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  • Georges Sarre et la laïcité...                                                                             12 avril 2006

 

  

  • Georges Sarre : «En France, les partisans d'une «laïcité ouverte» comptent sur l'Europe pour nous imposer l'abrogation de la laïcité dans sa simplicité»
    Propos liminaire de Georges Sarre, Premier secrétaire du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC), devant la « Commission de défense de la loi de 1905 » du Grand Orient de France, 5 avril 2006

    Auditionné par la « Commission de défense de la loi de 1905 » du Grand Orient de France, le premier secrétaire du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) a pointé le rôle de la construction européenne et de la mondialisation libérale dans la remise en cause de la laïcité en France. Il a par ailleurs déclaré que « la reconnaissance, même implicite, de communautés à base religieuse ou ethnique, non seulement met à mal le principe de laïcité, mais suscite des affrontements qui risquent toujours par dégénérer en tragédies. »

 

"Chers Amis,

Soyons lucides : la laïcité est aujourd'hui menacée en France. Elle est menacée par l'idéologie européiste. La plupart des pays de l'Union Européenne vivent soit sous une législation concordataire, soit avec un système d'Eglise établie. Les pays d'Europe centrale ou orientale ont tendance à la confondre avec les régimes qu'ils ont connus pendant près d'un demi-siècle. Or, ceux-ci, loin d'être laïcs, avaient une philosophie officielle, le matérialisme dialectique, au nom de laquelle ils menaient un combat anti religieux, qui ne se limitait pas au seul anti cléricalisme, au seul transfert de la religion vers la sphère privée. Ils voulaient imposer à toutes les consciences une certaine conception du monde, de l'histoire et de l'univers. Pour les européistes, la laïcité s'assimile à une idéologie parmi d'autres. Elle a certes le droit d'exister, mais au nom de la tolérance elle doit cohabiter avec les autres. La France est seule à voir dans la laïcité un principe, qui en transférant religion et philosophie dans la sphère privée permet leur cohabitation harmonieuse. Bien sûr, nous proposons aux autres notre expérience. Encore, faudrait-il que tous nos responsables politiques aient au moins compris la nature profonde du principe de laïcité.

Soyons réalistes : la construction européenne veut détruire notre laïcité, et la remplacer par la tolérance, qui réintroduit dans l'espace public les religions et les philosophies. Souvenons-nous du projet de constitution européenne, que le peuple français a largement rejeté, le 29 mai dernier. Nous avions gagné sur le préambule, où ne figuraient plus « les racines chrétiennes de l'Europe », thèse historique d'ailleurs plus que discutable. Mais, dans la première partie, les institutions, et dans la deuxième partie, la charte des droits fondamentaux, avaient été maintenues les dispositions accordant un statut public aux religions et aux philosophies. Le pluralisme proclamé ne changeait rien à cette question de principe. Les forces, qui avaient plaidé en ce sens, n'ont pas abandonné leur combat. En France, les partisans d'une « laïcité ouverte » comptent sur l'Europe pour nous imposer l'abrogation de la laïcité dans sa simplicité. Ils reprennent cette stratégie oblique de contournement du suffrage universel qui a fini par obtenir le démantèlement de nos services publics.

Soyons conscients : la mondialisation sans contrôle sape aussi notre laïcité. Je ne parlerai pas ici de son contenu économique libéral. Je me contenterai d'évoquer la transposition sur notre sol des conflits qui de déroulent ailleurs dans le monde, et notamment celui du Proche Orient. La reconnaissance, même implicite, de communautés à base religieuse ou ethnique, non seulement met à mal le principe de laïcité, mais suscite des affrontements qui risquent toujours par dégénérer en tragédies. Certes, les partisans de la guerre des civilisations alimentent ce feu qui couve trop souvent dans nos banlieues. Mais les tenants de l'ordre établi y trouvent de leur côté leur compte. En expliquant les tensions et les incidents dans ces zones de chômage de masse persistant par les rivalités intercommunautaires, on évacue les véritables causes. On passe du choc des civilisations aux dérivatifs de choc.

Si, comme le disait Ernest Renan, la nation est un plébiscite de tous les jours, la République, elle, est une conquête de tous les jours, une conquête de l'intérêt général sur les intérêts particuliers, que ceux-ci soient individuels ou communautaires. La laïcité est une arme offensive au service de cette conquête permanente et difficile. La laïcité appartient à l'arsenal des principes républicains, qui doivent être ensemble mis en œuvre. Le projet républicain est cohérent. Si ses adversaires s'emploient à le déconstruire brique par brique, les républicains doivent au contraire souligner la complémentarité de ses divers aspects.

Ainsi, le Mouvement Républicain et Citoyen construit toute sa démarche politique en liant la question sociale et la question nationale, sans oublier bien au contraire la dimension laïque. Car la laïcité permet d'éviter de diviser les travailleurs sur des opinions ou des appartenances, qui n'ont rien à faire dans les usines ou dans les bureaux. Car la laïcité permet d'éviter de diviser les citoyens sur des convictions et des comportements, qui n'ont rien à faire dans l'espace public. Car la laïcité étend le champ de la liberté humaine, laissant à la compétence de la loi tous les éléments nécessaire à la vie commune et à la protection de chacun, mais s'abstenant d'aller au-delà en s'introduisant dans l'intimité et en fouillant dans les consciences.

Notre démarche laïque et républicaine est souvent moquée et caricaturée. Nous sommes fréquemment traités d'archaïques. Et, pourtant, l'actualité tragique de notre planète montre la nécessité absolue de ne pas s'enfermer dans des clivages qui n'ont rien d'essentiel. C'est pour cela que nous nous battons. C'est pour cela que la République reste encore et toujours une espérance. C'est pour cela que la France a un avenir. "