettes fiscales et sociales.

Enfin, contrairement aux gains de productivité qui se traduisent par une diminution de la  part des salaires dans la production, la TVA sociale est la seule mesure qui permet une considérable amélioration de la compétitivité sans diminution de la part de la main d’œuvre dans la production. C’est la seule réforme qui permet de faire en sorte que l’emploi cesse d’être la variable d’ajustement du marché.

 

Pierre Aunac (Forum Pour la France)

Auteur de “Une économie au service de l’Homme” – Ed. L’Harmattan

Voir le dossier sur la TVA sociale