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Durant
la décennie du général de Gaulle, par son action et son prestige,
accentuant ainsi la prépondérance du Président, le débat sur les
institutions - dont certains pensaient qu'elles ne survivraient pas à
leur fondateur- n'a cessé d'alimenter les querelles politiques.
Cette querelle atteint un sommet lors de la
crise de 1962. Après l'attentat du Petit-Clamart, le président annonce
son intention d'obtenir, par révision constitutionnelle, l'élection du
président au suffrage universel. En choisissant la voie du référendum,
il engage un conflit avec le Parlement.
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Le débat du 5 octobre à l'Assemblée
nationale met fin à cette très longue relation qui liait le Général
à Paul Reynaud depuis les années 30. Reynaud a toujours soutenu le
militaire De Gaulle, ses idées et ses projets. Mais il s'agit
maintenant de juger de la constitutionnalité de la procédure engagée
pour réformer le mode de l'élection du Président de la République.
Reynaud qui présidait le comité constitutionnel de 1958 va même
jusqu'à évoquer un "viol de la constitution" et déclare que pour les
républicains, la "France est ici et non ailleurs". Une motion de
censure est déposée et aboutit à la mise en minorité du gouvernement
Pompidou par 280 voix contre 200
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Le 6 octobre, suite au vote de cette
première motion de censure de la Vème République, Georges Pompidou
présente, la logique institutionnelle imposant une telle décision,
la démission de son gouvernement. Le Général en prend acte et
l'accepte. Le Premier ministre reste néanmoins en place jusqu'au
renouvellement de l'Assemblée Nationale que vient de dissoudre (le
10 octobre) le Président de la République, la politique
gouvernementale étant moins contestée que le projet de réforme
constitutionnelle. Dès l'annonce de la dissolution, les leaders des partis d'opposition
(Centre national des Indépendants et Paysans, M.R.P., Parti radical,
Parti socialiste S.F.I.O.) ont constitué ensemble le "Cartel des
Non", manifestant ainsi leur intention de rester solidaires, après
le référendum, au moment des élections législatives.
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28 octobre : Ce n'est pas un
triomphe, mais à coup sûr une nette victoire sur les conservatismes
hérités de la IVème république. Le référendum portant sur l'élection
du Président de la République au suffrage universel rassemble une
large majorité de oui, avec 62,25% des suffrages exprimés.
Le taux d'abstention est de 23,03%. Les 18 et 26 octobre,
le général
de Gaulle s'adressait aux électeurs. Il en profite pour brocarder
une nouvelle fois "les partis de jadis", le camp de la "subversion"
et les "factieux, tous partisans du non. Il a lancé alors un appel
aux Français pour qu'ils lui accordent leur confiance et votent
massivement pour le oui et contre la "confusion". Si la réponse est
non, ou si la victoire du oui est "faible, aléatoire, médiocre", il
en tirera les conclusions qui s'imposent et partira : "Ma tâche sera
terminée aussitôt et sans retour." Ses proches assurent qu'il
réclame au moins la majorité des inscrits en faveur du oui. En fait,
à défaut d'y être parvenu, il dépasse les 47%, ce qui le conforte.
Il rassure son entourage : même déçu, il n'a pas l'intention de
démissionner.
La petite phrase
du Général : "Les soi-disant chefs des
soi-disant partis auraient préféré continuer à jouer à la belote.
Mais moi, je les ai obligés à jouer au poker. Et là, je suis le plus
fort."
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Paris, le 6 novembre. Par 6 voix contre 4, les "sages" du Conseil Constitutionnel se
déclarent incompétents face au recours de Gaston Monnerville. Le
Président du Sénat a réclamé l'annulation du référendum, arguant de
l'inconstitutionnalité de la loi du 28 octobre sur l'élection au
suffrage universel du Président de la République. Au congrès du
Parti Radical, il avait qualifié ce scrutin de "forfaiture, de
violation délibéré, réfléchie et outrageante de la constitution".
Preuve était apportée que la négation du suffrage universelle n'est
pas une caractéristique de l'époque actuelle.
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Le 25 novembre, les élections
législatives découlant de la motion de censure votée le 5 octobre
précédent voient le succès des gaullistes crédités de 32% des voix
au premier tour. L'UNR-UDT obtient 229 sièges (42% au deuxième
tour), un score sans égal pour aucun parti depuis la Libération.
C'est une double victoire pour le général de Gaulle. Dans cette
opération, il balaie les partis et élimine des adversaires
emblématiques tels Paul Reynaud et Pierre Mendès France. Avec
l'appui des 35 élus indépendants de Valéry Giscard d'Estaing, il
dispose de la majorité absolue à l'Assemblée.
OUI : 13.150.516 – NON : 7.974.538 |